Question de : Mme Clémentine Autain
Seine-Saint-Denis (11e circonscription) - La France insoumise

Mme Clémentine Autain interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le projet de transformation du lycée professionnel dont l'application doit débuter en septembre 2019. La régression des moyens mis en œuvre et des objectifs assignés pour l'éducation des élèves de milieu populaire conduirait en effet à détruire cette école de la seconde chance, qui scolarise 650 000 élèves qui, pour le plus grand nombre d'entre eux, ont subi un échec en fin de troisième. Mme la députée craint que cette réforme ne revienne ainsi à liquider l'acquis que représente cette filière depuis la création du baccalauréat professionnel. Sur le fond, en favorisant l'apprentissage au détriment de la formation professionnelle scolaire, cette réforme consacre le renoncement à une formation à la fois professionnelle et générale de bon niveau. Elle va ainsi réduire drastiquement le nombre des enseignements généraux ainsi que le nombre d'heures qui leur est affecté. À titre d'exemple, le français et l'histoire-géographie, qui représentent aujourd'hui 4,5 heures hebdomadaires, n'en représenteront désormais plus que 2,5, voire seulement 1,5 l'année du baccalauréat. Sur les trois années du baccalauréat, le sort réservé aux mathématiques et aux sciences suit la même tendance et voient leur volume horaire actuel divisé par deux. Cette réforme propose de subordonner étroitement le parcours de formation à l'acquisition de compétences étriquées et de gestes professionnels limités, au détriment d'un diplôme sanctionnant une qualification globale porteuse d'évolution dans la formation ou la professionnalisation. Ainsi, on assigne à l'enseignement professionnel la mission de pourvoir en exécutants aux qualifications tronquées des emplois à bas salaires et des métiers précaires. À l'évidence, cette réforme ne semble pas prête : les personnels et les chefs d'établissement se débattent en plein brouillard, les référentiels de formation ne sont pas prêts, les parcours de détermination en classe de seconde ne sont pas organisés et sont largement inadaptés à l'offre réelle des établissements. Le mixage de publics d'élèves et d'apprentis, aux régimes d'alternance et aux statuts totalement différents, amène une désorganisation totale des établissements. Le Gouvernement liquide le cadre de référence commun aux établissements et, sous couvert d'autonomie, c'est, à terme, la désorganisation et la mise en concurrence entre établissements, entre filières et entre disciplines, qui se profilent. Face cette désorganisation programmée, elle l'interroge sur la manière dont il compte assurer la concertation et lui demande s'il envisage la possibilité d'un moratoire immédiat sur la mise en application de cette réforme destructrice, et l'ouverture enfin d'un débat parlementaire sur ce sujet.

Réponse publiée le 30 avril 2019

L'enseignement professionnel, malgré ses réussites nombreuses et l'engagement des enseignants, connaît des déséquilibres et manque parfois de lisibilité pour les élèves et leurs familles. C'est pourquoi il est nécessaire d'engager sa transformation, afin de lui redonner l'attractivité et le prestige qu'il mérite, et lui permettre d'amener ses élèves vers l'excellence. Le projet de transformation de la voie professionnelle, présenté le 28 mai 2018, s'inscrit dans un processus de large concertation : - d'abord dans le cadre de la mission confiée à madame la députée Céline Calvez et au chef étoilé Régis Marcon : le rapport qu'ils ont remis le 22 février 2018 fait suite à de plus de 120 consultations menées auprès d'acteurs de l'éducation nationale, du monde professionnel, dans les lycées professionnels, les lycées polyvalents, les CFA, les campus des métiers et des qualifications, les entreprises. Un hackaton de la voie professionnelle, qui a rassemblé élèves, parents, enseignants, chefs d'établissement, responsables de formation continue, chefs d'entreprise, représentants des branches professionnelles, associations, a par ailleurs été également organisé ; - puis dans le cadre de la préparation de projet de transformation, les acteurs ont été à nouveau rencontrés et consultés à de nombreuses reprises ; - ce processus se poursuit aujourd'hui autour de chacun des aspects de cette réforme : les organisations syndicales sont systématiquement associées, à la fois dans les instances (commissions spécialisées, conseil supérieur de l'éducation) et dans les phases de consultation (référentiels et programmes, pour lesquels l'ensemble des professeurs sont également consultés), et reçues par le cabinet du ministre et la direction générale de l'enseignement scolaire. La transformation qui s'engage vise à : - faire émerger une nouvelle génération de campus des métiers et des qualifications, à la fois lieux de vie, de formation, d'innovation et de réussite ; - mettre en cohérence les contenus de formation pour mieux répondre aux enjeux économiques d'aujourd'hui et de demain ; - définir une offre de formations ambitieuse et attractive en liaison avec les secteurs d'activités porteurs comme le numérique, l'énergie, ou les savoir-faire français ou l'environnement, tout en accompagnant la transformation des formations qui insèrent le moins ; - adapter le parcours aux besoins de chacun, avec le CAP qui pourra être préparé en 1, 2 ou 3 ans en fonction des profils des élèves, et le baccalauréat professionnel qui sera plus progressif et plus lisible (classe de seconde professionnelle organisée par grandes familles de métiers, choix de la spécialité a lieu à l'issue de l'année de seconde, décision en classe de terminale professionnelle de s'insérer professionnellement ou de poursuivre ses études). Pour ce qui concerne les horaires d'enseignement, les emplois du temps des élèves de la voie professionnelle sont très chargés, beaucoup plus que dans la voie générale et technologique. Par souci d'équité entre les différentes filières, les volumes horaires des élèves seront harmonisés et allégés. Ainsi, cette transformation de la voie professionnelle se traduira-t-elle par un meilleur encadrement des élèves qui pourront progresser plus vite. Toutes les disciplines de spécialités professionnelles et générales vont contribuer (à l'exception des disciplines de prévention-santé-environnement, en secteur production et de celle d'économie-gestion en secteur des services de baccalauréat professionnel) à cet allègement de l'emploi du temps :  - il autorise de nouvelles modalités d'enseignement comme la co-intervention devant un même groupe d'élèves de deux professeurs d'enseignement général et professionnel, la réalisation d'un chef d'œuvre dans un cadre pluridisciplinaire ; - il libère également du temps hebdomadaire pour pratiquer des activités culturelles et sportives, rechercher des lieux de périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) et suivre des enseignements facultatifs proposés dans l'établissement ; - il permet aux établissements des choix d'organisation différents en fonction de leur projet, des spécialités professionnelles qu'ils offrent, du profil des élèves. Les conditions d'apprentissage de l'élève seront privilégiées grâce à : - un meilleur taux d'encadrement pour faciliter l'acquisition des savoirs en petits groupes (plus de dédoublements avec un volume complémentaire "d' heures professeur" de référence augmenté de 2h) ; - une grille horaire annualisée et unifiée entre secteurs production et services pour faciliter la supervision de la progressivité des apprentissages des élèves sur le cycle et la réalisation des PFMP ; - des modalités d'interventions pédagogiques pluridisciplinaires qui articulent les disciplines d'enseignement général aux enseignements professionnels (co-intervention d'un professeur d'enseignement général et d'un professeur d'enseignement professionnel devant un même groupe, réalisation d'un chef d'œuvre). Cette organisation renforce l'accompagnement personnalisé de l'élève à toutes les étapes de son orientation pour l'aider à faire ses choix et ce jusqu'au baccalauréat professionnel dont la double finalité est réaffirmée : l'insertion professionnelle immédiate ou la poursuite d'études. Enfin, l'accompagnement des enseignants dans la mise en place de ce nouveau lycée professionnel est une nécessité absolue. C'est pourquoi des ressources pédagogiques seront très prochainement mises à leur disposition, des réunions seront organisées dans les établissements, ainsi que des formations académiques qui leur permettront de s'emparer de ces sujets.

Données clés

Auteur : Mme Clémentine Autain

Type de question : Question écrite

Rubrique : Enseignement technique et professionnel

Ministère interrogé : Éducation nationale et jeunesse

Ministère répondant : Éducation nationale et jeunesse

Dates :
Question publiée le 11 décembre 2018
Réponse publiée le 30 avril 2019

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