15ème législature

Question N° 15647
de M. Julien Aubert (Les Républicains - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > commerce extérieur

Titre > Incidence de la politique de transition écologique sur la balance commerciale

Question publiée au JO le : 01/01/2019 page : 12332
Réponse publiée au JO le : 12/03/2019 page : 2405

Texte de la question

M. Julien Aubert appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur l'incidence de la politique de transition écologique sur la balance commerciale française. Dans son rapport de mars 2018 sur le soutien aux énergies renouvelables, la Cour des comptes indique que la balance commerciale des équipements nécessaires à l'installation de nouvelles capacités d'énergies renouvelables présente un « déficit structurel » ; les filières les plus importatrices d'équipements étant le solaire photovoltaïque et l'éolien. Dans son étude sur la filière éolienne française de septembre 2017, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie observe également que la balance commerciale de cette filière « s'améliore mais reste négative ». C'est pourquoi il souhaiterait connaître le montant total et décomposé année par année des importations et des exportations d'équipements solaire photovoltaïque au cours des dix dernières années ainsi que le montant total et décomposé année par année des importations et des exportations d'équipements éoliens au cours des dix dernières années. Aussi, il lui demande si les données 2017 et 2018 confirment le déficit structurel des filières d'équipements photovoltaïques éoliens. Enfin, il souhaiterait connaître les mesures engagées et envisagées par le Gouvernement pour remédier à ce déficit chronique au regard notamment de l'objectif de triplement des capacités de production du parc éolien terrestre et de quintuplement des capacités de production du parc photovoltaïque à l'horizon 2030 annoncé le 27 novembre 2018 par le Président de la République.

Texte de la réponse

Cette politique répond à la nécessité de lutter contre le changement climatique et repose sur la réduction de 40 % de notre consommation d'énergies fossiles d'ici à 2030 (par rapport à 2012), et sur le développement significatif des énergies renouvelables. Cela représente des investissements industriels majeurs dans les territoires, notamment des territoires ruraux. Sur le plan méthodologique, les données décrivant le commerce extérieur s'appuient sur une nomenclature de produits très détaillée mais qui ne permet pas d'identifier tous les équipements destinés à la production d'énergie renouvelable (EnR), tels que ciblés dans l'étude de l'Ademe. Pour autant, d'une part ces postes peuvent inclure des produits non destinés à la production d'EnR, d'autre part ces deux produits n'incluent pas les éléments constitutifs des équipements lorsque ceux-ci sont assemblés en France. Or, les produits destinés à l'assemblage d'équipements EnR ont, eux, des usages très divers et il n'est pas possible d'identifier leur utilisation spécifique pour la construction d'équipements EnR. C'est pourquoi ces deux postes de la nomenclature ne correspondent pas aux montants à l'importation et à l'exportation estimés par l'Ademe et In Numeri dans leur étude. Une approche par entreprise ne permet pas non plus de mesurer les importations et les exportations d'équipements EnR puisque cette activité est très mineure pour certains des plus gros intervenants (Schneider, Siemens, General Electrics…). Ainsi, seul un suivi spécifique de la « filière », tel qu'effectué par la société In Numeri pour le compte de l'Ademe par le passé, permettrait de mesurer à champ comparable les flux du commerce extérieur français en équipements EnR. Ces éléments n'étant pas en possession de la DGDDI, il reste difficile de reconstituer de manière exacte et d'actualiser les chiffres produits par l'Ademe. Pour autant, au vu des chiffres dont nous disposons, le suivi de l'évolution des importations et des exportations d'équipements solaires et photovoltaïques au cours des dix dernières années révèle une relative stabilité des exportations (175 M€ en 2007 contre 202 M€ en 2017) et une réduction des importations (2412 M€ en 2010 contre 478 M€ en 2017). Concernant l'éolien, l'analyse fait apparaitre un niveau d'exportation relativement stable, autour de 3 à 4 M€, avec toutefois des pics notables en 2010 (+16 M€) et en 2016 (+31 M€) et un tassement des importations depuis 2007 (187 M€ contre 134 M€). On peut constater que le déficit des échanges en équipements éoliens s'est contracté de façon continue depuis 2007, passant de -184 M€ en 2007 à - 133 M€ en 2017 (-18 M€ en 2013, -62 M€ en 2015 et -53 M€ en 2016). Pour les équipements photovoltaïques, la tendance à la baisse est encore plus marquée, passant de -2089 M€ en 2011 à - 403 M€ en 2012, puis à -176 M€ en 2017. Les causes de ce rééquilibrage sont étroitement liées au contexte international et européen ainsi qu'aux politiques mises en œuvre par le Gouvernement. Mais le principal facteur de l'amélioration de notre balance commerciale est certainement la baisse des coûts de fabrication. Les importations européennes d'équipements photovoltaïques en provenance de Chine ont fait l'objet de mesures antidumping provisoires à partir de juin 2013, puis définitives à partir de décembre 2013, mais la chute des importations françaises est antérieure à la mise en place des droits antidumping européens. Par ailleurs, le dernier point haut de ces importations en septembre-octobre 2011 précède de peu l'ouverture en novembre 2011 d'une enquête aux États-Unis sur le dumping chinois (https://enforcement.trade.gov/download/factsheets/factsheet_prc-solar-cells-ad-cvd-init.pdf). Il est possible que les producteurs chinois aient modifié leurs pratiques commerciales dès la fin de l'année 2011 afin d'éviter d'éventuelles sanctions. La politique nationale de soutien aux énergies renouvelables, via notamment "le programme des investissements d'avenir" lancé en 2010, a permis de faire émerger des filières nationales. Ainsi, la filière éolienne française comptait en 2015 près de 600 entreprises réparties sur l'ensemble de la chaîne de valeur de l'éolien. Au total, en 2015, la part française dans le marché éolien terrestre domestique s'élevait à environ 56 % (sur un marché d'environ 1,8 Md€) avec une offre française bien positionnée sur les activités comme le développement, la conduite d'études, les travaux de génie civil et de raccordement, ou encore l'exploitation et la maintenance (cf. : rapport ADEME « Etude sur la filière éolienne française bilan, prospective, stratégie », septembre 2017). En termes d'emplois la politique de soutien à l'éolien a permis de passer de 7 ETP/MW en 2007 à 11 ETP/MW en 2015. L'essor de l'éolien en mer, via les appels d'offres de 2011, 2013 et 2016, devrait à terme contribuer à dynamiser l'activité industrielle et l'emploi au niveau des zones côtières. Malgré ces progrès, le déficit pour l'éolien et le photovoltaïque n'est pas encore comblé. Pour remédier à cette situation, le Gouvernement a engagé des mesures visant à structurer la filière. Le comité exécutif du Conseil national de l'industrie a ainsi labellisé en 2018 le comité stratégique de filière des industries des nouveaux systèmes énergétiques (CSF INSE). Le bureau du CSF est présidé par Mme Isabelle Kocher, directrice générale d'Engie, et regroupe des entreprises comme EDF, Total et Schneider Electric. Son périmètre couvre les ENR, les réseaux intelligents, le stockage, et l'efficacité énergétique. Un axe fort des travaux préparatoires du CSF INSE concerne l'amélioration du contenu local des projets développés en France et relevant du périmètre du CSF INSE. Les industriels impliqués se disent prêts s'engager dans ce sens. Sur ce sujet qui couvre des modalités différentes (appels d'offre nationaux visant à installer des capacités de production d'ENR, marchés publics, etc.), il ne peut y avoir une réponse unique. Ainsi, plusieurs pistes sont aujourd'hui explorées. La formalisation des engagements se concrétisera au moment de la signature du contrat de filière qui est prévu fin mars 2019.