Lutte contre le « volontourisme »
Question de :
Mme Anne Genetet
Français établis hors de France (11e circonscription) - La République en Marche
Mme Anne Genetet appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les risques du « volontourisme ». Chaque année, des milliers de jeunes français profitent de voyages touristiques pour partir faire du volontariat à l'étranger avec les meilleures intentions du monde. Certains projets de volontariat, notamment ceux portés par France Volontaires, sont profitables à la fois aux pays d'accueil qui bénéficient ainsi de compétences spécifiques, et aux volontaires qui acquièrent une expérience professionnelle et humaine riche. Mais beaucoup de séjours de volontariat ne sont en fait que des séjours touristiques déguisés. Souvent trompés par manque d'information, des touristes sans compétence ni expérience particulière, croyant apporter une aide à une communauté, sont parfois prêts à payer de grosses sommes d'argent pour être « bénévole » pour un organisme qui n'a aucun réel projet communautaire mais uniquement un but lucratif. C'est le cas, par exemple, au Cambodge où le nombre d'orphelinats dont certains ne sont pas déclarés aux autorités locales, est en totale inadéquation avec les besoins du pays. L'UNICEF estime que la moitié des 36 000 enfants hébergés dans ce type de structure a des parents vivants. En plus du déni pour ces enfants du droit à vivre avec leurs parents, ils sont pris en charge par un personnel ni expérimenté ni formé, fréquemment renouvelé, et sont même parfois exposés à des risques d'abus ou de maltraitance. Le Cambodge a récemment lancé un plan de fermeture de ces orphelinats ainsi qu'un arrêt de l'adoption internationale. Officiellement, depuis 2016, aucun nouvel orphelinat n'aurait ouvert. Cependant, le travail des autorités cambodgiennes, ainsi que d'autres pays qui pourraient suivre son exemple, est très difficile tant que ces destinations restent attractives pour le « volontourisme ». L'Australie et le Royaume-Uni ont pris le problème très au sérieux et viennent d'adapter leur législation sur l'esclavage moderne, considérant le volontariat de touristes en orphelinats comme une forme de traite d'êtres humains. Leurs ressortissants qui participeraient à ce « volontourisme » peuvent désormais être poursuivis pénalement. Afin de soutenir les pays qui, comme le Cambodge, souhaitent établir une transition éthique de leur secteur humanitaire, mais aussi afin d'améliorer l'efficacité et l'image des jeunes français désirant donner de leur temps, elle souhaite donc savoir comment le Gouvernement envisage d'adapter la législation française afin de mettre en garde les touristes français tentés de bonne foi de participer à ce type de séjour et de sanctionner les agences ou intermédiaires qui les envoient délibérément à des fins uniquement économiques.
Réponse publiée le 19 février 2019
En France, le consommateur bénéficie d'un statut protecteur lorsqu'il contracte. En sus, le droit de la consommation, afin d'être réellement efficace et dissuasif, dispose d'un versant pénal qui a vocation à défendre le consommateur à l'égard du professionnel qui ne l'informe pas, qui l'informe mal ou encore qui ne délivre pas une marchandise ou un service conforme. En l'espèce, les faits que vous décrivez, consistant à proposer sous couvert de séjours de « volontourisme », des séjours touristiques à des fins purement économiques, pourraient, le cas échéant, et dans certaines conditions, être susceptibles de constituer des infractions de pratique commerciale trompeuse ou de tromperie. La pratique commerciale trompeuse consiste notamment à faire la publicité d'un produit ou d'un service au moyen d'allégations fausses ou de nature à induire en erreur. Prévue par les articles L.121-2 à L.121-4 du code de la consommation, elle est punie d'une peine de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 300 000 euros, étant précisé que le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. La tromperie consiste à tromper le cocontractant en lui donnant une présentation erronée notamment de la nature, de la quantité ou encore de l'aptitude à l'emploi d'une marchandise ou d'une prestation de services. Prévue par l'article L441-1 du code de la consommation, elle est punie d'une peine de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 300 000 euros, étant précisé que le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. En cas de tromperie aggravée, par exemple commise en bande organisée, la peine encourue est de sept ans d'emprisonnement et une amende de 750 000 euros. Ainsi, la législation pénale française apparait en l'état adaptée pour sanctionner les faits que vous avez bien voulu porter à ma connaissance.
Auteur : Mme Anne Genetet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 20 novembre 2018
Réponse publiée le 19 février 2019