Question de : Mme Sophie Panonacle
Gironde (8e circonscription) - La République en Marche

Mme Sophie Panonacle alerte M. le ministre de l'éducation nationale sur la nécessité de mettre un terme aux situations de harcèlement scolaire. En effet, un enfant sur 10 est actuellement touché en France par ces situations de harcèlement, ce qui représente 750 000 jeunes chaque année. 14 % des élèves du primaire, 12 % des collégiens, et 2 à 3 % des lycéens se déclaraient victimes de harcèlement en milieu scolaire en 2017. Le recours aux téléphones portables et aux réseaux sociaux dès le plus jeune âge a multiplié les situations de cyberharcèlement, dont les filles sont le plus souvent les victimes. Le harcèlement scolaire est constitué lorsque des propos ou comportements sont répétés par un élève à l'encontre d'un autre, et provoquent une dégradation des conditions de vie de ce dernier et son isolement. Si un service d'écoute « Non au harcèlement » a été mis en place par téléphone au 3020, les mesures d'accompagnement à l'école restent limitées, et la probabilité qu'une victime mineure se rendent seule au commissariat de police très faible. Un cadre législatif adapté au harcèlement scolaire permettrait de pallier ces difficultés, en créant de meilleures conditions d'action dès le signalement des premiers faits. En effet, si les articles 222-33-2-2, 222-7 et suivants, ainsi que 223-13 du code pénal sont applicables en matière de harcèlement scolaire, ils visent des situations plus générale de harcèlement, de violences et de provocation au suicide qui dépassent largement ce cadre, et ne lui sont pas toujours adaptées. Aussi, elle lui demande de lui indiquer les mesures qui pourraient être prises afin de mieux définir et prévenir les situations de harcèlement scolaire, et de mieux agir au secours des jeunes victimes.

Réponse publiée le 4 décembre 2018

Le harcèlement est un phénomène caractérisé par la répétition de violences verbales, physiques ou psychologiques d'un ou d'une élève, d'un groupe d'élèves, sur un ou une autre élève. Les usages du numérique qui sont ceux de nos sociétés aujourd'hui, qui sont ceux également de nos enfants et de nos adolescents, peuvent également contribuer à amplifier et à faciliter ce phénomène : on parle alors de cyberharcèlement. Ces violences (avec ou sans leur dimension numérique) revêtent parfois une dimension sexiste ou une dimension sexuelle, ce qui doit être pris en compte dans une école qui travaille quotidiennement à l'égalité entre les filles et les garçons, au respect mutuel entre les élèves de sexe ou d'origine différente. Depuis les assises sur le harcèlement de 2011, le ministère a développé, grâce à la mission de prévention et de lutte contre les violences en milieu scolaire, une politique en 4 axes : informer, prévenir, former, prendre en charge : - informer pour interpeller et mobiliser les personnels, les élèves et tous les partenaires avec la journée nationale, un site NAH et une page Facebook, un clip diffusé sur les chaînes nationales et internet ; - prévenir pour combattre ce fléau par les apprentissages, un prix national, des ressources et des outils de prévention ; - former pour mieux prendre en charge : former les personnels et surtout rendre les élèves acteurs de la prévention entre pairs, en développant leurs compétences psychosociales ; - prendre en charge par une professionnalisation des acteurs de terrain, aidés des 310 référents académiques, et par deux numéros dédiés avec le 30.20 et 0 800 200 000 Net écoute ou www.netecoute.fr. De plus, les services déconcentrés élaborent leurs plans d'action académique et départementaux en lien avec les projets portés par les groupes académiques climat scolaire (GACS) et les comités départementaux d'éducation à la santé (CDESC). L'ensemble des actions et dynamiques engagées par les écoles et les établissements est formalisé dans les plans de prévention des violences, obligatoires dans les écoles, les collèges et les lycées, conformément aux dispositions du code de l'éducation (articles R. 421-20 et D. 411-2). La question spécifique du harcèlement et du cyberharcèlement est portée quotidiennement par 310 référents académiques et départementaux. Ces derniers sont des interlocuteurs clefs pour les élèves victimes de harcèlement et pour leurs familles. Les professionnels de la plateforme téléphonique 30.20, joignable gratuitement, conseillent, écoutent, orientent et peuvent au besoin, contacter les référents académiques pour activer le suivi et faciliter l'action concrète. La plate-forme 0 800 200 000 (association Net-Ecoute) traite et accompagne élèves, parents et professionnels sur les questions relatives au cyberharcèlement. De plus, les programmes scolaires ménagent une place à la citoyenneté, au refus des discriminations, à la construction des compétences psychosociales et au développement de comportements prosociaux, comme en témoignent le programme d'enseignement moral et civique du cycle 2 au cycle 4 et le domaine 3 « formation de la personne et du citoyen » du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. La mission de prévention et de lutte contre les violences en milieu scolaire élabore des outils et des ressources de prévention qui permettent à chaque professionnel et aux équipes de conduire des actions en classe ou dans l'école ou l'établissement. Ces outils sont disponibles sur le site « Non au harcèlement ». Par ailleurs, il est important de rappeler que le cadre juridique relatif au harcèlement et au cyberharcèlement s'est précisé au fil du temps pour s'adapter aux différents degrés et aux différentes formes de violences. En effet, l'État est tenu de développer des politiques publiques homogènes sur le territoire national. Pour l'usager, l'action publique doit être prévisible. Cette prévisibilité s'organise autour de deux notions jurisprudentielles : - l'obligation d'organiser le service ; - l'obligation d'en assurer le bon fonctionnement. Dans le champ du harcèlement, des jurisprudences récentes, en sanctionnant à deux reprises des carences dans l'un et l'autre cas, rappellent ce qui est attendu de la puissance publique : tout d'abord mettre en place des protocoles d'évaluation, de prise en charge et de prévention, puis en garantir un fonctionnement efficace (décision du tribunal administratif de Rouen du 12 mai 2011 et la décision du tribunal administratif de Versailles du 26 janvier 2017). De cela, l'état doit rendre compte et cette double obligation d'initiative et d'efficacité peut engendrer sa condamnation par la juridiction administrative pour responsabilité en cas de manquement. Par ailleurs, dans le cadre de l'article 40 du code de procédure pénale, les fonctionnaires sont tenus de signaler au procureur de la République les crimes et délits dont ils ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions. Pour rappel, la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 qualifie de délit le harcèlement en milieu scolaire qui relève donc de cette obligation de signalement. Parallèlement, les chefs d'établissement disposent de procédures disciplinaires internes pour sanctionner les comportements répréhensibles des élèves. Cette légitimité à agir pour les faits commis dans l'enceinte scolaire pendant le temps scolaire est élargie, par une jurisprudence constante, aux faits commis en dehors du temps et des lieux scolaires quand les faits ne sont pas "dépourvus de tout lien avec la qualité d'élève". Le tribunal administratif de Versailles vient de faire une application de ce principe à une situation de harcèlement scolaire (décision 1608289 du 21 décembre 2017). De plus, on peut ajouter que les cyber violences à caractère sexuel et sexiste ont été reconnues par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Enfin, la politique publique s'appuie sur les partenaires associatifs ou institutionnels (Net écoute qui gère le numéro 0 800 200 000, police, gendarmerie, justice). Tous contribuent aux actions de sensibilisation et de formation, tant pour les élèves que pour les personnels et les parents. Ils sont associés et mobilisés autour des problématiques du cyberharcèlement et du « sexting non consenti » qui constituent la thématique centrale de la campagne nationale non au harcèlement 2018-2019. Ces résultats encourageants perçus dans les dernières enquêtes de victimation conduites par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance, combinés aux nouvelles mesures telles que l'interdiction de l'usage du téléphone portable justifient de maintenir les efforts et développer les actions de sensibilisation, de formation, de prévention et de prise en charge sans jamais baisser la garde.

Données clés

Auteur : Mme Sophie Panonacle

Type de question : Question écrite

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale et jeunesse

Dates :
Question publiée le 25 septembre 2018
Réponse publiée le 4 décembre 2018

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