15ème législature

Question N° 15717
de M. Bastien Lachaud (La France insoumise - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Titre > Situation des Kurdes de Syrie après le retrait des troupes « étasuniennes »

Question publiée au JO le : 01/01/2019 page : 12341
Réponse publiée au JO le : 16/02/2021 page : 1428
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères au sujet de la situation des populations kurdes de Syrie. En effet, le 19 décembre 2018, Donald Trump a annoncé le retrait unilatéral de la majeure partie du contingent de soldats « étasuniens » présents en Syrie. La quasi-totalité des observateurs considère que cette décision revient à laisser toute latitude à la Turquie de Recep Tayyip Erdogan d'attaquer les forces kurdes stationnées au nord de la Syrie. Or l'appui des forces kurdes a été décisif dans la guerre contre l'organisation dite « État islamique ». L'affaiblissement sensible de cette organisation n'est d'ailleurs pas synonyme d'une entière défaite. Sur le terrain, le conflit demeure intense et la contribution des Peshmergas demeure extrêmement importante. Si elle devait être réduite du fait d'une agression de la Turquie, l'action militaire de la France dans la région serait elle-même affaiblie. Cette éventualité est d'autant plus grande que les troupes turques sont entrées depuis plusieurs mois sur le territoire syrien au mépris du droit international. Il est ainsi très probable qu'Ankara surenchérisse dans l'illégalité et profite du désordre régional pour vouloir « régler » définitivement et par la violence la « question kurde ». En plus du caractère illégal de ces menées, l'alliance de fait, et même l'amitié, qui se sont nouées entre la France et le peuple kurde obligent à assurer sa sécurité. Au mois de mars 2018, interpellé après la chute du bastion kurde d'Afrin, M. le ministre affirmait : « Les préoccupations de frontières de la Turquie ne doivent pas mener à l'implantation militaire que nous constatons. C'est ajouter de la guerre à la guerre ». Depuis cette date? la situation ne s'est guère améliorée pour les amis kurdes de la France et la retenue qui a caractérisé la réaction française aux agissements de la Turquie s'apparente chaque jour davantage à de la lâcheté. C'est pourquoi, il souhaite apprendre de M. le ministre quelles initiatives la France est disposée à prendre afin d'assurer que les forces armées et les populations kurdes de Syrie ne pâtissent pas d'une éventuelle agression turque.

Texte de la réponse

Dans son dernier rapport, la commission d'enquête internationale sur la Syrie a alerté sur la gravité des violations du droit international humanitaire commises dans les régions d'Afrine et de Ras el-Aïn et imputées aux groupes supplétifs pro-turcs. Ces actes pourraient être constitutifs de crimes de guerre. Ce rapport fait état notamment de violations graves ciblant les communautés kurdes et yézidies. Les forces armées turques sont présentes dans ces régions depuis les opérations unilatérales de janvier 2018 et d'octobre 2019. La France a condamné ces violations, comme les opérations turques dans le nord-est syrien. Au conseil des droits de l'Homme des Nations unies, la France a salué ce rapport de la commission d'enquête et marqué la profonde inquiétude que suscitent ses conclusions quant aux agissements des groupes de supplétifs syriens pro-turcs. Les allégations de déplacements forcés de population à des fins d'ingénierie démographique sont particulièrement inquiétantes. La Turquie doit pleinement respecter, et faire respecter aux groupes sous son contrôle, le droit international humanitaire. La France est fermement engagée dans la lutte contre l'impunité des crimes commis par tous les acteurs du conflit syrien. C'est une question de justice, et c'est la condition d'une paix durable. À cet égard, elle soutient les travaux de la commission d'enquête internationale sur la Syrie, établie par le conseil des droits de l'Homme, et ceux du Mécanisme d'enquête international, impartial et indépendant, dont les travaux de collecte de preuves sont indispensables pour préparer de futures poursuites contre les responsables des crimes les plus graves. Les juridictions nationales y contribuent également. Le recrutement par la Turquie de mercenaires syriens envoyés pour combattre sur d'autres théâtres de guerre représente un autre motif de grave préoccupation. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères s'est exprimé plusieurs fois à ce sujet, en particulier sur les conséquences d'une « syrianisation » du conflit libyen, qui a également touché le Haut-Karabagh. Ces recrutements sont inacceptables et ne font qu'alimenter la poursuite et l'internationalisation de ces conflits. Ils modifient la nature de ces conflits et rendent ainsi leur résolution plus complexe. La France a été la première à dénoncer, avec la plus grande fermeté, les risques sécuritaires de long terme que de tels agissements comportent, et à y sensibiliser ses principaux partenaires, notamment européens. Le chaos syrien et l'internationalisation de ce conflit appellent une action résolue en faveur d'un cessez-le-feu national et d'un processus politique crédible, conforme à la résolution 2254 du Conseil de sécurité. La France est pleinement engagée en faveur d'une solution juste et durable à ce conflit, qui protège les droits des Syriens issus des minorités et qui veille à ce que les auteurs des crimes les plus graves ne restent pas impunis.