Rubrique > administration
Titre > Dématérialisation des procédures de demandes de cartes grises
M. Ugo Bernalicis interroge M. le ministre de l'intérieur sur la dématérialisation des demandes de certificats d'immatriculation et les retards entraînés par ce changement. La fermeture des services d'accueil en préfecture et sous-préfecture des guichets de demandes de cartes grises et de permis de conduire et la dématérialisation des procédures ont contraint l'ensemble des usagers à réaliser leurs démarches intégralement en ligne. Cette transformation s'affichait comme permettant une simplification pour l'usager. Les services préfectoraux ont été remplacés par des Centres d'expertise et de ressources des titres (CERT), plateformes de télé procédures, qui traitent les demandes collectées sur le site de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). L'ANTS est désormais la seule à offrir une interface, téléphonique et électronique, avec le public. Cette réforme va à contrecourant de la nécessité de déconcentrer les services de l'État et de rapprocher la population de ses services publics. Ce changement dans l'organisation des services a été mal négocié. Des centaines de milliers de dossiers se sont retrouvés en souffrance. Devant ces retards, certains citoyens ont saisi la justice administrative et ont gagné. Un jugement du tribunal administratif de Melun (Seine-Marne) est évocateur : constatant « qu'aucune solution n'est possible sans une intervention humaine », il a ordonné le 26 avril au ministère de l'intérieur « d'affecter un agent de la préfecture ou de la sous-préfecture la plus proche du domicile » d'un plaignant de Lésigny afin de l'aider à obtenir sa carte grise « dans un délai de dix jours ». Les fonctionnaires chargés de l'accueil, du renseignement et du lien direct avec les agents traitants les dossiers ont été remplacés par des bornes informatiques. Il apparaît que la délivrance des cartes grises n'est pas toujours une formalité administrative simple. En effet, de nombreux cas particuliers nécessitent une intervention humaine pour ajuster, compléter, adapter le traitement des demandes. D'autre part, les cellules de traitement des demandes de cartes grises et de permis de conduire et leurs guichets permettaient aussi d'assouplir les conditions de dépôt des demandes et permettaient aux usagers de compléter rapidement leur dossier en contact direct avec les agents en cas de défaut de pièces. Aujourd'hui, ces ajustements ne sont plus possibles. La présence de bornes informatiques et d'agents d'accueil, souvent précaires, n'étant pas en contact avec les CERT, ne permet pas de faire face au désarroi de dizaines de milliers d'usagers qui peinent à communiquer avec l'ANTS. La séparation nette entre les CERT et la plate-forme téléphonique de l'ANTS entraîne aussi un changement qualitatif quant à la réactivité et l'efficacité de l'administration. En effet, la présence passée de fonctionnaires chargés de l'accueil et du recueil des demandes particulières des usagers au côté et au contact direct des agents chargés du traitement administratif des dossiers entrainait pour ces derniers une obligation de solidarité et de résultat face aux aléas des dépôts et du traitement, leurs collègues de travail étant confrontés directement aux attentes des usagers. Cette situation n'existe plus : les agents chargés du traitement sont isolés géographiquement des agents chargés du recueil des demandes particulières. Ainsi, la solidarité locale fondée sur la maîtrise complète du processus de traitement des dossiers par une équipe de fonctionnaires localisée et responsabilisée n'existe plus. Cela n'est pas non plus étranger aux difficultés rencontrées par les usagers. Les nombreux retards sont aussi liés aux suppressions de postes qui ont accompagné ce changement. Le 9 novembre 2017, La Dépêche nous apprenait qu'en Haute-Garonne « Ils étaient 80 dans le département à gérer cartes grises et permis. Certains ont rejoint le centre d'expertise et de ressources titres (CERT) de leur propre chef. Ils sont aujourd'hui 50, 35 viennent de Haute-Garonne, 15 d'autres départements ». Ainsi, la raison des retards massifs s'éclaire. Le passage au tout numérique, dans ce cas précis, déshumanise le service public et permet de réaliser des économies substantielles. Le tout au détriment du service rendu. Pour traiter les dizaines de milliers de dossiers, les préfectures ont réagi en mettant en place des CERT provisoires pour rattraper les retards. Ils ont pour cela eu recours à du personnel précaire alors que dans le même temps des postes avait été supprimés. Cette réorganisation a été le cheval de Troie d'une précarisation de l'emploi au sein de services qui dépendent encore des préfectures. Il l'interroge pour savoir s'il envisage de réfléchir à une nouvelle organisation des services chargés du traitement des demandes de certificats d'immatriculation en vue d'éviter les retards et la précarisation rampante des services publics.