Conséquences liquidation Primera Air
Publication de la réponse au Journal Officiel du 16 avril 2019, page 3720
Question de :
M. Gabriel Serville
Guyane (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Gabriel Serville interroge Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, sur les conséquences de la liquidation judiciaire de la compagnie aérienne Primera Air sur des milliers de passagers français. Arrivée sur le marché français au printemps 2017, après des mois d'annonces de vols transatlantiques aux tarifs imbattables, la compagnie islandaise Primera Air proposaient des vols depuis Paris vers l'Amérique du Nord, l'Espagne et Israël jusqu'au 2 octobre 2018, jour de cessation de toutes ses activités. Des centaines de passagers se sont ainsi retrouvés bloqués à New-York, Boston et Toronto notamment, sans solution de rapatriement et donc obligés d'engager de nombreux frais pour rentrer en France par leurs propres moyens. La compagnie ayant continué à émettre des billets jusqu'au moment de son dépôt de bilan, des milliers de passagers français se retrouvent aujourd'hui créditeurs de la compagnie, sans aucune perspective de pouvoir récupérer les fonds investis dans l'achat des billets non utilisés. Or, contrairement aux passagers anglais (ATOL et Consumer credit act 1974), canadiens (Canada compensation fund for customers of travel agents) ou danois (travel garatee fund), d'où opérait également Primera Air. Les passagers français ne sont couverts par aucun fond de garantie dans l'éventualité de défaillances ou de la disparition pure et simple de leur transporteur. Pire, la plupart des polices d'assurances françaises ne couvrent pas cette éventualité. Aussi, il l'interroge sur les recours envisageables pour ces milliers de Français, qui se retrouvent, pour beaucoup d'entre eux, dans des situations financières extrêmement contraintes et sur l'engagement du Gouvernement à ce que les passagers au départ et à destination de la France soient mieux protégés contre les défaillances des sociétés de transports de personnes, à l'instar de ce qui se fait déjà dans les pays voisins.
Réponse publiée le 16 avril 2019
Les autorités françaises sont conscientes de la nécessité de mieux protéger les passagers titulaires de billets d'avion achetés dont les vols sont annulés pour cause de faillite du transporteur aérien. Il faut distinguer deux situations. Lorsque le billet est inclus dans un forfait touristique, les passagers bénéficient fréquemment d'une protection étendue. C'est le cas dans la plupart des dispositifs en vigueur à l'étranger comme en Europe. Dans l'Union européenne, la directive du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait a institué la souscription obligatoire par les voyagistes d'une garantie financière destinée à assurer en cas d'insolvabilité, y compris des prestataires de services auxquels ils ont recours dans le cadre d'un voyage à forfait, le rapatriement des clients ou le remboursement des fonds perçus. La directive 2015/2302 du 25 novembre 2015 a maintenu ce mécanisme. La France applique de longue date ce mécanisme en application de la loi du 11 juillet 1975 modifiée par la loi de transposition de la directive de 1990 du 13 juillet 1992, puis par l'ordonnance du 20 décembre 2017 transposant la directive de 2015. Les dispositifs de protection financière ATOL (Air Travel Organiser's Licence), mis en place au Royaume-Uni et le « Travel Guarantee Fund Act » au Danemark s'inscrivent également dans ce cadre européen et ne s'appliquent qu'aux voyages à forfait vendus par des agences de voyages. Par contre, le passager qui achète un billet « vol sec » se trouve sans véritable protection, dans la mesure où sa créance sur l'entreprise de transport, une fois déclarée au liquidateur, n'est pas prioritaire. Plusieurs mécanismes permettent néanmoins d'atténuer sa vulnérabilité. Certaines cartes de crédit offrent à leurs clients une garantie couvrant l'annulation du vol pour cause de faillite. Le passager peut également faire opposition au paiement sur le fondement des dispositions du code monétaire et financier, mais cela suppose qu'il agisse très rapidement après l'acte d'achat. De plus, si le billet « vol sec » est acheté en France par l'intermédiaire d'un agent de voyages agréé auprès de l'association internationale du transport aérien (IATA), il est possible de demander le remboursement des paiements, bloqués au sein d'un mécanisme central de compensation, auprès de l'organisation professionnelle représentant les entreprises du voyage (EDV), sous réserve qu'une procédure de mise sous séquestre soit ouverte par cet organisme et que les fonds n'aient pas été transférés entre-temps au transporteur aérien. Un remboursement de cette nature peut pareillement être obtenu sous certaines conditions au Canada. Cela étant, dans le contexte très mondialisé et concurrentiel du transport aérien, il n'apparaît pas envisageable de mettre en place à la seule échelle nationale un système tel que celui évoqué de fonds de garantie, qui serait de nature à pénaliser les seules compagnies aériennes desservant le territoire français, contraintes de s'y conformer. C'est au minimum au niveau européen que doivent s'établir les règles correspondantes. À cet égard, dans une communication au Parlement européen du 18 mars 2013, la Commission européenne concluait qu'il était préférable, avant de proposer des mesures législatives en ce domaine, de renforcer le contrôle des licences des transporteurs aériens de l'Union européenne et de mener des actions concrètes en direction des acteurs du transport aérien et de l'assurance. Il apparaît ainsi, dans ce contexte, que la France ne saurait adopter, seule, un système visant à la prise en charge obligatoire des passagers en cas de faillite d'une compagnie communautaire. Consciente de la nécessité d'agir en ce domaine, elle pèsera néanmoins de tout son poids pour permettre l'émergence, au niveau européen, d'un tel mécanisme visant à protéger les passagers mis en difficulté en cas de faillite d'un transporteur.
Auteur : M. Gabriel Serville
Type de question : Question écrite
Rubrique : Transports aériens
Ministère interrogé : Transports
Ministère répondant : Transports
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 4 février 2019
Dates :
Question publiée le 23 octobre 2018
Réponse publiée le 16 avril 2019