15ème législature

Question N° 14848
de Mme Danièle Obono (La France insoumise - Paris )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Titre > Situation de Biram Dah Abeid, député et militant mauritanien anti-esclavagiste

Question publiée au JO le : 04/12/2018 page : 10852
Réponse publiée au JO le : 15/01/2019 page : 379

Texte de la question

Mme Danièle Obono alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation de M. Biram Dah Abeid, député et militant mauritanien anti-esclavagiste, détenu depuis le 7 août 2018 dans les geôles mauritaniennes. Ayant lu avec intérêt la réponse que son ministère a faite à la question de sa collègue Mme Clémentine Autain sur le même sujet, elle considère toutefois que la réponse manque les points centraux de cette question. Tout d'abord, il serait naïf d'attendre d'un gouvernement qu'il réprime ses opposants en invoquant explicitement des raisons politiques, et il existe un faisceau d'éléments suffisants pour considérer que c'est bien l'activisme de M. Biram Dah Abeid contre l'esclavage moderne qui lui vaut les attentions de gouvernement mauritanien. C'est en tout cas ce qui se dégage des différents rapports d'Amnesty international sur cette question, notamment celui du 15 août 2018, où l'ONG dénonce une vague d'arrestations de journalistes, de figures de l'opposition et de militants anti-esclavage, qui relève semble-t-il d'une campagne de répression de la dissidence en amont des élections, où elle fait état de nombreuses arrestations concomitantes d'opposants politiques et journalistes, pour conclure que ces arrestations et incarcérations signalent une tendance inquiétante prenant la forme de manœuvres d'intimidation, de harcèlement et de répression contre les voix dissidentes de la part des autorités mauritaniennes, à l'approche des élections législatives, régionales et locales de septembre 2018. Ensuite, M. le ministre ne semble pas prendre la mesure de la gravité de la situation. Aujourd'hui, la question politique se double d'une inquiétude pour l'intégrité physique de M. M. Biram Dah Abeid : d'après son équipe, son état santé est préoccupant. Enfermé dans des conditions difficiles et souffrant d'un manque d'hygiène, le président de l'IRA devait également être opéré en décembre 2018 suite au diagnostic d'un médecin. Sa remise en liberté est donc nécessaire pour lui assurer les soins dont il a besoin. Enfin, il semble que les mesures évoquées soient très générales, et bien peu à même d'influencer le gouvernement mauritanien, alors que les accords et échanges sont loin de cesser entre les deux pays. À l'approche du 2 décembre, journée mondiale de lutte contre l'esclavage, rappelons que malgré l'abolition de l'esclavage en 1981 et une nouvelle loi pénalisant l'esclavage en 2015, la réalité mauritanienne semble être tout autre : les ONG dénoncent un phénomène qui concerne encore 150 000 personnes en 2016, notamment les jeunes Mauritaniennes pauvres envoyées vers l'Arabie saoudite où elles sont exploitées, et parfois tuées. Or si la France considère que ses intérêts stratégiques avec l'Arabie saoudite constituent un cadre de confiance pour aborder les questions auxquelles la France est attachée, comme le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ses relations avec la Mauritanie vont plus loin. La France est le « premier partenaire bilatéral » de la Mauritanie, avec qui elle entretient des « relations historiquement privilégiées », selon le site France diplomatie. Et de fait, tout récemment encore, lors d'une rencontre bilatérale en juillet 2018, les deux pays ont ainsi conclu trois conventions de financement de l'Agence française de développement (AFD) d'un montant global de 19 650 000 euros. M. Macron a également veillé à la conclusion entre Groupe Total et le ministre du pétrole, de l'énergie et des mines du protocole d'accord relatif à la coopération pour l'exploration et le développement des potentialités de l'off-shore en Mauritanie, selon le communiqué officiel de l'Elysée. Sans compter que depuis 2014 les instances judiciaires des deux pays ont des accords et des échanges réguliers. Très concrètement, donc, elle souhaiterait savoir si plus que [suivre] avec une grande attention la situation des droits de l'Homme en Mauritanie et entretenir un dialogue permanent et constructif avec les autorités mauritaniennes sur ce sujet, le Gouvernement compte conditionner les accords judiciaires et économiques entre les deux pays au respect des droits de l'Homme en général, à l'application des lois sur l'esclavage moderne en particulier ainsi qu'à la libération des opposants politiques emprisonnés sous différents prétextes et considérant l'urgence, y compris personnelle de la situation de M. Biram Dah Abeid, quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour soutenir ce militant de la cause abolitionniste et être à la hauteur de sa devise.

Texte de la réponse

Depuis l'incarcération en août 2018 de M. Biram Dah Abeid, homme politique mauritanien et militant de la cause anti-esclavagiste, l'ambassade de France à Nouakchott a reçu à quatre reprises des membres de son association (IRA, Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste) et de son parti (Sawab), dont la visite la plus récente date du 18 décembre 2018. Au-delà de ces échanges, l'ambassade est en contact téléphonique fréquent avec les proches et les avocats du chef de l'IRA. Ces contacts sont établis en transparence avec les autorités mauritaniennes, à qui la France a exprimé l'intérêt, pour Nouakchott, de trouver une issue rapide à cette situation, dans le respect des conventions internationales signées par la Mauritanie, tout en respectant la souveraineté de cette dernière. Les conditions de détention de M. Biram Dah Abeid sont, selon ses avocats, convenables, au regard des standards mauritaniens. Il reçoit des visites régulières de ses proches et de son équipe juridique et bénéficie d'un suivi médical. Aucune demande de mise en liberté provisoire pour raison de santé n'a été déposée. Au sujet des accords économiques et juridiques signés entre la France et la Mauritanie, une approche restrictive des autorités françaises qui conditionnerait les partenariats à la prise de décisions individuelles de justice serait interprétée comme une ingérence et serait contre-productive. La France met en œuvre une politique de coopération constructive pour accompagner la Mauritanie dans ses efforts pour appliquer les accords internationaux qu'elle a signés. C'est en travaillant aux côtés des autorités mauritaniennes et dans le respect de leur souveraineté que la France promeut le plus efficacement les droits de l'Homme en Mauritanie. En outre, l'appui au développement que la France apporte à ce pays vise à améliorer les conditions économiques et sociales du plus grand nombre : l'interrompre au gré des situations individuelles serait injustifié et préjudiciable aux populations les plus vulnérables.