15ème législature

Question N° 15312
de M. Philippe Berta (Mouvement Démocrate et apparentés - Gard )
Question écrite
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > pollution

Titre > Processus de production d'antibiotiques et antibiorésistance

Question publiée au JO le : 18/12/2018 page : 11633
Réponse publiée au JO le : 26/03/2019 page : 2809

Texte de la question

M. Philippe Berta attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l'impact environnemental de la production des antibiotiques et sur la nécessité de s'assurer que les pollutions issues des usines pharmaceutiques ne génèrent pas de foyers d'antibiorésistance. 759 tonnes d'antibiotiques ont été vendues en France en 2017 et 90 % des ingrédients constituant ces antibiotiques proviennent d'usines situées en Inde ou en Chine. Or associations et scientifiques alarment sur les conditions de production des antibiotiques en Inde, notamment dans la ville d'Hyderabad où 150 industriels pharmaceutiques sont installés. La conjonction des effluents des usines antibiotiques et des eaux noires de la ville mettrait en place les conditions idéales pour l'émergence de superbactéries. Étant données l'absence de traitement pour ces bactéries multirésistantes, la vitesse de prolifération des bactéries et la mobilité internationale, les risques d'épidémies sont conséquents. Déjà aujourd'hui, la lutte contre l'antibiorésistance est un sujet majeur : environ 700 000 personnes meurent chaque année d'infections résistantes aux antibiotiques, dont 25 000 en Europe. La lutte contre la surconsommation humaine et animale d'antibiotiques est, au niveau national, notamment via la feuille de route de novembre 2016, et européen, un axe fort d'engagement dont on ne peut que se réjouir. En revanche, plusieurs associations, scientifiques et États membres de l'Union européenne pointent l'encadrement insuffisant de la pollution environnementale par des ingrédients pharmaceutiques lors du processus de fabrication des antibiotiques. Diverses pistes sont évoquées au niveau européen comme l'inclusion de critères environnementaux dans les guides de « bonnes pratiques de fabrication », la fixation de limites d'émission d'ingrédients pharmaceutiques analogues à celles mises en place, par exemple, pour les composés volatiles ou les métaux dans la directive sur les émissions industrielles, ou encore l'inclusion de critères environnementaux de production pour la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché. Il lui demande de bien vouloir lui préciser la position de la France sur ce sujet.

Texte de la réponse

La lutte contre l'antibiorésistance est un sujet majeur de santé publique en France et est abordée dans nos politiques avec une dimension « une seule santé » incluant le secteur santé humaine, santé animale et santé environnementale. La feuille de route interministérielle, pour la maîtrise de l'antibiorésistance, en est d'ailleurs le reflet. Cette feuille de route inclut les différents plans sectoriels existants en lien avec le sujet. En France, un plan d'action national interministériel portant sur les résidus de médicaments dans les eaux (PNRM) a été mis en œuvre entre 2011 et 2015. Il avait pour ambition de rassembler l'ensemble des parties prenantes et de créer une dynamique nationale tant sur l'environnement que sur la santé humaine. Le PNRM cherchait également à promouvoir des orientations de gestion pour limiter les rejets et maîtriser les expositions si des risques sanitaires ou environnementaux avaient été mis en évidence. Les travaux mis en œuvre à l'échelle nationale dans le cadre du PNRM ont notamment permis d'améliorer les connaissances sur la présence des résidus de médicaments dans l'environnement, grâce au développement de techniques analytiques performantes et à la réalisation de campagnes nationales d'analyses exploratoires dans les milieux aquatiques et dans les eaux destinées à la consommation humaine. Ces travaux ont permis d'établir et de tester une méthodologie spécifique d'évaluation des risques sanitaires liés à la présence de résidus de médicaments dans les eaux destinées à la consommation humaine et les eaux brutes utilisées pour la production des eaux destinées à la consommation humaine. Un guide technique pour la bonne gestion des déchets issus de médicaments dans les établissements de santé et médico-sociaux a également été publié en mai 2016 sous l'égide du ministère des solidarités et de la santé afin d'éviter le déversement non maîtrisé de ces déchets dans le réseau d'assainissement et/ou leur dissémination dans l'environnement. Treize projets pilotes portant sur la lutte contre les micropolluants chimiques dans les eaux urbaines, dont trois s'intéressent plus particulièrement aux résidus de médicaments ont par ailleurs été lancés sous le pilotage de l'Agence française pour la biodiversité, les agences de l'eau et le ministère chargé de l'environnement. Enfin, l'organisation de la première conférence internationale sur les risques liés aux résidus de médicament dans l'environnement (colloque ICRAPHE, Paris, septembre 2016) a été soutenue par les pouvoirs publics. Les actions dédiées aux résidus de médicaments dans les eaux se poursuivent à présent dans le cadre d'un plan national interministériel (environnement, santé, agriculture) portant sur l'ensemble des polluants des milieux aquatiques « Le plan micropolluants 2016-2021 pour préserver la qualité des eaux et de la biodiversité ». Ainsi les travaux menés dans le cadre de ce plan contiennent un volet de réduction des rejets de médicaments dans l'environnement. Concrètement il faut savoir que les installations de fabrication en quantité industrielle par transformation chimique ou biologique de produits pharmaceutiques sont soumises à la réglementation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, ainsi qu'à la directive sur les émissions industrielles. Préalablement à leur exploitation elles doivent obtenir une autorisation environnementale comprenant une participation du public sur la base d'un dossier d'enquête publique. A l'issue de l'enquête publique et après avis des différents services concernés (notamment de l'agence régionale de santé), le préfet de département peut délivrer ou refuser (le refus doit alors être motivé) l'autorisation environnementale. L'arrêté d'autorisation environnementale contient également les prescriptions applicables en matière notamment de rejets dans l'air et dans l'eau. C'est à ce titre que les rejets de produits antibiotiques peuvent être encadrés. Par ailleurs, des prescriptions européennes en matière de meilleures techniques disponibles s'appliquent à ces installations et sont reprises dans l'arrêté préfectoral. Ainsi une meilleure technique disponible prévoit qu'il convient de prétraiter les flux d'eaux résiduaires qui contiennent des principes bioactifs en concentrations susceptibles de représenter un risque soit pour un traitement ultérieur des eaux résiduaires, soit pour l'environnement récepteur après déversement. Les arrêtés préfectoraux prennent également en compte les actions transversales menées au titre de la police de l'eau, incluses pour les installations industrielles dans l'autorisation environnementale. Par ailleurs, au niveau européen, la commission européenne a introduit en 2013 de nouvelles exigences pour la politique communautaire dans le domaine de l'eau, en mettant en place un dispositif appelé « liste de vigilance » au sein duquel sont intégrés des médicaments (dont 3 antibiotiques macrolides) et permettant un suivi de certaines substances dans les milieux aquatiques afin de dresser un état des lieux à l'échelle européenne. La commission européenne doit également initier une stratégie sur la pollution de l'eau par les résidus de médicaments et proposer, si besoin, des mesures à prendre au niveau de l'Union européenne et/ou des États membres pour lutter contre les incidences éventuelles des résidus de médicaments sur l'environnement, en vue de réduire leurs émissions dans l'environnement, notamment dans les milieux aquatiques, en tenant compte des exigences en matière de santé publique et du rapport coût-efficacité des mesures proposées. Les autorités françaises déclineront au niveau national les orientations proposées aux Etats membres pour la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie européenne.