Question écrite n° 12949 :
Soutien de la France au processus de désarmement nucléaire multilatéral

15e Législature

Question de : M. Pierre Dharréville
Bouches-du-Rhône (13e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Pierre Dharréville attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le positionnement de la France quant à la prolifération des armes nucléaires et aux nécessités de soutenir les processus de désarmement multilatéral. Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) signé par la France prévoit, dans son article 6, l'obligation pour les signataires de s'engager dans le désarmement nucléaire. Dans le prolongement du TNP, les Nations unies ont adopté, le 7 juillet 2017 par 122 États membres, le Traité d'interdiction des armes nucléaires (TIAN). Les armes nucléaires sont, en effet, les plus dévastatrices eu égard aux conséquences humanitaires et environnementales, elles sont extrêmement coûteuses. Elles constituent une menace pour la stabilité mondiale et la paix. Le 26 septembre 2018, à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination totale des armes nucléaires, l'ONU a publié une déclaration rappelant que « Les problèmes de sécurité qui prévalent ne peuvent être une excuse pour continuer à s'appuyer sur les armes nucléaires ni pour abandonner notre responsabilité commune d'atteindre une société mondiale pacifique » et que le TIAN « marque une étape et une contribution importante vers l'objectif commun d'un monde sans armes nucléaires ». Malgré la signature du TNP, la France n'a toujours pas ratifié le TIAN après avoir refusé de participer aux négociations. De plus, la loi de programmation militaire votée en 2017 prévoit un doublement des crédits consacrés à l'arme atomique qui sont ainsi passés de 3,3 à 7 milliards d'euros par an, soit 37 milliards d'euros jusqu'en 2025. La France, membre du conseil de sécurité de l'ONU, doit, au contraire, appliquer le droit international en confirmant l'engagement pris par la signature du TNP et s'inscrire pleinement dans le processus de désarmement nucléaire par la ratification du TIAN. De tels crédits pourraient être affectés à répondre à des besoins humains essentiels et à des programmes de justice et de coopération susceptibles de fonder des relations pacifiées et pacifistes. 76 % des Français exigent la ratification du TIAN. Il lui demande comment le Gouvernement compte répondre à ces enjeux et à cette aspiration.

Réponse publiée le 30 octobre 2018

La France se conforme pleinement à ses engagements au titre de l'article VI du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Elle le fait dans le cadre d'une approche progressive et pragmatique de façon à promouvoir la stabilité régionale et internationale, sur la base d'une sécurité non diminuée pour tous. La France a souscrit à l'objectif fixé par le TNP du désarmement nucléaire, qui est plus généralement celui du désarmement général et complet. Elle doit donc créer collectivement les conditions qui permettront à terme l'élimination des armes nucléaires. Cela nécessite la progression du désarmement nucléaire mais aussi celle du désarmement conventionnel, l'universalisation et le respect de l'interdiction des armes chimiques et biologiques, la prise en compte de la prolifération balistique, la sécurité dans l'espace extra-atmosphérique, et la résolution des crises régionales de prolifération. A terme, la France partage l'objectif de l'élimination totale des armes nucléaires, quand le contexte stratégique le permettra. Pour y parvenir, elle a déjà accompli d'elle-même des efforts concrets et exemplaires depuis la fin de la guerre froide : démantèlement irréversible des installations de production de matières fissiles pour les armes nucléaires ; démantèlement complet de la composante nucléaire sol-sol ; réduction d'un tiers de la composante océanique et de la composante aéroportée ; démantèlement irréversible du site d'essais dans le Pacifique et ratification dès 1998 du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE). Ce sont autant d'actes tangibles qui témoignent de son engagement concret et continu en faveur du désarmement nucléaire. Par ailleurs, la France n'a jamais participé à la course aux armements nucléaires. Elle a maintenu son arsenal nucléaire au niveau le plus bas possible, compatible avec le contexte stratégique, en application du principe de stricte suffisance. Le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) est un texte inadapté au contexte sécuritaire international, caractérisé par des tensions croissantes et la prolifération des armes de destruction massive. Ce traité crée une norme contraire au TNP, et par là même le fragilise alors même qu'un régime de non-prolifération robuste et respecté est aujourd'hui plus nécessaire que jamais. Le TIAN n'apporte pas les garanties posées par le TNP, ne reprend pas les plus hauts standards de garanties de l'AIEA, et n'est par ailleurs assorti d'aucun mécanisme de vérification. La France n'a pas participé aux négociations de ce traité et elle n'entend pas y adhérer. La décision d'un très grand nombre d'Etats, dotés, possesseurs ou non d'armes nucléaires, de ne pas participer aux négociations, en Europe et en Asie notamment, illustre avec force ce décalage. La politique de sécurité et de défense de la France, tout comme celle de ses alliés et d'autres partenaires proches, repose sur la dissuasion nucléaire. La dissuasion vise à protéger la France de toute agression d'origine étatique contre ses intérêts vitaux, d'où qu'elle vienne, et quelle qu'en soit la forme. Un traité d'interdiction des armes nucléaires risquerait à cet égard d'affecter la sécurité de la région euro-atlantique et la stabilité internationale. La France s'est publiquement engagée à ne pas concevoir de nouveaux types d'armes. Elle respecte pleinement cet engagement, y compris lorsqu'elle est amenée à remplacer ses armes. Le renouvellement de ses moyens est nécessaire, compte tenu de leur vieillissement. La nécessaire adaptation de ses capacités de dissuasion doit se poursuivre pour répondre aux transformations du contexte stratégique, à l'évolution des menaces. Le coût de la dissuasion est soutenable et doit être examiné au regard de l'enjeu de sécurité auquel répond la dissuasion nucléaire. La France assume le coût de sa dissuasion, sans jamais transiger sur la crédibilité, l'autonomie, la fiabilité et la sûreté dès lors qu'il s'agit de sa survie et de sa souveraineté. Le désarmement nucléaire ne se décrète pas, il se construit par des actions concrètes, adaptées et efficaces. La France demeure déterminée à mettre en œuvre les prochaines étapes concrètes du désarmement nucléaire, conformément à ses engagements au titre du TNP. En particulier : - la France poursuivra son action résolue et déterminée en faveur du désarmement nucléaire. L'entrée en vigueur du TICE est à cet égard une priorité. La France appelle tous les Etats qui ne l'ont pas déjà fait à signer et ratifier le TICE. En tant que contributeur technique et financier, la France apporte son expertise en soutien au système de surveillance international, désormais complet à 90 % et qui a fait la preuve de son efficacité pour la détection des essais nord-coréens ; - la négociation, à la Conférence du désarmement, d'un Traité interdisant la production de matières fissiles pour les armes et autres dispositifs explosifs nucléaires (FMCT), constitue également une étape incontournable et irremplaçable vers un monde exempt d'armes nucléaires. Un FMCT empêchera le développement quantitatif des arsenaux nucléaires. La France a déjà participé activement au groupe préparatoire d'experts de haut niveau, établi par la résolution 71/259 de l'Assemblée générale des Nations unies (AGNU) sur le FMCT, qu'elle a soutenue ; - les échanges sur les enjeux techniques de la vérification du désarmement nucléaire entre Etats dotés et non dotés d'armes nucléaires sont également importants pour accroître la compréhension et renforcer la confiance entre les Etats parties au TNP. C'est la raison pour laquelle la France participe activement au Partenariat international sur la vérification du désarmement nucléaire (IPNDV) et a soutenu la résolution 71/67 de l'AGNU qui établit, à partir de 2018, un groupe d'experts gouvernementaux (GGE) sur le rôle de la vérification pour avancer en matière de désarmement nucléaire. La France souhaite que le plus grand nombre possible d'Etats soutiennent ces différents processus très prometteurs ; - enfin, les Etats-Unis et la Russie possèdent encore près de 90 % du stock mondial d'armes nucléaires. La France appelle donc ces pays à poursuivre dans la durée leurs efforts de réduction, et à préserver ou renouveler les instruments de maîtrise des armements existants (notamment le traité New START).

Données clés

Auteur : M. Pierre Dharréville

Type de question : Question écrite

Rubrique : Traités et conventions

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 2 octobre 2018
Réponse publiée le 30 octobre 2018

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