Rubrique > maladies
Titre > Procédure de prise en charge des victimes de l'amiante.
M. Hubert Wulfranc interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le dispositif d'indemnisation des victimes de l'amiante. Véritable scandale sanitaire du XXe siècle, les victimes de l'amiante et leurs proches attendent depuis de nombreuses années le procès pénal des responsables, notamment celui des parties prenantes au Comité permanent amiante, instrument de lobbying des industriels du secteur auprès des pouvoirs publics qui a tout fait pour retarder le plus longtemps possible l'interdiction de l'usage de l'amiante. Si 35 000 personnes sont mortes en France d'une maladie de l'amiante entre 1965 et 1995, de 50 000 à 100 000 décès liés à l'amiante sont prévus sur la période courant de 2000 à 2025 dans le pays. Deux tiers des décès seront causés par un cancer du poumon et le dernier tiers par des mésothéiliomes pleuraux. L'amiante est également responsable de pathologies invalidantes plus bénignes telles que l'asbesteose ou des plaques pleurales et des épaississements pleuraux sans traitement médical à ce jour. Si le risque amiante est essentiellement un risque professionnel, les victimes sont avant tout des salariés ayant travaillé dans l'industrie de l'amiante, la pétrochimie, l'industrie navale, le BTP, sur les docks des ports, d'autres individus exposés à la fibre cancérogène ont également développés des pathologies spécifiques à l'amiante, les victimes dites « environnementales ». Suite à l'interdiction définitive de l'usage amiante en 1997, des dispositifs ont été mis en place par le législateur au bénéfice des victimes directes ainsi que pour leurs ayants droits. D'un côté, un système de rente versé par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), de l'autre, un dispositif de préretraite, l'Allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA). En 15 ans, 87 000 personnes ont bénéficié de l'ACAATA sur 132 000 demandes déposées, 21 000 personnes la touchent actuellement. Du fait parfois de la modestie de l'allocation, égale à 65 % du salaire brut, de nombreux salariés rémunérés au SMIC ont renoncé à l'ACAATA ne pouvant vivre dignement avec une allocation fixée alors entre 800 et 850 euros. Une autre injustice découle du système de listes des entreprises reconnues amiantées, établies par décret ministériel, qui exclut du bénéfice de l'ACAATA de très nombreux salariés d'entreprises sous-traitantes ainsi que des intérimaires, alors même qu'ils travaillaient dans des établissements reconnus amiantés. Ainsi, deux personnes qui ont fait le même travail, au même endroit, toute leur vie, exposées aux mêmes risques liés à l'amiante ont des droits différents au moment du départ en retraite. Or, à exposition identique à l'amiante, les conditions de départ devraient être identiques. Dans les faits, seul le salarié ayant un lien juridique avec une entreprise listée pourra bénéficier de l'ACAATA. Cette situation est objectivement source de discrimination. La mise en place d'un accès individuel à la préretraite amiante doit donc être envisagée pour les salariés d'entreprise sous-traitante non inscrites sur les listes ou mis à disposition par des sociétés de travail temporaire sur la base de l'établissement d'un dossier réunissant un faisceau d'indices. Ces indices pourraient être le secteur d'activité, le métier, la durée et la période d'exposition, les situations de travail et gestes professionnels ou encore l'exercice d'une activité professionnelle sur le site d'un établissement ouvrant droit à l'ACAATA, ou le nombre de malades démontrant une exposition professionnelle à l'amiante susceptible de réduire l'espérance de vie. Le Gouvernement s'était engagé, en décembre 2012, à étudier la faisabilité d'une voie d'accès individuelle à l'ACAATA pour des travailleurs qui en sont aujourd'hui exclus. La mesure n'a pas été reprise au motif qu'elle pèserait trop lourd sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale. Cet argument est contestable du fait de la forte diminution du nombre de personnes allocataires de l'ACAATA ces dernières années. Un autre point problématique réside dans la dissymétrie de droits entre les salariés exposés à l'amiante et les employeurs dans le cadre de la procédure d'inscription les listes des entreprises amiantées ouvrant droit au versement de l'ACAATA. En effet, la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 dispose que cette inscription ne peut intervenir qu'après information de l'employeur concerné. La décision d'inscription d'un établissement ou de modification doit être notifiée à l'employeur. À l'inverse, lorsqu'un établissement a été inscrit sur demande d'un salarié, d'une association ou d'une organisation syndicale, la législation ne prévoit aucune information du demandeur lorsque l'employeur demande l'annulation ou la modification de l'arrêté d'inscription. Cette dissymétrie entre les différentes parties prive le demandeur de la possibilité de faire valoir ses arguments en temps voulu et de les porter à la connaissance des pouvoirs publics dans des délais raisonnables. L'instruction qui précède la décision ministérielle se doit de respecter le principe du contradictoire. Un amendement dans ce sens avait été déposé pour le PLFSS pour 2017 par des sénateurs de trois groupes. Celui-ci avait reçu un avis favorable de la commission des affaires sociales du Sénat puis avait été adopté par le Sénat. Cet amendement a malheureusement été rejeté par l'Assemblée nationale. Par conséquent, il lui demande de lui préciser si le Gouvernement est prêt à faire évoluer le droit à l'information des salariés dans ce sens afin de faire respecter le principe du contradictoire de la procédure de classement et de déclassement des établissements et entreprises amiantés. De plus, il lui demande de préciser si le Gouvernement entend mettre en œuvre une procédure d'accès complémentaire à l'ACAATA individuelle pour les personnes ayant été exposées à l'amiante dont l'entreprise n'a pas été classée sur les listes officielles amiantes et ce, dans un souci de stricte justice sociale.