Question écrite n° 1513 :
Manquements de la France à la Charte sociale européenne

15e Législature

Question de : M. Luc Carvounas
Val-de-Marne (9e circonscription) - Nouvelle Gauche

M. Luc Carvounas attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, sur les manquements de la France à la Charte sociale européenne. L'association UWE/ Groupe européen des femmes diplômées des universités (GEFDU) a déposé une réclamation collective contre 15 États dont la France portant sur deux violations de la Charte sociale européenne. Le comité européen des droits sociaux a considéré comme recevables ces réclamations et a fixé un délai à la France et aux autres pays concernés pour répondre sur le fonds aux griefs soulevés. Ces réclamations portent sur le non-respect de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes ainsi que sur la sous-représentation des femmes dans la prise de décision au sein des entreprises privées. En effet, l'article 4§3 de la charte engage la France « à reconnaître le droit des travailleurs masculins et féminins à une rémunération égale pour un travail de valeur égale ». Or les « chiffres clés édition 2017 » publiés sur le site internet du secrétariat d'État en charge de l'égalité entre les femmes et les hommes indiquent un écart de 18,6 % de salaire entre les femmes et les hommes dans le secteur privé en 2014. Concernant la sous-représentation des femmes dans la prise de décision au sein des entreprises privées, les associations dénoncent aujourd'hui un manque de dispositions nationales qui garantissent l'accès équilibré des femmes dans des postes décisionnels au sein des entreprises privées. Ce grief s'appuie sur l'article 20 de la Charte qui garantit le droit à l'égalité des chances. Le Président de la République a déclaré vouloir faire de l'égalité femmes-hommes « grande cause nationale du quinquennat » mais force est de constater que les lois concernant l'égalité salariale entre les femmes et les hommes peinent à être appliquées dans la pratique. Il lui demande quelles mesures compte prendre le Gouvernement afin de répondre aux réclamations déposées auprès du comité européen des droits sociaux.

Réponse publiée le 9 janvier 2018

Le Groupe européen des femmes diplômées des Universités, Organisation Internationale Non Gouvernementale (OING) accréditée auprès du Conseil de l'Europe s'est créé en 1919. Le 19 août 2016, cette OING a déposé une réclamation collective auprès du Comité européen des droits sociaux du Conseil de l'Europe qui tend à faire condamner la France pour non-respect du principe d'un salaire égal pour un travail égal entre les femmes et les hommes, en méconnaissance des dispositions de la Charte Sociale Européenne. Le Gouvernement français a présenté ses observations sur le bien-fondé de cette réclamation dans le courant du mois de novembre 2017. La France est partie aux conventions de l'OIT sur l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes, à la Convention Européenne des Droits de l'Homme, au Traité de Rome du 25 mars 1957, à la Convention sur l'Elimination de toutes les formes de Discriminations à l'égard des Femmes, CEDAW, à la Déclaration de Vienne, à la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne, au Traité de Lisbonne au Traité de fonctionnement de l'Union européenne, lequel prévoit que chaque Etat membre doit veiller à ce que le principe d'un salaire égal pour un même travail ou un travail de valeur égale est appliquée. Or, ces textes internationaux, de même que la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, la Directive 2010/41/EU du Parlement européen et du Conseil de 7 juillet 2010 relative à l'application du principe d'égalité de traitement entre les femmes et les hommes pour les travailleurs indépendants et la Recommandation de la Commission relative au renforcement du principe de l'égalité des rémunérations des femmes et des hommes grâce à la transparence du 7 mars 2014, ont tous fait l'objet de transcription ou de transposition en droit interne français. S'agissant de l'égalité salariale : - La loi no 72-1143 du 22 décembre 1972 « relative à l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes » transpose dans le Code du travail les principales dispositions de la Convention no 100 de l'OIT en reprenant le principe essentiel : « Tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes dispositions reprises à l'article L. 3221-2 du code du travail. - En France, tout employeur est donc tenu d'assurer, pour un même travail ou un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes : ce principe interdit toute discrimination de salaire fondée sur le sexe. Tous les employeurs et tous les salariés sont concernés, qu'ils relèvent ou non du Code du travail. Les salariés du secteur public sont donc également visés. - Les inspecteurs du travail ou, le cas échéant, les autres fonctionnaires de contrôle assimilés sont chargés, dans le domaine de leurs compétences respectives, concurremment avec les officiers et agents de police judiciaire, de constater les infractions aux dispositions relatives à l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. Lorsque la discrimination est établie, des sanctions peuvent être infligées par le juge : civiles mais aussi pénales, qui peuvent être les suivantes : - une peine d'emprisonnement d'un an au plus et/ou amende pouvant atteindre 3 750 €, - une amende de 1 500 € (3 000 € en cas de récidive), appliquée autant de fois qu'il y a de travailleurs rémunérés dans des conditions illégales. Toutefois, le tribunal peut ajourner le prononcé de la peine si l'employeur définit, après avis des représentants du personnel, les mesures propres à rétablir l'égalité professionnelle. - De plus, en l'absence de négociation salariale, l'employeur qui n'a pas rempli l'obligation de négociation sur les salaires effectifs mentionnée au 1° de l'article L. 2242-1 est soumis à une pénalité plafonnée à un montant équivalent à 10 % des exonérations de cotisations sociales mentionnées à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale au titre des rémunérations versées chaque année où le manquement est constaté, sur une période ne pouvant excéder trois années consécutives à compter de l'année précédant le contrôle… ». En outre, les dispositions du code du travail relatives à l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes sont portées, par tout moyen, à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail, ainsi qu'aux candidats à l'embauche. Par ailleurs, en cas de non-respect de leurs obligations en matière d'égalité professionnelle, les entreprises sont susceptibles de faire l'objet de sanctions de l'inspection du travail, pouvant aller jusqu'à 1% de leur masse salariale. Au 15 décembre 2016, le taux moyen constaté de pénalité est de 0,50 % de la masse salariale pour un montant cumulé des pénalités de 613 005 €. 116 entreprises ont été sanctionnées : 96 pour absence d'accord ou de plan d'action et 20 pour non-conformité. 34 % des pénalités prononcées ont permis une régularisation de la situation des entreprises concernées. S'agissant de la parité, dans le secteur privé : Avec une moyenne de 42% de femmes dans les conseils d'administration et de surveillance des sociétés cotées, la France se maintient en tête des pays européens en matière de féminisation des instances dirigeantes. En 2017, la France enregistre une progression de la présence des femmes de 6 points depuis 2016 et se maintient en tête des pays européens en matière de féminisation des instances dirigeantes. La présence des femmes dans les conseils des entreprises cotées a progressé de 15,8 points depuis 2013, date à laquelle la présence des femmes dans les conseils a commencé à être documentée. Cette progression rapide s'appuie sur la loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle (dite loi « Copé-Zimmermann »), qui prévoit une obligation légale d'au moins 40% de femmes dans les conseils d'administration et de surveillance des sociétés cotées à compter du 1er janvier 2017, sous peine de sanctions (annulation des nominations et non-versement des jetons de présence). Dans le secteur public, an cas de non-respect des obligations incombant aux trois fonctions publiques, des sanctions financières sont prévues : le montant de la pénalité par unité d'emploi manquante s'élève à 90.000€ à partir de 2017. Un suivi mensuel des nominations aux emplois à la décision du gouvernement (secrétaire général de ministère, DG et DAC) et aux emplois interministériels de direction (sous-directeur, chef de service, directeur de projet et expert de haut niveau) est réalisé par le Secrétariat général du gouvernement et la DGAFP. Les résultats montrent une progression du nombre de femmes sur les postes de la haute fonction publique et un respect des quotas. Sur les emplois de cadres dirigeants, la proportion de femmes nouvellement nommées sur ces postes est passée de 24 % en 2012 a 33,6 % en 2015. Conscient des difficultés rencontrées par les femmes afin d'atteindre l'égalité salariale et la parité, le Gouvernement a mis en place des dispositifs incitatifs, en partenariats avec les acteurs de l'égalité professionnelle afin d'améliorer l'égalité salariale, la parité ou bien la mixité des métiers : - Des plans d'action sectoriels pour la mixité ont été élaborés dans le cadre de la plateforme mixité des métiers, devenue le plan Mixité : en 2014, dans les transports ; en 2015, dans le bâtiment et avec la fédération des services à la personne, en 2017, dans le numérique. De nouveaux plans sont en cours de préparation dans le secteur des métiers du travail social et des métiers verts. Par ailleurs, dans le cadre des engagements de développement de l'emploi et des compétences (EDEC) de l'autonomie et de de la petite enfance, une action mixité permet d'approfondir la question de la mixité professionnelle avec les acteurs et de préfigurer les futurs plans sectoriels mixité. - Les expérimentations dites des « Territoires d'excellence » lancées en 2012 dans 9 régions pour développer l'égalité professionnelle ont enclenché une forte dynamique partenariale autour des services déconcentrés de l'Etat et des différents conseils régionaux. L'évaluation finale de cette expérimentation a permis d'identifier les bénéfices de l'expérimentation en termes d'innovation, de développement de nouveaux partenariats et d'obtention de nouveaux financements. C'est la raison pour laquelle l'expérimentation a été généralisée en 2016 et 2017 a vu son extension dans le cadre des nouvelles régions issues de la loi NOTRE.  - Le label « Egalité professionnelle » entre les femmes et les hommes, créé en 2004 et propriété de l'Etat, est un outil permettant de valoriser l'engagement des organismes privés et structures publiques en faveur de l'égalité et de la mixité professionnelles. Le rapport d'activité 2016, recense 75 organismes labellisés Egalité. 23 structures sont entrées nouvellement dans ce dispositif. Ce chiffre a été multiplié par 5 par rapport à la moyenne des dix dernières années (un peu moins de 5 structures par an). 23 nouveaux organismes ont été labellisés en 2016. Les organismes labellisés relèvent de 13 secteurs d'activité sur les 21 définis par le code NAF (nomenclature d'activité française). Le réseau des entreprises et des structures publiques pour l'égalité (REE) lancé le 24 juin 2015 réunit les 120 premières entreprises françaises cotées, les entreprises labellisées « Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes » et, depuis 2016, les structures publiques, en assemblée plénière sous l'égide de la ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Cinq thèmes ont été traités à ce jour : l'égalité salariale, la gestion des viviers et la féminisation des instances dirigeantes, l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, l'articulation des temps de vie, la lutte contre le harcèlement sexuel en milieu professionnel, le palmarès de la féminisation des instances dirigeantes. Ce réseau représente une opportunité pour les entreprises afin de partager leurs bonnes pratiques et de mesurer leurs résultats et alterne séances plénières et ateliers (workshop). Enfin, les actions mises en œuvre en matière d'égalité professionnelle sont depuis octobre 2016 recensées dans le premier Plan interministériel pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (2016 – 2020) par lequel l'Etat français et ses partenaires territoriaux se donnent pour objectif de favoriser la mixité professionnelle, la lutte contre les stéréotypes, et l'égal accès aux responsabilités professionnelles, et l'insertion professionnelle des femmes. Il s'inscrit dans la continuité des grandes avancées en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes au travail, marquées par la loi Roudy de 1983, la loi Copé-Zimmermann de 2011 et la loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes adoptée en 2014 et a pour objectif de parvenir à développer une culture de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes au travail.

Données clés

Auteur : M. Luc Carvounas

Type de question : Question écrite

Rubrique : Égalité des sexes et parité

Ministère interrogé : Égalité femmes hommes

Ministère répondant : Égalité femmes hommes

Dates :
Question publiée le 3 octobre 2017
Réponse publiée le 9 janvier 2018

partager