15ème législature

Question N° 1538
de M. Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine - Seine-Maritime )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Éolien offshore : quid d'une filière industrielle française et de la pêche ?

Question publiée au JO le : 03/10/2017 page : 4698
Réponse publiée au JO le : 03/07/2018 page : 5822
Date de signalement: 08/05/2018

Texte de la question

M. Sébastien Jumel attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les conséquences industrielles du choix annoncé le mardi 19 septembre 2017 par Siemens de renoncer à la technologie développée par Adwen/Areva pour les turbines qui équiperont les parcs éoliens offshore de Dieppe-le Tréport, Saint-Brieuc et Yeu/Noirmoutier. Le groupe Siemens a absorbé son homologue espagnol Gamesa au printemps 2017. Devenu de ce fait propriétaire à 100 % d'Adwen - l'ex co-entreprise entre Areva et Gamesa - l'industriel allemand est appelé à fournir les futures éoliennes des trois champs offshore en projet sur les côtes normande, bretonne et vendéenne. Avec l'accord du Gouvernement français, le groupe Siemens Gamesa Renewable Energy a choisi sa propre turbine de 8 MW pour les éoliennes de ces trois parcs, abandonnant de ce fait la turbine de même puissance, développée par Adwen, et initialement par Areva, qui était au stade de prototype. Il convient de noter qu'il y a quelques semaines l'industriel allemand communiquait encore sur les essais d'intégration de la turbine de technologie française qu'il menait sur ses sites de la région d'Hambourg. Le choix rendu public le 19 septembre 2017 par Siemens Gamesa Renewable Energy de recourir à la turbine de conception allemande et d'abandonner la technologie Adwen/Areva doit être mis en perspective avec les intentions affichées depuis plusieurs mois par le groupe industriel d'outre-Rhin. Dans un marché international en forte croissance, qui comporte notamment des débouchés en France avec plusieurs projets offshore en cours, Siemens n'a pas caché ces derniers mois qu'il était peu favorable à l'intégration de la technologie Adwen/Areva pour les turbines de 8 MW alors même qu'il testait l'intégration de cette turbine, pièce maîtresse de l'éolienne. De même, il s'était positionné pour le développement en France de segments de la chaîne de valeur offshore plutôt que pour la mise en œuvre d'une production française de A à Z. L'annonce officielle faite par Siemens d'abandonner le prototype français de turbine de 8 MW pour lui substituer la technologie déjà développée dans les usines allemandes ne fait que donc que confirmer ce positionnement dont l'officialisation a été différée pour ménager l'opinion publique. La conséquence de ce choix industriel, réfléchi de longue date et finalement rendu public tardivement avec l'aval du Gouvernement français, est bien que l'essentiel de la plus-value industrielle de l'éolien offshore ne sera ni conçu, ni développé en France puisque la technologie retenue est celle qui est déjà déployée dans les usines du groupe Siemens, en Allemagne notamment. Le député l'interpelle sur le fait de savoir si, en donnant son feu vert à Siemens pour la turbine allemande, le Gouvernement n'a pas renoncé à l'ambition de constituer une véritable filière industrielle made in France de l'éolien offshore. Il rappelle que les parcs éoliens offshore, dont celui de Dieppe-le Tréport, devaient servir de levier pour structurer dans notre pays, en Normandie notamment, une telle filière. Le 19 septembre 2017, il a été confirmé oralement l'intention de construire deux usines au Havre, l'une pour l'assemblage des nacelles, l'autre pour la fabrication des pâles d'éoliennes pour un total de 750 emplois. Cependant, aucune précision n'a été donnée par Siemens sur le calendrier du projet, notamment sur la procédure d'autorisation de permis de construire pour les deux usines. Par ailleurs, dans ses propos rapportés par la presse, le président pour la France de Siemens Gamesa Renewable Energy, a souligné que la « création de cet outil industriel était liée à l'appel d'offres pour les champs français ». Et il a ajouté : « Pour rendre cet outil profitable et durable, il va falloir gagner d'autres champs éoliens ». À ce stade le groupe Siemens ne prend donc aucun engagement dans la durée sur la production et l'assemblage au Havre au-delà des trois champs éoliens normand, breton et vendéen. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il lui demande de bien vouloir faire confirmer très officiellement par Siemens Gamesa Renewable Energy l'engagement de construire les deux usines havraises et d'en préciser le calendrier de réalisation, de bien vouloir rappeler expressément à l'industriel l'obligation liée à l'attribution du marché du parc éolien offshore de Dieppe le Tréport de contribuer à la constitution effective d'une filière industrielle de l'éolien offshore sur le territoire par des transferts de technologie, sans limiter l'apport des usines du Havre à des fonctions d'assemblage de pièces. Il lui demande également de bien vouloir rappeler à Siemens Gamesa Renewable Energy l'engagement pris initialement pas Adwen de recourir pour la production des éoliennes aux entreprises de la région, dont celles de la grappe Dieppe-méca-énergies, pour la fabrication des composants (génératrices, roulements et boîtes de vitesse...). Il lui rappelle enfin que le développement du parc éolien offshore Dieppe le Tréport sur une zone halieutique parmi les plus riches de la Manche est constitue une menace grave pour l'économie de la pêche artisanale, laquelle représente plus de 1 000 emplois réels. À ce jour, aucune mesure de garantie de préservation de cette économie n'a été précisée, le maître d'ouvrage du parc éolien n'a pas formalisé de proposition de compensation à la hauteur du préjudice causé aux entreprises de pêche concernées, mesures compensatoires qui pourraient prendre la forme d'un fonds de soutien au renouvellement de la flotte, de mesures de soutien au développement de la formation, d'une contribution à la création d'une cité des métiers de la mer et de la pêche à Dieppe. Il revient à l'État de s'assurer que le maître d'ouvrage remplit de manière effective les obligations qui sont les siennes vis-à-vis du secteur de la pêche. Il lui demande enfin les mesures qu'il envisage de prendre pour cela.

Texte de la réponse

Les changements de turbines pour les parcs éoliens en mer de Dieppe-le Tréport et Yeu-Noirmoutier d'une part, et de Saint-Brieuc d'autre part, demandés par les consortiums concernés ont été autorisés par le ministère de la transition écologique et solidaire, respectivement par une décision du 8 septembre 2017 et du 16 octobre 2017, après avis favorable de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Ces changements de turbines ont été demandés par les consortiums, à la suite du rachat de Gamesa par Siemens, et de la décision de Siemens d'abandonner le développement de la turbine de Gamesa. Pour autant, la responsabilité du consortium vis-à-vis des engagements industriels pris dans le cadre du dossier de réponse à l'appel d'offres, notamment en matière de création d'usines, reste pleine et entière. À ce titre, lors du rachat de Gamesa, Siemens a repris l'ensemble des accords liant Adwen et les porteurs de projets, mettant en oeuvre les engagements industriels pris par ces derniers dans le cadre des appels d'offres, en particulier la création d'usines de turbines et de pales en Normandie. Concernant l'impact des parcs éolien en mer sur la ressource halieutique à Dieppe-Le Tréport, le consortium a pris de nombreux engagements vis-à-vis des pêcheurs, notamment au plan financier. Il s'est engagé à prendre en compte les 73 recommandations du comité de gestion du parc naturel marin relatives à la préservation de cette ressource et a formulé en outre quatre propositions complémentaires fin 2017, qui ont été reprises dans l'avis conforme de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) en mars 2018, et se traduiront notamment par des prescriptions supplémentaires dans l'arrêté d'autorisation. Enfin, le porteur de projet s'est engagé à mettre en place un fonds d'accompagnement de la pêche durable et un fond d'accompagnement économique et touristique du littoral. Compte tenu du coût pour les finances publiques des projets de parcs éoliens en mer sélectionnées en 2012 et 2013, le Gouvernement a souhaité engager des discussions avec les lauréats permettant d'en réduire le prix d'achat. Les préoccupations industrielles, économiques et environnementales évoquées dans la question font l'objet d'une attention particulière dans ce cadre.