15ème législature

Question N° 13547
de M. Stéphane Trompille (La République en Marche - Ain )
Question écrite
Ministère interrogé > Numérique
Ministère attributaire > Numérique

Rubrique > numérique

Titre > Marché illicite jeu vidéo - Distribution digitale - Concurrence

Question publiée au JO le : 23/10/2018 page : 9508
Réponse publiée au JO le : 10/12/2019 page : 10780
Date de changement d'attribution: 02/04/2019

Texte de la question

M. Stéphane Trompille attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique, sur le parasitisme de la distribution digitale de jeux PC provoqué par le marché illicite. À la fin des années 1990, la distribution digitale de jeux PC était opérée avec la mise en place de Digital right management (DRM) « PC Centric » : le PC hôte autorisait l'installation du jeu vidéo qu'un nombre de fois limité sur une même machine. Aujourd'hui, la distribution digitale des jeux PC a évolué et répond à un système de DRM « User Centric » : l'installation est liée à un compte utilisateur unique et non plus à un PC. La popularisation de ce système, liant l'installation du jeu à un compte utilisateur, a posé les caractéristiques actuelles de la distribution digitale et fait disparaître la plupart des acteurs qui proposaient des technologies de DRM « PC Centric ». L'installation du jeu vidéo se fait désormais à partir d'une clé d'activation physique ou dématérialisée, rattachée au compte utilisateur, permettant ainsi de télécharger et d'installer le jeu par le biais d'une plateforme centralisée. Ce modèle d'activation est devenu le standard. Les clés d'activation peuvent s'acheter directement dans les magasins mais également à partir des plateformes d'activation (Steam, Origin ou encore Uplay), qui disposent de leur propre magasin en ligne. Cette nouvelle forme de distribution digitale a engendré un effet pervers considérable : l'émergence et la consolidation d'un marché illicite de grande ampleur. Cette industrie illicite s'est créée grâce à la collecte de clés d'activation licites, obtenues à partir de plateformes légales mais au moyen de cartes bancaires volées ou de portefeuilles électroniques usurpés. Un autre procédé consiste, pour les sites hébergés en dehors de l'espace européen, à s'affranchir de la fiscalité effective et de jouer ainsi de cette différence de prix avec le marché officiel pour parasiter la concurrence. Ensuite, les clés d'activation sont revendues entre les utilisateurs ou sur des sites non-officiels. Dans son livre blanc, le syndicat national du jeu vidéo estime « le chiffre d'affaires [des principales places de marché illicites du jeux vidéo] autour du milliard d'euros, faisant de ces acteurs des poids lourds du secteur. Le manque à gagner pour l'administration fiscale n'est pas anecdotique. L'impact parasite pour la concurrence non plus : cela représenterait potentiellement un tiers des jeux activés sur Steam ». Les principaux acteurs du marché illicite d'aujourd'hui sont majoritairement hébergés à Hong Kong ou dans les pays de l'est, mais également parfois en Europe. Le laisser-faire des pouvoirs publics freine les développeurs français à mener à bien leur activité et mène également à une incompréhension du consommateur sur les prix, en plus de porter un préjudice conséquent aux distributeurs légaux de jeux vidéo. Il lui demande ainsi la position du Gouvernement sur ces problématiques et s'il envisage de prendre des mesures visant à rééquilibrer le marché de la distribution digitale.

Texte de la réponse

A l'instar de nombreux biens culturels, la dématérialisation des modèles de distribution a profondément transformé le secteur du jeu-vidéo, et précipité l'émergence de nouveaux modèles économiques, envisageant le jeu non plus comme un produit mais comme un service (« game-as-a-service »). Ces nouveaux modes de distribution et consommation vont de pair avec la mise en place de droits de gestion numérique (DRM) visant à garantir une meilleure protection des droits de propriété intellectuelle des ayants droits (éditeurs, développeurs) et avec la généralisation des systèmes d'activation en ligne de jeux liés à la création d'un compte personnel sur une plateforme spécialisée. Paradoxalement, ce nouveau modèle de gestion n'est pas dépourvu d'effets pervers : à côté de canaux de distribution licites, gérés en propre par l'éditeur (BattleNet, Uplay..) ou par des distributeurs autorisés (Steam), des plateformes illicites basées en dehors de l'union européenne (UE) alimentent un marché basé sur la revente de clés d'activation obtenues par des biais détournés (fraude à la carte bancaire, revente de jeux depuis un autre pays pour profiter des différences de niveau de vie, etc.), préjudiciable à l'industrie. Sur ce point le livre blanc du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV) est particulièrement éclairant, et certaines problématiques relevées ont déjà fait l'objet d'actions de la part des pouvoirs publics. D'une part, depuis le 1er janvier 2015, les prestations de services délivrées par voie électronique, la vente de jeux vidéo dématérialisés compris, sont imposables sur le lieu de consommation, et non celui où se trouve la plateforme. Cette modification est de nature à adresser le phénomène de fraude à la TVA pointé. D'autre part, la possibilité d'intenter des actions fondées sur des comportements manifestement déloyaux doit permettre aux acteurs lésés de faire cesser ces pratiques. En tout état de cause, les pouvoirs publics condamnent fermement ces dérives.