Rubrique > postes
Titre > Réorganisation des tournées et de la journée de travail des facteurs de La Poste
M. Hubert Wulfranc interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur les réorganisations à l'œuvre au sein du groupe La Poste notamment dans sa branche services-courrier-colis a fait l'objet de 15 000 suppressions d'emploi de facteurs depuis 2005. Si le développement de la communication numérique s'est traduit par une baisse du nombre du nombre de plis à traiter, motif d'incessantes réorganisations de tournées de facteurs et de suppression de postes, il ressort néanmoins que l'entreprise, dont l'État est le principal actionnaire, présente une nouvelle fois encore un résultat d'exploitation en hausse (+5,9 % au 30 juin 2018). Loin de l'effondrement annoncé sans cesse, le chiffre d'affaires de la branche services-courrier-colis présente en 2018 une baisse modeste de 0,9 % dont une partie s'explique par l'absence de trafic courrier liée aux élections présidentielles et législatives. Si l'adaptation des tournées de distribution est une nécessité afin de se calquer au mieux à la réalité des besoins, il ressort que les réorganisations mises en œuvre par le groupe La Poste, missionné par l'État pour assurer des missions de service public, paraissent avant tout guidées par des considérations financières. Deux mesures sont particulièrement décriées par les facteurs et plusieurs de leurs organisations syndicales : l'emploi du logiciel GeoRoute pour organiser les tournées de distribution et l'instauration d'une pause méridienne non rémunérée. Plusieurs mouvements de grève fondés sur ces deux mesures ont déjà éclaté notamment, en Seine-Maritime, et en particulier sur la métropole rouennaise. GeoRoute est un logiciel informatique commercialisé par une société canadienne actuellement employé, et par ailleurs décrié, par les agents de plusieurs postes européennes. Selon la documentation commerciale, ce logiciel est conçu pour optimiser les tournées postales et les livraisons de colis. Celui-ci est censé évaluer précisément la charge de travail, s'adapter aux variations des types de produits et de leur quantité et surtout, doit permettre de réduire les coûts du « dernier kilomètre » d'environ 5 % à 15 % grâce à des algorithmes d'optimisation sophistiqués et configurables. Selon les organisations syndicales, les directions régionales services-courrier-colis sont incapables de justifier les données entrées dans les différents paramètres du logiciel ce qui génèrerait de nombreuses aberrations et une sous-évaluation du travail réel effectué. Ainsi, le logiciel GeoRoute attribuerait parfois 0,5 seconde aux agents pour distribuer chaque pli dans le cadre d'une distribution de courriers devant une batterie de boîtes aux lettres. De même, des kilomètres de distribution ne seraient pas comptabilisés par le logiciel, les caractéristiques géographiques des tournées de distribution ne seraient pas toujours prises en compte. Des organisations syndicales ont déjà interrogé leur direction régionale pour obtenir des explications sur l'origine et la pertinence des données entrées dans le logiciel GeoRoute, étant précisé que les données ne sont pas recueillies dans le cadre d'un suivi de tournée. À ce jour, aucune réponse sérieuse n'aurait été apportée par la direction de La Poste à chaque fois que celle-ci a été saisie de ce questionnement. Dans les faits, GeoRoute est un instrument d'évaluation bureaucratique dysfonctionnel destiné à justifier les suppressions de postes de facteurs et à augmenter toujours plus la productivité attendue des agents dont on allonge sans cesse les tournées de distribution et ce, parfois, au détriment de leur santé. Par ailleurs, plusieurs organisations syndicales s'opposent à la mise en place de la pause méridienne qui concerne déjà 12 000 des 49 000 tournées de facteurs. La pause méridienne imposée par La Poste fixée à 45 minutes n'est pas rémunérée alors que les agents ne disposent pas de la faculté de vaquer librement à leurs occupations personnelles et restent donc sous la subordination de leur employeur. En effet, ceux-ci doivent se présenter à des lieux de restauration, plus ou moins bien aménagés, déterminés par La Poste, situés au plus près de leur tournée tout en devant veiller à la sécurisation du courrier qu'ils doivent distribuer l'après-midi, selon des consignes fixées par leur entreprise. Plusieurs recours judiciaires ont déjà été introduits contre la direction de La Poste pour faire requalifier la pause méridienne imposée par l'entreprise à ses facteurs, en temps de travail effectif nécessitant une rémunération et soumis à des cotisations sociales, à l'instar de la pause de 20 minutes en vigueur pour les agents qui n'ont qu'une seule vacation quotidienne. De plus, le remplacement de la pause quotidienne de 20 minutes rémunérée par la pause méridienne de 45 minutes permet également à La Poste d'économiser mensuellement un peu plus d'une journée de travail rémunérée au détriment de ses facteurs. De plus, l'introduction d'une pause méridienne a également pour conséquence de retarder la distribution du courrier, les tournées peuvent ainsi dorénavant s'achever à 15h30 voir 16h00 au préjudice des usagers, notamment des abonnés à la presse quotidienne dont la distribution est subventionnée par l'État. Enfin, l'introduction de cette pause méridienne est susceptible de générer des incohérences dans les tournées de distribution, les facteurs devant interrompre leur travail à heure fixe, quand bien même il n'aurait pas pu achever la distribution du courrier dans une rue. Par conséquent, il demande à M. le ministre de l'économie et des finances, représentant l'État actionnaire au sein du groupe La Poste et autorité de tutelle des activités postales, d'exiger de La Poste qu'elle fasse preuve d'une réelle transparence dans l'élaboration des tournées de distribution de courrier en y associant les salariés et sur la base d'une évaluation concrète des tournées. De même, il lui demande d'agir auprès du groupe La Poste pour abandonner la mise en œuvre de la pause méridienne préjudiciable aux agents de distribution et aux usagers, ou tout du moins, de faire requalifier cette pause déjeuner en temps de travail soumis à rémunération et à cotisation sociale.