15ème législature

Question N° 15022
de Mme Amélia Lakrafi (La République en Marche - Français établis hors de France )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > Français de l'étranger

Titre > Situation sécuritaire des Français de Madagascar

Question publiée au JO le : 11/12/2018 page : 11305
Réponse publiée au JO le : 05/02/2019 page : 1145

Texte de la question

Mme Amélia Lakrafi appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation sécuritaire extrêmement préoccupante des Français à Madagascar. Assassinats, enlèvements crapuleux, pillages de commerces, violences quotidiennes : les citoyens français sont, sur place, la cible privilégiée d'organisations mafieuses, aux méthodes professionnelles et équipées d'armes dignes d'un arsenal de guerre, qui se sont développées sur fond de corruption, d'instabilité politique et de convoitises, dans ce pays où la pauvreté continue de faire rage. Ce phénomène cible tout particulièrement, mais pas exclusivement, les membres de la communauté indienne, réputés plus aisés, dont 30 à 40 % ont la nationalité française. Ce climat d'insécurité n'est pas nouveau, mais il tend indubitablement à s'accélérer, tant d'un point de vue chiffré qu'au niveau de l'intensité et du degré de violence. 229 actes de violence ont ainsi été enregistrés au cours de ces 10 derniers mois, contre 157 sur toute l'année 2017. Quatre homicides sont à déplorer depuis le début de l'année 2018, dont le dernier est intervenu à la fin du mois d'octobre 2018. Huit enlèvements contre rançon ont été recensés sur cette même période, avec à chaque fois le même mode opératoire et les mêmes témoignages effroyables des victimes sur la torture physique et psychologique à laquelle les ont soumises leurs ravisseurs durant leur captivité. Ces chiffres ne constituent, qui plus est, que la part visible et officielle de ces exactions car par peur des représailles, la discrétion, voire le silence, s'imposent souvent. En tout état de cause, cette recrudescence contribue à raviver la légitime inquiétude des compatriotes sur place. À cela convient-il d'ajouter le développement d'un fort sentiment d'abandon face à la « timidité » des moyens policiers et judiciaires déployés par les autorités locales pour, d'une part, œuvrer au recul de ces actes et d'autre part, permettre l'arrestation, la poursuite et la condamnation des auteurs de ces crimes. La mise en place d'une cellule spéciale de lutte contre les rapts a constitué une première réponse encourageante. Les autorités françaises, par la voix de la nouvelle ambassadrice en poste à Madagascar ont témoigné de leur volonté d'accompagner ce processus et de contribuer à plus d'efficacité dans ce combat. Ces avancées ont été saluées par la communauté française, les élus consulaires et les représentants du Collectif des Français d'origine indienne à Madagascar (CFOIM) qui mène un travail remarquable dans ce dossier. Des voies d'amélioration sont toutefois encore possibles et souhaitables. De nombreuses pistes semblent pouvoir être envisagées, telles que l'envoi temporaire d'une équipe d'enquêteurs pour l'exploitation des indices collectés ou l'ouverture d'un poste de renseignement basé à Madagascar pour travailler sur ces questions, ainsi que sur d'autres enjeux qui touchent les îles françaises de l'Océan indien. Au regard de ces éléments, elle souhaiterait avoir connaissance des mesures concrètes que le Gouvernement envisage de prendre pour répondre à cet enjeu de sécurité et dans quelle échéance.

Texte de la réponse

La hausse de l'insécurité à Madagascar est très préoccupante. Même si cette insécurité (vols, agressions, enlèvements et assassinats) n'est pas dirigée spécifiquement contre les ressortissants français, le bilan est lourd : en 2018, 9 cas d'enlèvements de Français ont été portés à la connaissance de l'ambassade de France à Tananarive. Tous ont, ensuite, été libérés, très certainement contre le paiement d'une rançon. Ces faits, récurrents (8 Français avaient déjà été enlevés en 2017) et de plus en plus violents, provoquent un vif émoi au sein de la communauté française de Madagascar, qui est aussi touchée par des crimes crapuleux (5 Français assassinés en 2018 3 en 2017). Face à ce sentiment croissant d'insécurité, la France a poursuivi et accentué son action de sensibilisation auprès des autorités malgaches. Comme il l'avait fait en mars dernier à Tananarive, le Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères a évoqué ces questions de sécurité avec le ministre malgache des affaires étrangères, lors de sa visite à Paris, à l'occasion des commémorations de la fin de la Première Guerre mondiale, le 11 novembre dernier. Mi-novembre, l'ambassadrice de France à Tananarive a rencontré, à deux reprises, le Président de la République par intérim, dont une fois en compagnie de trois représentants du Collectif des Français d'origine indienne de Madagascar (CFOIM). Malgré le contexte électoral actuel et son mandat qui se terminera le mois prochain, le chef de l'État par intérim se montre particulièrement déterminé à traiter cette situation. Depuis plusieurs mois, la France demandait avec insistance aux autorités malgaches la nomination d'un magistrat-référent, dédié uniquement aux enlèvements, ainsi que la mise en place d'un dispositif au sein des forces de l'ordre malgaches. Ce magistrat-référent a été nommé en décembre 2018 : il coordonnera toutes les enquêtes d'enlèvements au niveau national et dirigera une cellule-mixte d'enquête composée de cinq gendarmes et de cinq policiers. Cette structure à compétence nationale, qui vient d'être reconstituée, est dotée d'un budget et de moyens logistiques et matériels propres. Enfin, un décret sur les données techniques est en cours d'élaboration. Il imposera à tous les opérateurs de téléphonie mobile de répondre sans délais aux réquisitions du magistrat-référent et des enquêteurs de la cellule-mixte, sous peine de sanctions administratives, voire pénales. Ce cadre juridique contraignant devrait permettre de lever les difficultés auxquelles étaient confrontés les policiers et les gendarmes dans leurs demandes (réponses tardives et incomplètes de la part des opérateurs de téléphonie mobile). Dans le cadre du respect de la souveraineté de l'État malgache et du principe de non-ingérence dans les affaires sécuritaires et judicaires de Madagascar, la France s'assure donc que les autorités malgaches compétentes déploient tous les moyens nécessaires pour que les coupables soient identifiés et dûment jugés. Elle poursuivra, bien entendu, ses efforts de sensibilisation et sa coopération avec les autorités malgaches qui seront issues du scrutin présidentiel en cours à Madagascar.