15ème législature

Question N° 13106
de M. Hubert Wulfranc (Gauche démocrate et républicaine - Seine-Maritime )
Question écrite
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > maladies

Titre > Procédure de prise en charge des victimes de l'amiante.

Question publiée au JO le : 09/10/2018 page : 8995
Réponse publiée au JO le : 22/01/2019 page : 658

Texte de la question

M. Hubert Wulfranc interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le dispositif d'indemnisation des victimes de l'amiante. Véritable scandale sanitaire du XXe siècle, les victimes de l'amiante et leurs proches attendent depuis de nombreuses années le procès pénal des responsables, notamment celui des parties prenantes au Comité permanent amiante, instrument de lobbying des industriels du secteur auprès des pouvoirs publics qui a tout fait pour retarder le plus longtemps possible l'interdiction de l'usage de l'amiante. Si 35 000 personnes sont mortes en France d'une maladie de l'amiante entre 1965 et 1995, de 50 000 à 100 000 décès liés à l'amiante sont prévus sur la période courant de 2000 à 2025 dans le pays. Deux tiers des décès seront causés par un cancer du poumon et le dernier tiers par des mésothéiliomes pleuraux. L'amiante est également responsable de pathologies invalidantes plus bénignes telles que l'asbesteose ou des plaques pleurales et des épaississements pleuraux sans traitement médical à ce jour. Si le risque amiante est essentiellement un risque professionnel, les victimes sont avant tout des salariés ayant travaillé dans l'industrie de l'amiante, la pétrochimie, l'industrie navale, le BTP, sur les docks des ports, d'autres individus exposés à la fibre cancérogène ont également développés des pathologies spécifiques à l'amiante, les victimes dites « environnementales ». Suite à l'interdiction définitive de l'usage amiante en 1997, des dispositifs ont été mis en place par le législateur au bénéfice des victimes directes ainsi que pour leurs ayants droits. D'un côté, un système de rente versé par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), de l'autre, un dispositif de préretraite, l'Allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA). En 15 ans, 87 000 personnes ont bénéficié de l'ACAATA sur 132 000 demandes déposées, 21 000 personnes la touchent actuellement. Du fait parfois de la modestie de l'allocation, égale à 65 % du salaire brut, de nombreux salariés rémunérés au SMIC ont renoncé à l'ACAATA ne pouvant vivre dignement avec une allocation fixée alors entre 800 et 850 euros. Une autre injustice découle du système de listes des entreprises reconnues amiantées, établies par décret ministériel, qui exclut du bénéfice de l'ACAATA de très nombreux salariés d'entreprises sous-traitantes ainsi que des intérimaires, alors même qu'ils travaillaient dans des établissements reconnus amiantés. Ainsi, deux personnes qui ont fait le même travail, au même endroit, toute leur vie, exposées aux mêmes risques liés à l'amiante ont des droits différents au moment du départ en retraite. Or, à exposition identique à l'amiante, les conditions de départ devraient être identiques. Dans les faits, seul le salarié ayant un lien juridique avec une entreprise listée pourra bénéficier de l'ACAATA. Cette situation est objectivement source de discrimination. La mise en place d'un accès individuel à la préretraite amiante doit donc être envisagée pour les salariés d'entreprise sous-traitante non inscrites sur les listes ou mis à disposition par des sociétés de travail temporaire sur la base de l'établissement d'un dossier réunissant un faisceau d'indices. Ces indices pourraient être le secteur d'activité, le métier, la durée et la période d'exposition, les situations de travail et gestes professionnels ou encore l'exercice d'une activité professionnelle sur le site d'un établissement ouvrant droit à l'ACAATA, ou le nombre de malades démontrant une exposition professionnelle à l'amiante susceptible de réduire l'espérance de vie. Le Gouvernement s'était engagé, en décembre 2012, à étudier la faisabilité d'une voie d'accès individuelle à l'ACAATA pour des travailleurs qui en sont aujourd'hui exclus. La mesure n'a pas été reprise au motif qu'elle pèserait trop lourd sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale. Cet argument est contestable du fait de la forte diminution du nombre de personnes allocataires de l'ACAATA ces dernières années. Un autre point problématique réside dans la dissymétrie de droits entre les salariés exposés à l'amiante et les employeurs dans le cadre de la procédure d'inscription les listes des entreprises amiantées ouvrant droit au versement de l'ACAATA. En effet, la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 dispose que cette inscription ne peut intervenir qu'après information de l'employeur concerné. La décision d'inscription d'un établissement ou de modification doit être notifiée à l'employeur. À l'inverse, lorsqu'un établissement a été inscrit sur demande d'un salarié, d'une association ou d'une organisation syndicale, la législation ne prévoit aucune information du demandeur lorsque l'employeur demande l'annulation ou la modification de l'arrêté d'inscription. Cette dissymétrie entre les différentes parties prive le demandeur de la possibilité de faire valoir ses arguments en temps voulu et de les porter à la connaissance des pouvoirs publics dans des délais raisonnables. L'instruction qui précède la décision ministérielle se doit de respecter le principe du contradictoire. Un amendement dans ce sens avait été déposé pour le PLFSS pour 2017 par des sénateurs de trois groupes. Celui-ci avait reçu un avis favorable de la commission des affaires sociales du Sénat puis avait été adopté par le Sénat. Cet amendement a malheureusement été rejeté par l'Assemblée nationale. Par conséquent, il lui demande de lui préciser si le Gouvernement est prêt à faire évoluer le droit à l'information des salariés dans ce sens afin de faire respecter le principe du contradictoire de la procédure de classement et de déclassement des établissements et entreprises amiantés. De plus, il lui demande de préciser si le Gouvernement entend mettre en œuvre une procédure d'accès complémentaire à l'ACAATA individuelle pour les personnes ayant été exposées à l'amiante dont l'entreprise n'a pas été classée sur les listes officielles amiantes et ce, dans un souci de stricte justice sociale.

Texte de la réponse

L'article 90 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport sur les modalités de création d'une nouvelle voie d'accès individuelle au dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA). Ce rapport présente la faisabilité d'une admission sur présomption d'exposition significative à partir d'un faisceau d'indices tels le secteur d'activité, la durée d'exposition, la période d'activité ou les conditions d'exercice. Le rapport gouvernemental susmentionné a été transmis au Parlement le 7 août 2015. Il observe que le dispositif d'ACAATA collectif actuel s'inscrit dans un large ensemble de politiques et de financements dédiés au traitement des conséquences de l'exposition à l'amiante (dispositif de droit commun de reconnaissance des maladies professionnelles, indemnisation des victimes de l'amiante par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. L'effort financier réalisé par la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général pour prendre en charge les dépenses relatives aux dommages liés à l'amiante apparaît important. En particulier, plus de 9 Mds € de dépenses ont été effectuées au bénéfice de plus de 85 000 salariés depuis la création du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) en 1999. Contrairement à la voie collective qui repose sur une présomption d'exposition des salariés ayant travaillé dans les établissements listés pendant une période où était manipulée de l'amiante, la création d'une voie individuelle implique la mise en place d'un dispositif d'évaluation individuelle préalable de l'exposition professionnelle à l'amiante et de sa durée. Elle nécessite en conséquence la mise en place d'un dispositif d'instruction et de gestion nettement plus élaboré et fin que le dispositif actuel. Le rapport relève que la reconstitution préalable du parcours professionnel du demandeur et de son exposition à l'amiante serait extrêmement difficile et source de contentieux. L'ouverture d'une voie d'accès individuelle entraînerait par ailleurs un important flux de demandes générant un fort impact en gestion. Comme l'a montré l'exemple de l'Italie, seul autre pays avec la France à avoir instauré un dispositif de préretraite « amiante », aujourd'hui fermé, la complexité de gestion du dispositif serait très élevée et conduirait à une activité contentieuse très importante. La première année, l'impact financier de l'ouverture de la voie individuelle pourrait être compris entre 600 M€ (hypothèse de 5 000 attributions par génération) et 1,2 Md€ (hypothèse de 10 000 nouveaux allocataires par génération) avec une montée en charge les années suivantes. Ces dépenses s'ajouteraient aux dépenses actuelles du FCAATA estimées à un peu moins de 790 M€ pour 2014. Dans ces conditions, l'instauration d'une voie individuelle ne serait concevable qu'avec des conditions d'accès potentiellement restrictives, lesquelles devraient être nécessairement étendues à la voie collective. La mise en place de conditions d'accès différentes entre le dispositif collectif actuel et le nouveau dispositif individuel ne serait en effet pas envisageable au regard du principe d'égalité. Les constats dressés dans ce rapport restent d'actualité.