Question écrite n° 13972 :
PLFSS 2019 et pouvoir d'achat des personnes handicapées

15e Législature

Question de : Mme Gisèle Biémouret
Gers (2e circonscription) - Socialistes et apparentés

Mme Gisèle Biémouret attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les conséquences négatives du projet de loi de finances pour 2019 sur le pouvoir d'achat des personnes handicapées, invalides, accidentées et malades. Annoncé par le Gouvernement comme un budget pour « reconquérir le cœur des Français », le projet de loi de finances pour 2019 comporte de nombreuses mesures de réduction directe du pouvoir d'achat de ces personnes. Les mesures positives ne peuvent faire oublier ni les régressions, ni les remises en cause de la loi handicap de 2005. Le projet de loi de finances pour 2019 comporte certes des mesures positives, telles que l'extension de la CMU-C aux personnes éligibles à l'aide à la complémentaire santé au 1er novembre 2019, la revalorisation à 900 euros de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) en 2019 ou la majoration du montant maximum du complément de mode de garde pour les familles ayant un enfant en situation de handicap. Cependant, une série de mesures budgétaires viennent neutraliser la revalorisation de l'AAH ou réduire le pouvoir d'achat de bénéficiaires d'autres allocations ou prestations. D'une part, le projet de loi de finances prévoit dans son article 65, pour 2019 et 2020, une revalorisation limitée à 0,3 %, soit très largement en-dessous de l'inflation estimée à 1,6 %, des pensions d'invalidité et des rentes accidents du travail et maladies professionnelles. À cela s'ajoute la faible indexation d'autres prestations sociales (notamment allocations logement) qui pèseront sur les budgets de tous. Cela se traduira par une forte baisse du pouvoir d'achat sur les deux prochaines années. Par ailleurs, la revalorisation légale de l'AAH au 1er avril 2019 est supprimée, repoussant à décembre 2019 l'application de la revalorisation exceptionnelle promise par le Président de la République. À cette mesure s'ajoute en 2020 une revalorisation de l'AAH a minima (à hauteur de 0,3 %). Dès 2020, cette mesure entraînera donc une baisse de pouvoir d'achat et ne permettra pas aux personnes en situation de handicap ou malade de sortir du seuil de pauvreté d'ici la fin du quinquennat 2017-2022. Sans compter les mesures prises en 2018 qui prendront effet dès 2019 sur les couples qui ne seront pas concernés par la revalorisation de l'AAH du fait des réformes paramétriques mises en place par le Gouvernement. D'autre part, l'article 83 du projet de loi de finances remet en cause le dispositif de garantie de ressources des personnes les plus sévèrement handicapées qui n'ont aucune capacité de travail adopté en 2005. En souhaitant « simplifier les compléments de l'AAH », le Gouvernement supprime le complément de ressources au profit de la majoration vie autonome, le complément au montant le moins élevé et soumis à la condition de percevoir une aide au logement. Cela constituera une perte de 75 à 179 euros par mois pour les personnes concernées. La mesure transitoire d'une durée de 10 ans pendant laquelle les bénéficiaires actuels du complément de ressources, pourront, continuer à en bénéficier ne permet pas d'envisager des projets à long terme pour leurs bénéficiaires et, surtout, fait abstraction des difficultés particulières rencontrées par ces personnes, dont l'autonomie se trouve ainsi insécurisée. Enfin, le Gouvernement a annoncé vouloir augmenter fortement (de 18 à 24 euros) la participation forfaitaire pour actes lourds. Cette hausse va conduire à un transfert de charges important sur les personnes handicapées, malades et invalides, plus particulièrement concernées par ce type de soins. Elle l'interroge donc sur les mesures envisagées pour compenser la baisse du pouvoir d'achat et donc la perte d'autonomie des personnes en situation de handicap.

Réponse publiée le 5 mars 2019

Le Gouvernement poursuit un triple objectif de consolidation des finances publiques, d'amélioration du pouvoir d'achat des actifs et de protection des plus fragiles. Dans ce contexte, le Gouvernement fait le choix d'une revalorisation différenciée des prestations et d'efforts spécifiques à destination des Français les plus modestes : les minima sociaux seront donc revalorisés comme l'inflation, excepté lorsqu'ils font l'objet d'une revalorisation exceptionnelle plus favorable. Ainsi, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ne sera pas revalorisée en avril 2019 au profit de la montée en charge annoncée de ses revalorisations exceptionnelles. La loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 ne fixe pas le niveau de la revalorisation pour 2020, qui sera traité dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. Conformément aux engagements du Président de la République, l'AAH est revalorisée exceptionnellement en deux temps. Son montant à taux plein a été porté à 860 euros en novembre 2018 et il sera porté à 900 euros dès le mois de novembre 2019. Cela représente une augmentation du montant de l'AAH de plus de 80 euros par mois sur la période 2018-2019 et constitue, pour les personnes en situation de handicap, l'équivalent d'un treizième mois en 2019. Cette mesure, qui vise à lutter contre la pauvreté subie des personnes du fait de leur handicap, représente un engagement en faveur des personnes handicapées de plus de deux milliards d'euros sur le quinquennat. Par ailleurs, dans un objectif d'harmonisation, le mode de calcul de l'AAH va être rapproché de celui d'autres minima sociaux comme le revenu de solidarité active (RSA). Le coefficient multiplicateur entrant dans le calcul du plafond de ressources pour les bénéficiaires en couple va être modifié afin que le plafond de ressources permettant de bénéficier de l'AAH pour une personne en couple reste stable et atteigne 1629 euros par mois en 2019, soit un montant supérieur au seuil de pauvreté. La stabilisation du plafond de ressources, corrélée à la revalorisation exceptionnelle de la prestation garantit que l'ensemble des bénéficiaires en couple verront le montant de leur AAH revalorisé. Enfin, dans un objectif de simplification, le complément de ressources (CR) disparaîtra au profit de la majoration pour la vie autonome (MVA) à compter du 1er décembre 2019. La coexistence de ces deux compléments à l'AAH nuit à la lisibilité du dispositif. En effet, ils présentent tous deux un objectif identique - le soutien à l'autonomie dans le logement - mais présentent des distinctions dans leurs conditions et modalités d'attribution, qui sont source de complexité. Surtout, la double évaluation exigée pour l'attribution du complément de ressources - du taux d'incapacité permanente et de la capacité de travail du demandeur - va à l'encontre de l'objectif de suppression des sur-évaluations auxquelles sont trop souvent soumises les personnes en situation de handicap, dénoncées par le rapport Taquet-Serres relatif à la simplification des démarches des personnes handicapées. Le maintien du complément de ressources est par ailleurs une survivance historique. Il aurait dû disparaître avec la création de la prestation de compensation du handicap (PCH) par la loi du 11 février 2005 qui bénéficie aujourd'hui à plus de 280 000 personnes pour un montant de près de 2 milliards d'euros. En tenant compte de la forte montée en charge de la PCH, il apparaît désormais possible de simplifier ces dispositifs et de proposer que le complément de ressources disparaisse au profit de la majoration pour la vie autonome. Cette dernière bénéficie à environ 150 000 personnes, soit le double du nombre de personnes bénéficiant du complément, du fait de critères d'éligibilité plus larges et de l'automaticité de son attribution par les organismes payeurs. Pour autant, les droits des bénéficiaires actuels du complément de ressources seront pleinement préservés. Ils continueront d'en bénéficier, y compris lorsqu'ils formuleront une demande de renouvellement de l'allocation aux adultes handicapés, pendant une durée de dix ans à compter du 1er décembre 2019. Au-delà de cette mesure, le gouvernement soutient résolument l'autonomie dans le logement des personnes en situation de handicap, notamment au travers de l'habitat inclusif auquel la loi ELAN, récemment publiée, vient de donner une définition législative. Son développement bénéficiera d'une enveloppe de 15 millions d'euros financée par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) dès l'année 2019. En outre, un travail très attendu de remise à plat de la prestation de compensation du handicap sera engagé, dans le cadre de la conférence nationale du handicap 2018-2019, lancée le lundi 3 décembre 2018, journée internationale des personnes handicapées. Respectueuse de la responsabilité particulière des départements en ce domaine, le pilotage de ce chantier a été confié à Madame Marie-Pierre MARTIN, première Vice-Présidente du Conseil Départemental du Maine-et-Loire. Enfin, s'agissant de la revalorisation de 6 euros de la participation de l'assuré forfaitisée pour les actes particulièrement coûteux, dont le tarif est égal ou supérieur à 120 euros, ou qui se voient appliquer un coefficient égal ou supérieur à 60, il convient de noter qu'elle ne s'appliquera pas à l'intégralité des assurés. En effet, les règles d'exonération appliquées à ce ticket modérateur forfaitisé, communes à celles appliquées au ticket modérateur de droit commun, limitent les cas où l'assuré doit acquitter cette participation. Ainsi, sont notamment exonérés de cette participation les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, les patients en affection de longue durée pour les soins en lien avec cette dernière, les pensionnés d'invalidité ou encore les patients hospitalisés à partir du 31ème jour d'hospitalisation. Par ailleurs, les contrats responsables ont l'obligation de prendre en charge cette participation forfaitaire. 95 % des assurés étant couverts par un tel contrat, ils ne connaitront pas d'impact direct de cette revalorisation sur leur reste à charge.

Données clés

Auteur : Mme Gisèle Biémouret

Type de question : Question écrite

Rubrique : Personnes handicapées

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Dates :
Question publiée le 6 novembre 2018
Réponse publiée le 5 mars 2019

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