Contrôle et évaluation des dispositifs médicaux
Question de :
Mme Caroline Fiat
Meurthe-et-Moselle (6e circonscription) - La France insoumise
Mme Caroline Fiat interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les très graves carences du système d'évaluation et de contrôle des dispositifs médicaux français suite à la diffusion sur France 2 du documentaire « Implants : tous cobayes ? » réalisé à partir d'une enquête de Marie Maurice et Édouard Perrin. Actuellement ce sont les industriels seuls qui contrôlent et prouvent la sécurité des dispositifs médicaux commercialisés en France. L'épidémiologiste Carl Heneghan et la journaliste Jet Schouten ont ainsi réussi à recevoir une autorisation de l'ANSM pour mettre sur le marché un dispositif médical fictif à risque potentiel élevé. Leur dossier comportait un filet de mandarine en guise de photographie et des études portant sur d'autres dispositifs médicaux révélant qu'ils étaient susceptibles de générer de nombreuses complications et n'avaient pas fait l'objet de tests sur des êtres vivants. Le marquage CE leur aurait été accordé par de nombreux cabinets d'audit habilités ! L'ANSM, le « gendarme sanitaire » français, n'a quant à elle pas de compétence pour évaluer les dispositifs médicaux et autorise la commercialisation de tous ceux qui obtiennent le marquage CE. Les conséquences sont très graves, d'autant plus que de nombreux industriels font à la hâte leurs essais cliniques pour pouvoir lancer leurs produits aussi vite que possible sur un marché dont le chiffre d'affaires s'élève chaque année à 316 milliards d'euros. Ce fut le cas de l'entreprise Ethicon qui a commercialisé les prothèses Prolift sans effectuer d'étude clinique à long terme, en connaissant les risques de complications, en omettant d'en informer à la fois les médecins et les patientes opérées et en utilisant ces dernières comme cobayes à leur insu. C'est aussi le cas actuellement des industriels commercialisant la valve cardiaque Tavi et qui ciblent désormais une nouvelle tranche d'âge sans avoir réalisé d'étude de durabilité du produit sur le long terme. Cette situation est d'autant plus incompréhensible que de nombreux dispositifs médicaux implantés ne peuvent être explantés et ont de très graves conséquences sur la santé du fait de leur dégradation. Elle lui demande donc si elle compte donner à l'ANSM un pouvoir de contrôle a priori des dispositifs médicaux pour s'assurer que des essais cliniques portant notamment sur leurs durabilités ont été réalisés et sont conformes aux exigences sanitaires.
Réponse publiée le 19 février 2019
Le ministère des solidarités et de la santé et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) travaillent en étroite coopération avec l'Europe dans le cadre du règlement européen adopté en avril 2017 et qui sera applicable en mai 2020. La mise en œuvre de ce règlement européen permettra notamment de mieux surveiller les organismes chargés d'évaluer les dossiers de marquage de conformité CE des dispositifs médicaux (DM) et de renforcer leur indépendance. Pour les DM les plus à risque, la mise à disposition de données cliniques et l'évaluation approfondie du dossier seront exigées. Sans attendre la mise en œuvre de cette nouvelle réglementation, le ministère des solidarités et de la santé, en lien avec l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la Haute autorité de santé (HAS) et la Caisse nationale pour l'assurance maladie (CNAM), a mis en place plusieurs actions selon les trois axes principaux suivants : renforcer l'évaluation et l'encadrement des pratiques de poses des dispositifs médicaux notamment pour les plus à risque non soumis à une autorisation préalable à leur mise sur le marché, comme c'est le cas pour les médicaments, une évaluation des DM remboursés par l'Assurance maladie est assurée par la HAS. Cette dernière évalue également les DM à profil de risque particulier, utilisés dans les établissements de santé ; cette évaluation conditionne leur utilisation et leur prise en charge. Ainsi quatre catégories de dispositifs ont été identifiées en 2013, en fonction de différents critères dont le niveau de risque, et ont été évaluées par la HAS. Trois nouvelles catégories vont être soumises à l'évaluation de la HAS en 2019. Par ailleurs, dès que cela sera nécessaire, un encadrement de la pose des dispositifs médicaux implantables (DMI) dans les établissements de santé sera dorénavant mis en place. A titre illustratif, une expertise nationale avec un bilan des pratiques est menée avec les sociétés savantes, l'ANSM et la HAS pour mettre en place un tel encadrement dans le cadre du traitement du prolapsus (descente d'organes) et de l'incontinence urinaire par pose de prothèses vaginales (appelées MESH). Des actions nationales sont prévues afin de renforcer la traçabilité et la sécurisation du circuit des DMI : - à très court terme une note d'information est adressée aux établissements afin de leur rappeler la réglementation en vigueur et les outils d'autoévaluation/d'accompagnement existants ; un texte permettra, dès le premier trimestre 2019, de renforcer le management de la qualité et de la sécurisation du circuit du DMI à l'hôpital. Comme cela a été fait pour le médicament cela permettra de donner une dimension systémique au circuit du DMI et de renforcer le système de matériovigilance. - à moyen terme, les travaux sont engagés pour mettre en place l'identifiant unique du DM (IUD) dans l'ensemble des établissements de santé conformément au règlement européen. L'échange d'informations dans le cadre de la matériovigilance sera facilité par l'identifiant unique. De même, le rôle central de l'ANSM, en tant qu'autorité compétente et en complément des actions nationales mises en place, ainsi que l'ensemble des données déclarées dans la base européenne de données EUDAMED vont permettre de rendre son organisation pleinement efficiente. La diffusion d'information autour du médicament et des produits de santé n'est efficace en matière de santé publique que si l'information fournie émane d'autorités et de structures dont les éventuels liens d'intérêts sont connus. La base Transparence santé est un outil majeur permettant de rendre publique les conventions conclues entre les industries de santé et les professionnels de santé. Ouverte au public en 2014 elle a pour objectifs de permettre à chaque internaute, à chaque citoyen d'apprécier objectivement la nature des relations entre les industries de santé et les autres parties prenantes du secteur de la santé ; dissiper tout soupçon quant à l'indépendance des professionnels de santé, des sociétés savantes et de la presse spécialisée ; permettre de préserver la nécessaire relation de confiance entre le citoyen, usager du système de santé, et les acteurs de ce système de santé. La base Transparence Santé doit être modernisée en adaptant ses fonctionnalités, son ergonomie et l'exploitation des données qui peut en être faite. Des travaux sont engagés pour permettre d'élargir cette logique de transparence des liens d'intérêts aux Key opinion leaders (KOL) numériques. En pratique, les industries de santé qui concluent des conventions avec ces leaders d'opinion, seront dans l'obligation de les déclarer auprès de la base Transparence Santé.
Auteur : Mme Caroline Fiat
Type de question : Question écrite
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Dates :
Question publiée le 4 décembre 2018
Réponse publiée le 19 février 2019