Rubrique > logement
Titre > Un plan logement au détriment des plus démunis
Mme Muriel Ressiguier interroge M. le ministre de la cohésion des territoires sur le plan logement qui vient d'être dévoilé ce mercredi en conseil des ministres et attire son attention sur les conséquences désastreuses de la mise en œuvre des mesures déclinées par le Gouvernement. Sur le plan du constat, la situation actuelle est catastrophique. Pour la Fondation Abbé Pierre, ce sont 4 millions de personnes qui sont mal logées et 12 millions qui sont fragilisées dans leur rapport au logement. Dans son dernier rapport, la fondation pointe l'enracinement du mal-logement, la création de nouvelles inégalités et le décrochage des couches populaires. En effet, les difficultés rencontrées augmentent : insuffisance et inadaptation de l'offre, augmentation du coût du logement, obsolescence de certaines fractions du parc immobilier, etc. Cet état des lieux perdure depuis de trop nombreuses années. Les chiffres sont effrayants : hausse de 50 % du nombre de sans domicile entre 2001 et 2012, de 19 % des hébergements chez un tiers pour la période 2002-2013, de 72 % des ménages ayant froid entre 1996 et 2013, de 21 % des assignations en justice pour impayés entre 2006 et 2015, de 12 % du nombre de personnes en attente d'un HLM entre 2006 et 2013 ou de 33 % des expulsions entre 2006 et 2015. Si les gouvernements précédents avaient fixé des objectifs sensiblement élevés dans la construction de logements sociaux, ils n'ont pas tenu leurs promesses. Un changement radical de politique du logement qui soit socialement et écologiquement responsable, tant sur la construction que sur la réhabilitation, est indispensable pour assurer un véritable droit au logement pour tous et faire face à l'urgence. L'accès au logement, tout comme l'accès au travail, à l'éducation ou à la santé, participe à la dignité des personnes qu'un pays aussi riche que le nôtre a le devoir d'assurer et de garantir. Dans son nouveau plan logement, le ministre annonce « par souci d'économie » cantonner la construction de 40 000 nouveaux logements « très sociaux » par an pour remplacer les nuitées d'hôtel d'hébergement d'urgence en nuitées d'hôtel. Cela est largement insuffisant à la lecture des chiffres énoncés plus haut et la députée lui rappelle qu'il ne peut y avoir d'économies à faire sur ce sujet dans un grand pays développé comme la France. Or selon la Fondation Abbé Pierre, il faudrait construire au moins 150 000 logements sociaux par an, et davantage si l'on prend en considération les évolutions de l'économie et de la démographie. En plus, comme le ministre doit le savoir, le développement du parc social impacte l'ensemble du marché de l'immobilier entraînant mécaniquement une baisse générale des loyers et des prix d'achats. Aujourd'hui le niveau des loyers reste élevé en comparaison du niveau des salaires et il faut bien comprendre que cet état de fait alimente les situations dramatiques que nous voulons voir disparaître. La loi de solidarité et de renouvellement urbain (SRU) impose, jusqu'à présent, aux collectivités locales de produire et réserver 20 % à 25 % pour le logement social sur leurs territoires, sous peine de sanctions financières ou de la production directe des permis de construire par décret préfectoral. Le Gouvernement déclare vouloir assouplir ces quotas et accorder des passe-droits aux communes retardataires qui ne remplissent pas encore aux obligations. La modification de l'article 55 de la loi SRU va à l'encontre des besoins indéniables et va freiner le développement du parc social public. Un certain nombre de collectivités vont continuer de trainer les pieds ou payer des pénalités financières. Ces aménagements ne peuvent être acceptés. En France, c'est une personne sur sept qui vit sous le seuil de pauvreté. Sur l'ancien Languedoc-Roussillon, c'est même un ménage sur cinq et la précarité est telle que 70 % de la population est éligible au logement social. Nous n'avons pas le luxe de laisser se poursuivre l'égoïsme ou la ghettoïsation de certains qui souhaitent rester « dans l'entre soi » et de par quelques édiles récalcitrants à l'application de la loi. Cet été 2017, le Gouvernement a fait le choix de commencer à faire supporter l'effort de l'austérité budgétaire sur les épaules des plus modestes. Il a prononcé une baisse de 5 euros sur les APL pour l'ensemble de ses bénéficiaires, à compter du 1er octobre 2017, touchant le pouvoir d'achat déjà faible de ceux-ci. L'incompréhension et le malaise sont venus car dans le même temps, le Premier ministre annonçait la réforme de l'ISF ou la mise en place d'une flat tax aux fins de restituer 3 milliards d'euros aux plus aisés. Pour le budget 2018, c'est une baisse que le ministre estime lui-même à 1,2 milliard qui est prévue sur les APL. Pour ce faire, il prévoit de changer le mode de calcul des droits aux prestations APL, de réclamer au parc social, dont les HLM, de baisser ses loyers, afin que l'aide au logement soit moindre. Le Gouvernement évoque alors plusieurs pistes comme l'instantanéité de la prise en compte des revenus, la modification des modalités d'attribution de l'aide ou l'intégration dans les ressources pour le calcul des loyers des aides perçues par ailleurs. Si l'on considère que l'on distribue une aide à ceux qui en ont besoin, pourquoi est-il tant nécessaire d'insister pour changer les règles du jeu ? Nous savons tous que si l'objectif est de diminuer le nombre de bénéficiaires ou les montants des aides, cela ne fera pas en aucun cas disparaître la précarité et la misère. L'inquiétude se porte également sur la création d'un nouveau « bail mobilité » à durée plus courte. Si aujourd'hui, la durée des baux de location (sur le non-meublé) est fixée à 3 années, le ministre souhaite corréler celle-ci avec la durée de vie des contrats de travail. Ce choix du Gouvernement est explosif socialement car il ajoute à la précarité de l'emploi, celle du logement. Enfin, les annonces ne concernent pas uniquement le parc social. Ce plan logement va privilégier les promoteurs immobiliers privés répondant à l'une de leur vieille revendication : réduire et supprimer les réglementations d'urbanisme telle que celle visant à l'amélioration de l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap et l'exigence des normes environnementales et sociales. En faisant le choix de la précipitation, il prend la responsabilité du développement de la précarité énergétique, de la destruction de l'environnement, du bétonnage à tout-va et de la mise en danger des futurs occupants qui seraient en contact avec des matériaux de construction dangereux et nocifs pour la santé. C'est pourquoi, après l'avoir interpellé elle l'interroge afin de savoir ce qu'envisage le Gouvernement pour répondre au véritable besoin de développement du parc public de logement qui préserve la mixité sociale, pour lutter contre les marchands de sommeil et la spéculation liée à l'immobilier, ainsi que sur la question de la réquisition des logements vacants.