15ème législature

Question N° 15945
de M. Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > agriculture

Titre > Importation de soja américain sur le territoire de l'Union européenne

Question publiée au JO le : 22/01/2019 page : 516
Réponse publiée au JO le : 05/03/2019 page : 2097

Texte de la question

M. Jean-Luc Mélenchon appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur au sujet des importations de l'Union européenne de soja des États-Unis. Le mardi 8 janvier 2019, la commissaire européenne au commerce, Mme Cecilia Malmström, rencontrait son homologue américain M. Robert Lightizer dans le cadre de négociations commerciales entre l'Union européenne et les États-Unis. Au préalable de cette réunion, Mme Malmström s'est félicitée publiquement de l'explosion des importations de soja américain dans l'Union européenne. Celles-ci ont augmenté de 112 % au cours des six derniers mois de l'année 2018. Si bien que la part de marché des États-Unis sur le soja en Europe atteint 75 %. Cela fait suite à la signature d'un accord entre le gouvernement américain et la commission européenne en juillet 2018. Mais ce bond dans les importations de soja américain est de plusieurs points de vue une bien mauvaise nouvelle. Il contribue à encourager, de l'autre côté de l'atlantique, des monocultures industrielles dont le rôle est majeur dans l'effondrement mondial de la biodiversité. En Europe, la politique agricole commune impose d'ailleurs aux producteurs de grains la présence d'un minimum de trois espèces de cultures arables annuelles différentes. Par ailleurs, une très large majorité du soja américain importé en Europe, jusqu'à 95 % selon la Coordination rurale, est composée de variétés OGM, interdites à la culture dans l'Union européenne. Ce soja, rendu résistant au glyphosate par une manipulation génétique est aspergé de ce produit dangereux pour la santé humaine dans des proportions et avec des méthodes qui sont interdites sur le territoire européen. L'accord sur le soja entre les États-Unis et l'Union européenne met donc en danger la santé des consommateurs européens. Il est par ailleurs préjudiciable aux paysans européens car il les expose à une concurrence déloyale, fondée sur la faiblesse des règles environnementales outre atlantique. Malgré tous ces problèmes, la commission européenne a annoncé vouloir aller plus loin. Elle a en effet lancé une procédure pour autoriser l'utilisation du soja d'importation américaine pour la production d'agro-carburants. Cela revient à promouvoir une production qui est une catastrophe écologique qui contribue largement à la déforestation. D'après l'ONG Transport et Environnement, le carburant à base de soja serait responsable du double d'émissions de gaz à effet de serre par rapport au diesel classique. Avancer dans cette voie, c'est donc abandonner tous les objectifs de réductions des émissions des pays européens résultant d'engagements internationaux. Le laxisme de la Commission européenne vis-à-vis du soja américain n'est guidé que par la crainte de voir les États-Unis imposer des droits de douanes contre l'industrie automobile, notamment allemande. La France ne doit pas soutenir ni accepter la mise en danger des consommateurs et de la planète au nom des négociations commerciales avec les États-Unis. Par conséquent, il aimerait connaître la position du Gouvernement français sur les déclarations de la Commission européenne et les mesures qu'il peut prendre pour empêcher l'entrée sur le territoire de soja américain.

Texte de la réponse

Les récents échanges entre Mme Cecilia Malmström et M. Robert Lightizer font suite à la déclaration commune des présidents Jean-Claude Juncker et Donald Trump du 25 juillet 2018 sur une feuille de route, pour renforcer les relations commerciales bilatérales, en vue de désamorcer l'escalade des tensions commerciales entre l'Union européenne (UE) et les États-Unis. Cette feuille de route ne couvre pas l'agriculture. Le Président de la République l'a d'ailleurs rappelé dès le 26 juillet 2018, en insistant sur le caractère « essentiel » du respect des standards européens en matière environnementale, sanitaire et alimentaire : « nos engagements environnementaux, sanitaires et d'alimentation ne sauraient souffrir aucun compromis à l'égard de quelque ambition commerciale que ce soit ». L'augmentation des importations de soja américain résulte d'une situation de marché inhérente aux tensions commerciales actuelles entre la Chine et les États-Unis, le cours du soja américain atteignant son plus bas historique alors que celui du Brésil continue de croître avec la demande chinoise. Cette référence au marché du soja par la Commission européenne ne remet pas en cause le dispositif européen relatif à la santé des consommateurs et à la protection de l'environnement. Les importations de soja dans l'UE destinées à l'alimentation doivent respecter les limites maximales de résidus définies par la règlementation européenne, sur la base d'un avis de l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Les organismes génétiquement modifiés (OGM) ou produits dérivés d'OGM, destinés à l'alimentation humaine ou animale, doivent également, pour pouvoir être mis sur le marché dans l'UE, faire l'objet d'une autorisation au titre du règlement (CE) n° 1829/2003. De même, l'autorisation d'utilisation des graines de soja d'importation américaine pour la production d'agro-carburants s'inscrit dans le cadre réglementaire européen d'examen du respect des exigences techniques applicables aux biocarburants dans l'UE. Au-delà de la réglementation européenne, la France a adopté en 2018 un plan biodiversité et veille à ce que soient pleinement pris en compte et développés, dans les accords commerciaux de l'UE, les modes de production européens favorables à la biodiversité, afin d'éviter des distorsions économiques pour les producteurs vertueux et encourager l'amélioration des pratiques des filières. Le Gouvernement français attache par ailleurs une grande importance à la prochaine élaboration du plan protéines français, pour laquelle une concertation a été lancée le 11 février dans la perspective d'aboutir à une stratégie nationale. La France porte cette ambition auprès des États membres et a présenté au Conseil des ministres de l'UE du 28 janvier 2019 une déclaration sur la nécessité d'un plan d'action européen sur les protéines.