Offrir une solution au comptage des manifestants
Question de :
M. Fabien Matras
Var (8e circonscription) - La République en Marche
M. Fabien Matras attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la question du comptage des manifestants en France. Le droit de manifester est un droit fondamental, indissociable de la libre expression des opinions et de la tradition démocratique française. À cet égard, le nombre de manifestants présents lors des manifestations est un des éléments révélateurs de son intérêt sociétal et fait de la revendication, selon son importance, un procédé d'expression démocratie directe. Traditionnellement le comptage repose sur les services de police avec des fonctionnaires postés à des endroits stratégiques et qui enclenchent un compteur à main à chaque ligne de manifestants, après avoir préalablement calculé le nombre de personnes présentes sur chaque ligne. Toutefois les chiffres ainsi obtenus sont régulièrement contestés par les organisateurs des manifestations avec des écarts de résultat souvent significatifs. Récemment, des organismes de presse, guidés par une volonté de fiabilité et de transparence de l'information, se sont appuyés sur des résultats obtenus en ayant mandaté des organismes privés indépendants pour le comptage des manifestants, lesdits organismes procédant au comptage par l'utilisation de la vidéo et de différents algorithmes. Le Gouvernement et la majorité ont, depuis 2017, multipliés les initiatives pour favoriser la transparence de l'information, comme en atteste la loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information récemment adoptée par le Parlement. Le nombre de manifestants est un des éléments permettant d'apprécier l'importance d'une revendication qui peut simplement trahir l'intérêt d'une minorité sur un sujet donné, ou bien au contraire, révéler l'adhésion de la Nation sur un sujet donné qui s'avère être d'une importance sociétale. Cela est d'autant plus vrai du fait de l'évolution des formes de revendication qui ne s'appuient plus sur les organes représentatifs relevant des corps intermédiaires. À cet égard, le débat sur le comptage des manifestants est un des éléments de la lutte contre la manipulation des informations. Ainsi, il lui demande quelles solutions pourraient être adoptées dans une optique de transparence et de neutralité renforcées.
Réponse publiée le 26 mars 2019
La police nationale (service central du renseignement territorial, composé de policiers et de gendarmes et rattaché à la direction centrale de la sécurité publique) met en place, pour assurer un suivi des manifestations de voie publique, des dispositifs destinés à permettre un comptage précis du nombre de participants. Les opérations de comptage sont menées dans le respect des principes fondamentaux suivants : rigueur et professionnalisme ; mise en place de points de comptage en nombre variable en fonction des prévisions de participation ; recherche de points hauts, surtout pour les mobilisations les plus massives, qui permettent une vue plus globale des cortèges ; possibilité d'utiliser un compteur manuel ; comparaison des données recueillies entre les différents agents chargés du comptage (avec en général des variations d'au maximum 10 %). En fonction de l'ampleur prévisible du rassemblement, une à trois équipes de comptage sont constituées, composées en priorité d'agents expérimentés, équipés de moyens de transmission. Le comptage est réputé définitif au plus fort de la manifestation. Le choix des points de comptage correspond à des voies avec resserrement, la densité étant un élément pris en compte dans le recensement du nombre de participants. Des points intermédiaires ou des comptages de secteur sont établis par les agents pour suivre l'évolution ou rendre compte de l'« ambiance » de la manifestation, afin de permettre le cas échéant au directeur du service d'ordre d'adapter le dispositif. Les données sont transmises au chef de service et au directeur du service d'ordre, qui les porte à la connaissance du préfet territorialement compétent. Ces opérations de comptage sont réalisées par des policiers et militaires de la gendarmerie avec un seul objectif : la rigueur et la précision. Comme tous les agents de l'Etat, leur professionnalisme, leur éthique professionnelle et leurs obligations déontologiques (impartialité, neutralité, etc.) ne sauraient être mises en doute. Il convient à cet égard de souligner que la finalité première de ces données n'est pas la communication publique voire politique du nombre des manifestants, mais l'information légitime et nécessaire des autorités publiques sur l'ampleur de tel ou tel mouvement social et celle des responsables des dispositifs d'ordre public chargés de déterminer le volume, la répartition et le positionnement des forces de l'ordre chargées de garantir le libre exercice du droit de manifestation et la sécurité des personnes et des biens. Ces opérations sont d'ailleurs fréquemment menées en bonne intelligence avec les partenaires sociaux. En province, les agents du « RT » sont des interlocuteurs connus des syndicats et il n'est pas rare que les équipes de comptage soient en contact avec ceux-ci pour échanger sur le chiffre d'une manifestation. Ce dialogue avec les organisateurs permet de surcroît à ces derniers d'ajuster leur service d'ordre ou leur itinéraire, dans un esprit constructif de co-gestion de la manifestation. Le professionnalisme et l'expérience des services de l'Etat garantissent la fiabilité des données recueillies. Il est d'ailleurs rare que les chiffres du « RT » soient remis en question par les syndicats. Des vérifications a posteriori, possibles à partir notamment des caméras de vidéo-protection des municipalités, sont d'ailleurs rarement demandées. Lorsque les chiffres sont contestés, il est toujours possible, sous l'égide des préfets, et comme cela a été le cas en 2010 lors du mouvement contre la réforme des retraites, de réunir les acteurs concernés (syndicalistes, journalistes, etc.) pour leur présenter les méthode de comptage et, s'ils le souhaitent, les inviter à participer aux opérations de comptage, bref pour apporter un éclairage précis sur la manière dont la police nationale accomplit, en toute transparence, cette mission. Une circulaire du 22 octobre 2010 le prévoit expressément, afin de mettre fin à toute ambiguïté. Par ailleurs, et dans un souci de transparence et de confiance, la préfecture de police a lancé en 2014 un travail d'expertise, confié à une mission indépendante chargée d'étudier les méthodes de comptage de la police nationale. Cette commission de réflexion, composée de trois personnalités indépendantes (Madame Dominique SCHNAPPER, ancienne membre du Conseil constitutionnel, Monsieur Pierre Muller, inspecteur général de l'institut national de la statistique et des études économiques et Monsieur Daniel GAXIE, professeur de sciences politiques) a rendu son rapport en 2015, qui a largement validé la méthode de la police nationale, seule à être « réellement opérationnelle » malgré une « marge d'erreur inévitable ». Face à des mouvements peu ou pas organisés comme les rassemblements des « gilets jaunes », qui fréquemment refusent toute déclaration préalable de leurs manifestations, et en l'absence par conséquent de dialogue des organisateurs avec les services de l'Etat, la mise en œuvre de dispositifs de comptage est en revanche plus complexe (anticipation de plusieurs itinéraires possibles, déplacement dans l'urgence des agents chargés du comptage, etc.).
Auteur : M. Fabien Matras
Type de question : Question écrite
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 25 décembre 2018
Réponse publiée le 26 mars 2019