Prélèvements forcés d'organes en Chine
Question de :
Mme Corinne Vignon
Haute-Garonne (3e circonscription) - La République en Marche
Mme Corinne Vignon attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les soupçons de trafic d'organes prélevés sur des prisonniers de conscience en Chine. D'après trois rapports internationaux (Kilgour/Matas en 2008, Gutman en 2015, Kilgour/Matas/Gutman en 2016) cette pratique ciblerait non seulement les pratiquants du Falun Gong mais aussi des minorités religieuses telles que les chrétiens, les ouïghours musulmans, ainsi que des groupes minoritaires politiques, qui serviraient à alimenter un tourisme de transplantation d'organes. Plusieurs demandeurs de greffe en France auraient d'ailleurs disparu de la liste des demandeurs d'organes répertoriés sur le site de l'agence de biomédecine, sans pour autant être décédés. Cela soulève la question de l'existence d'une filière illicite de dons d'organes. En Chine, la pratique de prélèvement d'organes après exécution a commencé au milieu des années 1980. Les associations de défense des droits de l'Homme ont toujours estimé que les prisonniers exécutés étaient la source principale des organes destinés à la transplantation. Cependant, le nombre de ceux-ci ne permet pas d'expliquer l'augmentation colossale du nombre de transplantations observé depuis l'année 1999. Le nombre de centres de transplantation en Chine est par exemple passé de 150 à 600 entre 1999 et 2006. Sur la base de ces éléments, le 12 décembre 2013, le Parlement européen a adopté une première résolution contre les prélèvements forcés d'organes en Chine, recommandant aux états membres de condamner publiquement les abus en matière de prélèvements d'organes. En complément de cette résolution en 2016, le Parlement a adopté la Déclaration écrite (WD 48) qui demande à chaque pays membre de l'Union d'agir contre ces pratiques. Bien que la Chine dise avoir interdit en 2015 le prélèvement des organes des condamnés à mort sans l'accord préalable de ceux-ci, des interrogations subsistent quant à la réalité des chiffres de transplantations annoncés par le régime chinois, qui masqueraient la poursuite de prélèvements d'organes à grande échelle à partir de donneurs non-consentants. Ainsi, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer quelle a été l'action de la France pour s'assurer que ces malades ne deviennent pas complices de prélèvements d'organes non-éthiques, et de lui préciser sa position quant à la ratification par la France de la convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes, dite convention de Compostelle.
Réponse publiée le 11 décembre 2018
Au plan international, la lutte contre la traite des êtres humains est une priorité de la France qui entend favoriser une approche multidisciplinaire (justice, forces de police et de gendarmerie, services sociaux et société civile). L'approche française s'appuie sur quatre volets, tels que définis par son plan d'action national et par le plan d'action mondial contre la traite des êtres humains adopté en 2010 par l'Assemblée générale des Nations unies : prévenir, protéger, poursuivre et promouvoir les partenariats de coopération. La Chine a rendu illégal le trafic d'organes en 2007 et a officiellement mis fin aux prélèvements d'organes sur des prisonniers exécutés en 2015. La réforme a permis des avancées positives. Aujourd'hui, le système de transplantation est basé sur des dons d'organes. L'enjeu pour la Chine demeure à présent la pleine mise en œuvre de la loi. La France et la Chine sont parties à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite convention de Palerme et à son protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Les Etats parties à la convention de Palerme ont adopté à l'unanimité en octobre 2018, la résolution portée par l'Italie, la France et le Costa Rica permettant de créer un mécanisme d'examen de l'application de la convention et de ses protocoles, afin de garantir la mise en œuvre de leurs dispositions par tous les Etats membres. La définition internationalement agréée de la traite des êtres humains contenue dans le Protocole à la Convention de Palerme comprend explicitement le prélèvement d'organes qui doit donc être réprimé par tous les Etats parties. Il en est d'ailleurs de même pour la Convention du Conseil de l'Europe contre la traite des êtres humains à laquelle est partie la France. La France a par ailleurs coparrainé à l'Assemblée générale des Nations unies en septembre 2017 une résolution portée par l'Espagne et le Guatemala sur l'adoption de mesures efficaces, le renforcement et la promotion de la coopération internationale concernant le don et la transplantation d'organes pour prévenir et combattre la traite des personnes à des fins de prélèvement d'organes et de trafic d'organes humains. Sans porter d'appréciation sur la nature du mouvement Falungong, la France entend continuer ses efforts en faveur du respect, par la Chine, de la liberté de religion ou de conviction. Elle souhaite, à ce titre, la libération des prisonniers de conscience. De manière générale, la France évoque régulièrement la question des droits de l'Homme en Chine lors des entretiens bilatéraux de haut niveau. Elle exprime ses préoccupations publiquement au Conseil des droits de l'Homme.
Auteur : Mme Corinne Vignon
Type de question : Question écrite
Rubrique : Sang et organes humains
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 30 octobre 2018
Réponse publiée le 11 décembre 2018