Rubrique > transports ferroviaires
Titre > La gare de la Mogère, un grand projet inutile imposé au détriment des usagers ?
Mme Muriel Ressiguier interroge Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, sur le grand projet inutile de la gare de la Mogère à Montpellier. La gare TGV Montpellier-Sud-de-France, appelée aussi gare de la Mogère, a été mise en service le vendredi 7 juillet 2018, malgré les controverses qu'elle suscite depuis plus de 10 ans. Le jour de son ouverture au trafic, des opposants au projet ont « inauguré » l'infrastructure, dont le coût s'est élevé à 135 millions d'euros, par une chorégraphie inspirée du film « Ghostbusters ». Ils entendaient interpeller les pouvoirs publics sur ce que représente vraiment la Mogère : une gare fantôme. La construction de la nouvelle gare a été basée sur un mensonge, celui de la saturation de la gare Saint-Roch. Or les difficultés que connaissait l'infrastructure pour l'accueil des passagers ont été à l'origine des travaux de rénovation achevés en 2014, pour un coût de plus de 57 millions d'euros. L'objectif avoué était de porter à 8,5 millions de personnes sa capacité d'accueil à horizon 2020. Pourquoi dès lors vouloir à tout prix la construction d'une nouvelle gare si les flux de passagers sont déjà maîtrisés ? Lancée sur un terrain en partie inondable, la construction de la gare a par ailleurs fait l'objet d'un partenariat public-privé. Les risques de coût financier pour ce type d'opérations sont élevés; le rapport d'information Sueur-Portelli, fait au nom de la commission des lois du Sénat en 2014, a par exemple dénoncé « une formule a priori séduisante mais souvent fallacieuse pour la personne publique ». Le risque financier, réel, pose en fait la question de la viabilité du projet. Or les doutes sont largement permis dans le cas de la gare de la Mogère, qui est desservie actuellement par 8 trains par jour, alimentant une ligne TGV pour Paris-Gare-de-Lyon (aller-retour), un TGV Ouigo pour Lyon et Marne-la-Vallée et deux Intercités Bordeaux-Marseille (aller-retour). Ainsi, la fréquentation de la Mogère est insignifiante pour une infrastructure d'une telle ampleur, qui n'a pas convaincu les commerçants de venir s'y installer. Aucun guichet d'accueil, aucun distributeur de banque, ni petit commerce ne vient animer ce lieu vide. L'accessibilité de la gare et son interconnexion constituent une autre insuffisance de ce projet. Cette exigence, conforme aux attendus d'une politique ferroviaire moderne, a été notamment pointée par la Cour des comptes dans un rapport public thématique d'octobre 2014. La nécessaire amélioration de la qualité de service du réseau ferré national suppose notamment selon elle : « une meilleure façon de rentabiliser pour les usagers le temps passé dans les transports ». Certes, le fait de détourner le trafic de trains de marchandises du centre-ville était indispensable, mais la construction d'une nouvelle gare ne l'était pas. L'infrastructure n'est pas raccordée au réseau de transports en commun. Celle-ci n'est accessible depuis le centre-ville que par des navettes de bus, pour un temps de trajet entre 30 minutes et une heure suivant l'état de la circulation. En outre, l'avenir de la gare est sujet à de lourdes interrogations. Jacques Rascol, directeur régional de SNCF Mobilités, a annoncé, le 12 décembre 2018, la mise en place de 28 trains pour la gare Saint-Roch et de 24 trains pour la gare Sud-de-France pour l'année 2020. On peut s'interroger sur la pertinence d'une telle stratégie qui, en déshabillant Pierre pour habiller Paul, cherche la rentabilité de la nouvelle gare à tout prix, en affaiblissant la desserte de la gare Saint-Roch. Or cette dernière est située en plein centre-ville de Montpellier et est desservie par de nombreuses lignes de bus et le tramway. Enfin, les défenseurs du projet mettent en lumière le raccordement de la gare de la Mogère à la future ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan-Barcelone, pour augmenter, à terme, le nombre de trains desservant la gare. Il faut rappeler cependant que la construction de cet axe ferroviaire a fait l'objet de nombreux reports. Dans un rapport du président du Conseil d'orientation des infrastructures, Philippe Duron, remis à la ministre des transports en février 2018, le scénario le plus optimiste évoque un début des travaux au plus tôt entre 2028 et 2030, au plus tard en 2038 ! Elle indique à Mme la ministre que celle-ci, ni aucun autre élu responsable de ce fiasco n'a souhaité inaugurer officiellement la gare de la Mogère. En définitive, elle lui demande si cela constituerait la preuve de sa prise conscience que cette gare n'est en réalité qu'un projet dispendieux et inutile.