15ème législature

Question N° 15476
de M. Sébastien Nadot (Non inscrit - Haute-Garonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > immigration

Titre > Poursuites à l'encontre de personnes solidaires de jeunes migrants

Question publiée au JO le : 25/12/2018 page : 11974
Réponse publiée au JO le : 16/06/2020 page : 4223

Texte de la question

M. Sébastien Nadot attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation des personnes actuellement poursuivies, voire condamnées à de lourdes peines, pour avoir porté secours à de jeunes migrants dans des conditions climatiques extrêmement difficiles à la frontière franco-italienne. Dans la nuit du jeudi 13 décembre 2018, trois personnes ont été arrêtées par la police à Briançon alors qu'elles portaient secours à des exilés par une température de 15 degrés. Parmi les cinq personnes secourues, quatre étaient des mineurs voyageant seuls. Ces personnes qui ont agi humainement pour sauver des vies se trouvent aujourd'hui injustement poursuivies. Un peu plus tôt dans la journée, sept habitants de Briançon ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Gap à de lourdes peines eu égard à leurs actes de solidarité envers des personnes en réel danger. Un jugement qui a soulevé l'indignation des militants et organisations qui œuvrent pour défendre les droits des personnes exilées. Tous et toutes dénoncent des poursuites contre des personnes solidaires accusées de « délit de solidarité ». Malgré ces condamnations et face à la situation d'urgence en montagne, les maraudeurs du Briançonnais ont annoncé qu'ils continueraient à venir au secours des personnes exilées à leur arrivée sur le territoire en leur apportant thé, nourriture, chaussures, vêtements chauds dans le village de Montgenèvre. Ces derniers temps, de nombreuses personnes se sont perdues en montagne et ont heureusement pu être secourues par des maraudeurs solidaires malgré des conditions climatiques extrêmes dans le Briançonnais. Les personnes arrivent souvent transies de froid, en hypothermie, avec parfois des gelures et des blessures. Sans ces citoyens et citoyennes solidaires, le risque est grand que des personnes migrantes perdent de nouveau la vie demain en montagne. Au lendemain de la Journée internationale des migrants, afin que les citoyens du Briançonnais puissent continuer à sauver des vies en danger, parce que la Commission nationale consultative des droits de l'Homme a recommandé, le 19 juin 2018 « de mettre fin immédiatement aux intimidations, poursuites et condamnations des aidants et de ne plus entraver les actions des associations venant en aide aux migrants », il lui demande s'il entend faire en sorte que le délit de solidarité soit demain réellement aboli.

Texte de la réponse

La loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 a notamment modifié le délit d'aide au séjour irrégulier pour ouvrir le champ de l'exemption pénale aux actions humanitaires et désintéressées. Clairement inscrites dans un objectif de préservation de l'action des personnes physiques et morales agissant dans un but exclusivement humanitaire sans considération de la régularité de la situation des destinataires de l'aide, ces dispositions devaient néanmoins être clarifiées et complétées pour répondre pleinement aux exigences de notre ordre juridique. Certains contentieux ont en effet révélé l'ambiguïté du texte de 2012 protégeant les actions désintéressées spontanément accomplies en vue d'apporter un secours immédiat à une personne en état de détresse physique ou psychologique manifeste. Conscient de ce besoin de clarification, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi « pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une immigration réussie », présenté au Parlement en avril 2018, des dispositions de nature à garantir l'immunité pénale pour les actions à caractère humanitaire. C'est ainsi que dès la première lecture de ce projet de loi, l'Assemblée nationale a voulu, avec le soutien du Gouvernement, inclure l'aide à la circulation dans le champ de l'exemption pénale prévu à l'article L. 622.4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette exigence s'est trouvée confirmée par la décision n° 2018/717-718 QPC du Conseil constitutionnel lue le 6 juillet 2018 qui, pour la première fois, a reconnu valeur constitutionnelle au principe de fraternité. Il résulte de cette décision la liberté d'aider autrui, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national, lorsque cette aide répond à un but strictement humanitaire, y compris dans l'aide à la circulation sur le territoire français. Le législateur a tiré les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel. La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, intègre dans le champ de l'exemption pénale toute action désintéressée accomplie dans un but exclusivement humanitaire, incluant l'aide à la circulation sur le territoire français. Ces dispositions sont d'application immédiate et il appartient à l'autorité judiciaire de les apprécier au cas par cas.