15ème législature

Question N° 1574
de M. Paul-André Colombani (Non inscrit - Corse-du-Sud )
Question écrite
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > État

Titre > Abrogation du décret de la Convention nationale du 17 juillet 1793 n° 1201

Question publiée au JO le : 03/10/2017 page : 4615
Réponse publiée au JO le : 09/01/2018 page : 155

Texte de la question

M. Paul-André Colombani appelle l'attention de M. le Premier ministre sur le décret de la Convention nationale du 17 juillet 1793 n° 1201 qui déclare Pascal Paoli traître à la République, le met hors de la loi, porte accusation contre plusieurs Corses et ordonne des mesures de sûreté pour ce département. Ce décret, en qualifiant de « traître » celui auquel les Corses ont décerné le titre de père de la patrie et qui fut un homme des Lumières dénonçant les dérives d'un régime montagnard basculant dans la Terreur, constitue une offense à sa mémoire et aux idéaux qu'il incarnait. Ces idéaux de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'Homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités constituent désormais les valeurs communes de l'Union européenne, au sens de l'article 2 du TUE, dans une société caractérisée par le pluralisme. Ces valeurs imposent de ne pas laisser subsister dans l'ordonnancement juridique d'un État membre un acte si calomnieux. Prenant acte de la nécessité de refonder l'Europe énoncée par M. le Président de la République, et dans une logique d'apaisement et de dépassement des conflits du passé qui ont constitué depuis des décennies un préalable indispensable à la construction d'une Europe forte et en paix, il lui demande quelles dispositions celui-ci compte prendre afin de procéder à l'abrogation de ce décret ignominieux. M. le député attire également son attention sur le fait que l'organisation constitutionnelle de la Convention montagnarde correspondait à un régime d'assemblée, dans lequel les pouvoirs législatif et exécutif n'étaient pas clairement distingués et parfois confondus dans la pratique institutionnelle. Étant donné l'intitulé de cet acte juridique, la portée des mesures qu'il édicte et son caractère nominatif, il constitue clairement un acte réglementaire qui ne se rattache aucunement aux catégories explicitement définies du domaine réservé à la loi par l'article 34 de la Constitution de la République française. Il relève donc indubitablement du domaine d'intervention de M. le Premier ministre, détenteur du pouvoir réglementaire de droit commun conformément à l'article 21 de la Constitution en vigueur. Il lui est donc tout à fait loisible de l'abroger et il lui demande sa position sur cette question.

Texte de la réponse

Le Premier ministre a pris note avec intérêt de l'hommage rendu par M. le Député à la mémoire de Pascal Paoli, personnalité marquante de l'histoire de la Corse, homme des Lumières qui avait su s'inspirer des réflexions de Jean-Jacques Rousseau. Le décret de la Convention nationale du 17 juillet 1793 n'est à l'évidence plus en vigueur s'agissant d'une mesure individuelle visant une personne aujourd'hui décédée. Un tel acte doit de surcroît être regardé comme un épisode passé d'une période ô combien complexe de l'histoire de notre pays. Le Gouvernement n'a pas pris d'initiative similaire pour d'autres décisions individuelles ou collectives prises par la Convention nationale. Regarder notre histoire en face, c'est assumer notre passé sans chercher à en modifier les contours a posteriori. Cela n'empêche nullement les historiens, et tous les Français, de former un jugement sur cette période de notre histoire, et sur ceux qui s'y sont illustrés.