Rubrique > armes
Titre > Position de la France sur les armes létales autonomes
M. Erwan Balanant attire l'attention de Mme la ministre des armées sur les armes létales autonomes. Depuis les années 1990, certaines puissances militaires se sont dotées d'armes autonomes. Si, à l'origine, ces armes étaient uniquement destinées à assurer des missions de surveillance, elles ont évolué pendant l'intervention des États-Unis en Irak sous la forme de drones télécommandés et, depuis quelques années, des armes létales autonomes émergent. Programmées pour neutraliser, détruire voire tuer, ces machines, souvent qualifiées de « robots tueurs », sont capables détecter une cible et de la mettre à mort sans intervention aucune humaine. Il s'agit notamment du robot militaire SGR-A1 élaboré par Samsung en Corée du Sud, à même d'exterminer tout intrus dans un rayon de 4 kilomètres. Un autre exemple est celui du robot MAARS aux États-Unis équipé d'une mitraillette M240 ou d'un lance-roquette et d'une vision panoramique à 360 degrés. Il se déplace en toute autonomie et si, aujourd'hui, ses interventions sont encore supervisées par des soldats humains, tel ne sera plus le cas dans un futur proche. Outre le caractère hautement préoccupant de ces technologies d'un point de vue moral, leur emploi irait à l'encontre du droit humanitaire. Tout d'abord, le principe d'humanité, fondamental en droit humanitaire, se trouverait évidemment bafoué, dès lors que la décision de tuer et de sélectionner une cible ne correspondrait plus à un choix éthique, et ne nécessiterait pas d'intervention humaine. Ensuite, conformément au droit international de la guerre, notamment à la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949, les civils ne doivent nullement être pris pour cible d'attaques et les organisations humanitaires doivent être en mesure d'accéder aux zones de conflit. Or l'utilisation de telles technologies menacerait le respect de ces règles primordiales pour la protection des populations. Enfin, les armes létales autonomes pourraient bien évidemment dysfonctionner, voire être détournées. Il n'est pas à exclure que certains robots se retournent ainsi contre les soldats de l'armée à laquelle ils appartiennent. Face à la sévérité de ces menaces, 26 États, 86 organisations non gouvernementales et 25 000 experts en intelligence artificielle se sont prononcés contre l'utilisation de ces armes. Pourtant, les négociations en vue de la conclusion d'un traité international les prohibant sont compromises. En effet, fin août 2018, le Groupe d'experts gouvernementaux sur les systèmes d'armes létales autonomes, mandaté dans le cadre de la Convention de l'Organisation des Nations unies sur certaines armes classiques, n'a réussi qu'à formuler des recommandations et à obtenir le renouvellement de son mandat de discussion. En revanche, aucun mandat de négociation ne lui a été accordé, du fait de la stricte opposition de certains États à l'interdiction, tels que la Russie, les États-Unis, la Chine et Israël. En réaction, le Parlement européen a adopté, le 12 septembre 2018, une résolution en vue d'obtenir une position commune des États membres contre les armes létales autonomes et de participer activement aux négociations internationales pour l'obtention d'un instrument juridique contraignant prohibant « tout système d'armes létales autonome dont les fonctions critiques, telles que le choix et l'attaque des cibles, sont dénuées de contrôle humain ». Si les discussions vont donc dans le bon sens au sein de l'Union européenne, elles doivent être approfondies à l'échelle internationale. Fin novembre 2018, lors de la réunion de la réunion annuelle des États parties à la Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques, une minorité d'États a continué à faire blocage à l'engagement des négociations pour l'obtention d'un traité d'interdiction. Alors que le Président de la République a précisé être « catégoriquement opposé » aux robots tueurs, la France n'a soutenu que l'adoption d'une déclaration politique dans l'enceinte de l'Organisation des Nations unies. Certaines organisations non gouvernementales y voient alors une ambigüité. Comment le Gouvernement envisage-t-il de lutter contre l'avènement des armes létales autonomes dépourvues de toute éthique et représentant un énorme recul par rapport au droit international humanitaire ? Il lui demande si la France soutient l'interdiction totale de ces armes ou si elle est en faveur d'un encadrement juridique limité aux termes duquel ces armes seraient uniquement soumises à un certain degré d'intervention humaine.