Lutte contre les incendies et complémentarité opérationnelle des drones
Publication de la réponse au Journal Officiel du 17 novembre 2020, page 8210
Question de :
Mme Sereine Mauborgne
Var (4e circonscription) - La République en Marche
Mme Sereine Mauborgne interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la complémentarité opérationnelle que pourrait représenter l'utilisation de drones parmi les appareils dédiés aux missions de guet aérien dans le cadre de la lutte contre les incendies. Le « guet aérien armé » est une composante essentielle de la stratégie nationale de lutte contre les incendies et repose sur la surveillance ciblée de zones identifiées « à risques sensibles ». Des moyens sont pré-positionnés à proximité ou au-dessus des zones concernées afin d'être en mesure de réagir très rapidement face aux départs de feux. En permettant une intervention dès l'identification d'un départ de feu, le guet aérien favorise l'optimisation du recours à la flotte des bombardiers d'eau lourds de la sécurité civile (les « Canadair » et les « Trackers »), fortement sollicités durant les derniers épisodes estivaux. Dans une logique alliant efficacité opérationnelle et optimisation des coûts de maintenance des appareils assurant la mission de guet aérien armé, Mme la députée avait interrogé en octobre 2017 M. le ministre sur la pertinence d'un recours à de petits aéronefs, par exemple les « Air Tractor AT-802 » dont dispose l'Espagne. Tout en reconnaissant l'utilité opérationnelle du recours à ce type d'aéronef dans certains départements, le ministère a toutefois considéré, en s'appuyant sur les résultats d'une évaluation menée par ses services, que son utilisation ne pouvait être ni systématique ni nationale. Par ailleurs, d'autres appareils sont susceptibles de compléter le dispositif de guet aérien « non armé ». C'est le cas des véhicules aériens sans pilote (UAV) du type drones, dont l'utilité opérationnelle a pu être démontrée à l'occasion de leur utilisation par 180 municipalités américaines contre les feux dévastateurs de l'été 2018. La garde aérienne de Californie a, par exemple, déployé à une hauteur de 20 000 pieds des drones de qualité militaire MQ-9 Reaper pour recueillir données et images sur la propagation des incendies. Le déploiement de drones dans le cadre de missions de guet aérien présente plusieurs atouts : une importante autonomie d'action en vol pour un coût comparativement moins important, un moindre recours aux aéronefs « lourds » dont le coût de maintenance s'en trouverait diminué ainsi qu'une réduction d'exposition pour les équipages. Par conséquent, elle lui demande s'il envisage de mener ou a d'ores et déjà engagé une évaluation portant sur les gains opérationnels et budgétaires d'un recours éventuel et généralisé aux véhicules aérien sans pilote de type drones dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre les incendies. Elle le remercie enfin de lui préciser la nature des obstacles d'ordre réglementaire actuellement posés par une telle hypothèse.
Réponse publiée le 17 novembre 2020
Depuis plusieurs années, à différents échelons, la sécurité civile a su prendre en compte la ressource technique offerte par les drones, s'en doter et les adapter à ses besoins. Pilier de la stratégie française de la défense des forêts contre l'incendie, le guet aérien armé (GAAR) contribue fortement à un objectif majeur : éteindre les incendies dans leur phase initiale. La plus-value offerte par ces patrouilles aériennes armées réside principalement dans leur capacité à délivrer une charge sur un départ de feu dans un délai inférieur à 10 minutes sur des secteurs où l'absence d'un traitement rapide conduirait à des conséquences d'une ampleur potentiellement très importante. De plus, la synergie offerte par la nécessaire coordination aéroterrestre entre pilotes et équipes au sol sur un même théâtre d'opérations est un gage de sécurité et d'efficacité. Le maillage des territoires à risque offre un niveau de finesse et de développement technique (automatisation et localisation précise des incendies dans plusieurs départements) permettant la détection précoce de la quasi-totalité des feux de végétation. En revanche, au regard de la superficie des espaces naturels à couvrir aux Etats-Unis, l'utilisation de drones type MALE (moyenne altitude longue endurance) est particulièrement utile. Pour autant, ces moyens ne sont pas, pour l'instant, en mesure d'éteindre ces départs de feux. Aussi, l'adaptation américaine de matériel militaire aux seules fins de détection ne trouverait pas, en France, la même plus-value. Par ailleurs, elle nécessiterait une coordination avec les moyens aériens de lutte mais surtout avec le trafic de l'aviation civile. Dans le cadre de la lutte contre les incendies, les armées pourraient être sollicitées afin de mettre en œuvre ce type de matériel. Cependant, la France possède un nombre très limité de drones de type MALE. Par ailleurs, leur engagement sur le territoire national est soumis aux règles de navigabilité mais dépendrait surtout de leur disponibilité. Comme nombre de matériels militaires rares, leur emploi en opérations extérieures reste prioritaire et le gain relatif apporté, comparativement au dispositif de détection précoce des feux actuellement déployé sur le territoire national, ne permettrait pas de justifier les coûts inhérents à leur engagement. Ainsi, en l'état actuel des capacités techniques offertes par les drones, le ministère de l'intérieur n'envisage pas de les utiliser comme un outil potentiel aux missions de GAAR. En moyenne, une centaine de GAAR est effectuée pendant les saisons estivales en zone méditerranéenne. Elle permet de traiter chaque année une centaine de départs de feux dont les trois-quarts sont arrêtés avant d'atteindre 5 hectares sur des secteurs où les dangers sont d'un niveau particulièrement élevé (surfaces menacées de plus de 100 ha pouvant entrainer des risques pour les intervenants et des dépenses importantes pour la collectivité). Au cours de l'été 2019, près de 70 départs d'incendies ont été éteints grâce à la capacité de délivrer précisément et en moins de 10 minutes une charge de plusieurs tonnes de retardant par un « bombardier » en coordination étroite avec les équipes au sol. Pour autant, les drones sont devenus des outils majeurs de la conduite des opérations et de la gestion de crise, y compris celles liées aux incendies de forêts, notamment par leur capacité à retranscrire en temps réel une situation et son évolution. Ainsi, comme plusieurs services départementaux d'incendies et de secours, les moyens nationaux se sont dotés de drones plus petits, d'une capacité adaptée à leurs besoins. A l'image du Gard, des Bouches-du-Rhône et des Landes, entre autres, les formations militaires de la sécurité civile (ForMiSC) mettent en œuvre ces matériels dans le cadre de la lutte contre les feux de forêts notamment pour des missions de surveillance, de levée de doute, de reconnaissance et de suivi de l'évolution d'un feu. Il est important de noter que les volumes d'évolution de ces appareils correspondent à celui des avions de la sécurité civile ce qui interdit un engagement concomitant (les drones ne sont pas utilisés lorsque les moyens nationaux interviennent). Le rapport coût/bénéfice offert par ce type d'investissement est particulièrement favorable et permet d'éviter l'exposition de personnel aux dangers tout en limitant les délais de déplacement et de transmission des informations. La modularité de ces outils permet de les adapter à chaque type de mission (changement des capteurs) et leur coût relativement limité autorise le suivi des avancées technologiques souvent rapides dans ce domaine. En revanche, ce rapport coût/bénéfice serait beaucoup plus défavorable dans le cadre de l'acquisition de drones MALE par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). Mais pour répondre à ce type de besoin, le choix de doter plusieurs avions de la base de la sécurité civile (BSC) d'équipements optroniques semblables à ceux utilisés par les armées permettra à très court terme de remplir des missions équivalentes aux drones MALE pour un coût moindre. Même si l'autonomie des machines reste limitée par le facteur humain, cette solution offre une souplesse d'emploi et une modularité en préservant le rôle « multi-missions » de la flotte de la sécurité civile. L'extension géographique des zones sensibles au feu au cours de périodes de plus en plus longues invite la DGSCGC à augmenter sa capacité de lutte notamment par le biais d'aéronefs bombardiers d'eau (avions ou hélicoptères). Le nombre de feux échappant à la détection précoce est particulièrement bas au regard du maillage du terrain effectué toute l'année et plus particulièrement lors de période à fort risque. A ce titre, l'acquisition de drones MALE du type de ceux employés au Etats-Unis afin de réaliser de simples missions de guet ne semble pas être judicieuse. En revanche, l'adaptation des matériels existants (Beechcraft) et l'amélioration de l'actuelle flotte de drones afin de suivre les avancées technologiques ont permis à la sécurité civile de se doter d'outils opérationnels pertinents qui ont encore vocation à progresser. Ces éléments sont exclusivement centrés sur l'approche « feux de forêts » et n'abordent pas les éventuelles plus-values que les drones apporteraient sur d'autre problématiques que le feu de forêts.
Auteur : Mme Sereine Mauborgne
Type de question : Question écrite
Rubrique : Sécurité des biens et des personnes
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 25 novembre 2019
Dates :
Question publiée le 2 octobre 2018
Réponse publiée le 17 novembre 2020