15ème législature

Question N° 13081
de M. Martial Saddier (Les Républicains - Haute-Savoie )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > immigration

Titre > Situation des Mineurs non accompagnés

Question publiée au JO le : 09/10/2018 page : 8976
Réponse publiée au JO le : 02/04/2019 page : 3039
Date de changement d'attribution: 16/10/2018

Texte de la question

M. Martial Saddier attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la situation des mineurs non accompagnés (MNA) plus particulièrement dans le département de la Haute-Savoie. La loi oblige les conseils départementaux à mettre, de façon inconditionnelle, tout mineur à l'abri. Alors qu'ils n'étaient que 90 MNA en 2015, ce sont actuellement plus de 315 MNA qui ont été confiés au département de la Haute-Savoie dans le cadre des dispositions relatives à la protection de l'enfance, soit une progression de +240 % en 3 ans. Par an, ce sont pratiquement 500 MNA qui sont gérés par les services de cette collectivité. Il s'agit de l'effectif le plus élevé jamais enregistré et une nette progression a été enregistré au cours de l'été 2018. Les MNA représentent désormais plus de 25 % des mineurs placés sous la responsabilité du département et notamment plus de la moitié des grands adolescents et à 90 % des garçons. Cette situation n'est pas sans conséquence en matière de dispositif d'accueil. Bien que le département ait développé une offre de prise en charge avec 258 hébergements dédiés aux MNA, ce dispositif n'est plus suffisant. Le département n'arrive plus à faire face et doit régulièrement faire appel au réseau hôtelier, aux familles de parrainage et aux maisons d'enfants classiques. De plus, le département de la Haute-Savoie voit également ses dépenses en faveur des MNA exploser. Le coût pour la collectivité a ainsi progressé de +156 % entre 2015 et 2018 et s'élève actuellement à 10 024 000 euros. Autre difficulté : l'évaluation de l'âge des MNA par les travailleurs sociaux. De plus en plus, des cas de suspicion de majorité sont apparus. Le seul moyen légal de vérifier qu'un mineur soit effectivement mineur est la possibilité d'effectuer des tests médicaux autorisés par un juge. Or, à ce jour, les juges refusent systématiquement de donner l'autorisation de procéder à ces tests. De plus, la CNIL vient de refuser la possibilité de créer un fichier national des MNA. La possibilité reste donc ouverte pour un individu étranger isolé, une fois la procédure achevée dans un département, de s'inscrire dans le département voisin. Enfin, un soupçon pèse aussi sur l'existence d'une filière organisée de passage des MNA, la Haute-Savoie étant un département frontalier. Cette situation s'est aggravée depuis la fin de l'état d'urgence et la suppression du contrôle au tunnel du Mont-Blanc. Aussi, il souhaite connaître les intentions du Gouvernement et les mesures que le Gouvernement envisage pour aider les départements dans la prise en charge des MNA.

Texte de la réponse

Le flux de personnes se déclarant mineurs non accompagnés (MNA) a fortement augmenté ces trois dernières années. Le nombre de personnes reconnues MNA a ainsi augmenté en proportion, passant de 5 590 en 2015 à 14 908 en 2017 pour atteindre 17 022 en 2018. La quasi-totalité des départements font part de la saturation de leurs dispositifs d'évaluation et de prise en charge, qui emporte des conséquences tant sur la qualité du service rendu que sur les équipes des services de la protection de l'enfance et les finances des départements. Alerté sur les difficultés engendrées par l'augmentation du flux de MNA, le Premier ministre a confirmé le 20 octobre 2017 que l'État renforcerait son accompagnement des départements pendant la phase d'évaluation de la minorité. Une mission bipartite composée de représentants des corps d'inspection de l'État et de conseils départementaux a rendu le 15 février 2018 un rapport étayé. Sur cette base, un accord est intervenu le 17 mai 2018 entre l'État et l'Association des départements de France. Aux termes de cet accord, qui ne remet pas en cause la compétence des départements en matière protection de l'enfance, l'État s'est engagé à renforcer son appui opérationnel et financier aux départements. Outre des efforts de régulation des flux (démantèlement des filières, fichier national, etc.), l'État a proposé une aide concentrée sur la phase d'accueil et d'évaluation, avec 500 euros par jeune à évaluer, plus 90 euros par jour pour l'hébergement pendant 14 jours, puis 20 euros du 15ème au 23ème jour. L'État apporte son plein appui aux collectivités départementales pour l'évaluation de minorité. Le décret n° 2019-57 du 31 janvier 2019 issu de l'article 51 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a créé un traitement de données pour mieux garantir la protection de l'enfance. Il permettra d'accélérer et de fiabiliser le processus d'évaluation de la minorité et d'éviter le détournement de la protection de l'enfance par des majeurs et ainsi de mieux accueillir les mineurs en situation d'isolement. En réduisant les risques d'erreur dans l'évaluation de la minorité, ce traitement contribuera à limiter le recours systématique aux tests osseux. L'enrôlement des données biométriques des personnes se déclarant mineures dans un fichier national constituera un outil opérationnel pour identifier une personne déjà évaluée majeure et ainsi limiter les présentations successives dans plusieurs départements. Ce décret, pris en Conseil d'Etat, a été soumis au préalable à l'avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés, qui a rendu un avis favorable, émettant quelques réserves qui ont pu être prises en compte. Il apporte toutes les garanties en matière de protection des données et des droits individuels. Le traitement de données permettra d'accroître la robustesse de la procédure d'évaluation et de garantir que les personnes admises au bénéfice de l'aide sociale à l'enfance sont bien mineures. Le décret instituant ce traitement prévoit d'ailleurs que les données des personnes évaluées majeures seront reversées dans l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France, ce qui permettra aux préfectures d'initier, le cas échéant, les procédures d'éloignement. S'agissant des personnes qui se révèlent être majeures après leur prise en charge, il est rappelé que l'établissement de la fraude fait obstacle à la délivrance d'un titre de séjour. Enfin, les services de l'État sont mobilisés pour combattre les filières dans la mesure où elles constituent des rouages déterminants dans l'exploitation de cette catégorie d'êtres humains particulièrement vulnérables.