Coût de gestion des déchets radioactifs
Question de :
Mme Émilie Cariou
Meuse (2e circonscription) - La République en Marche
Mme Émilie Cariou interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire sur les coûts des différentes pistes de gestion des déchets radioactifs de long terme énoncées à l'article 4 de la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs et confirmé par la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs. L'article 3 de la loi de 2006 dispose ainsi que la gestion des déchets radioactifs à vie longue de haute ou de moyenne activité, les recherches et études relatives à ces déchets sont poursuivies selon les trois axes complémentaires suivants : la séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue, le stockage réversible en couche géologique profonde et l'entreposage. Afin d'éclairer le Parlement dans son rôle, il est nécessaire que ce dernier ait toutes les informations à disposition, et notamment celles financières, pour orienter les choix scientifiques qui engagent collectivement tout un pays. Sur le sujet essentiel du nucléaire, les perspectives temporelles et l'étendue des sommes en jeu doivent mobiliser le législateur financier pour impulser l'obligation de transparence de la puissance publique. L'article 135 de la loi de finances pour 2016 a imposé un rapport sur le financement des commissions locales d'information nucléaire et l'article 90 de la loi de finances pour 2015 a prescrit un rapport sur le financement et le statut de l'Autorité de sécurité nucléaire. Elle lui demande si en 2019, et avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2020, pourront être transmises l'ensemble des données utiles à l'évaluation économique et financière de la gestion de ces déchets radioactifs à vie longue de haute ou de moyenne activité, ceci pour donner toute son application à la loi de 2006 précitée et sans qu'il soit ainsi besoin d'imposer à nouveau la production transparente de ces éléments, par amendement intégré en loi de finances.
Réponse publiée le 25 février 2020
La loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs complète la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs dite « loi Bataille ». Elle instaure un plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), qui doit être établi et mis à jour tous les trois ans par le Gouvernement. Le plan comporte « une estimation des coûts de la gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs, assortie d'un calendrier et mentionnant les hypothèses selon lesquelles cette estimation a été établie. Il précise les mécanismes de financement en vigueur. » (art. L. 542-1-2 du code de l'environnement). La révision du PNGMDR est en cours et la prochaine édition du plan sera notamment l'occasion de renforcer la transparence sur ces questions financières. La loi de 2006 précise enfin que, à chaque mise à jour, le PNGMDR est transmis au Parlement, qui en saisit pour évaluation l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, et est rendu public. Un programme de recherches instauré par la « loi Bataille » a mobilisé des ressources financières importantes sur la période de 1992 à 2004. Ces ressources se sont élevées au total à 2,49 milliards d'euros et se sont réparties de la manière suivante : - 32,5 % du total de l'investissement, soit 0,81 milliard d'euros sur l'axe dédié à la séparation et la transmutation, pour des recherches effectuées principalement par le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ; - 40,5 % du total de l'investissement, soit 1 milliard d'euros dédié au stockage en couche géologique profonde, pour des recherches menées par l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), avec le concours d'autres organismes de la communauté scientifique française ; - 27 % du total de l'investissement, soit 0,67 milliard d'euros sur l'axe dédié au conditionnement et à l'entreposage de longue durée, recherches effectuées principalement par le CEA. Sur la base des résultats de ce programme de recherche, notamment, le législateur a fait le choix, en 2006, du stockage géologique profond comme solution de référence. Le coût de cette solution de stockage a été arrêté à 25 millions d'euros par le ministre en charge de l'énergie, sur la base d'une proposition réalisée par l'Andra, des observations des producteurs de déchets radioactifs et de l'avis de l'autorité de sûreté nucléaire (ASN). Les documents relatifs au coût de Cigéo sont consultables sur le site du Ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/demantelement-et-gestion-des-dechets-radioactifs#e3. Ce coût a vocation à être réévalué aux grandes étapes du projet et prochainement au moment du dépôt de la demande d'autorisation de création du projet prévue courant 2020. En complément de ce nouvel exercice de chiffrage mené actuellement par l'Andra en lien avec les producteurs, l'évaluation du coût du centre de stockage géologique (Cigéo) sera accompagnée de l'évaluation du coût du stockage des déchets de l'inventaire de réserve, actuellement non prévus pour être stockés dans Cigéo. Dans la mesure où les solutions alternatives n'ont pas été retenues par la loi, il n'existe pas de chiffrages dédiés. En tout état de cause, les recherches menées à ce stade conduisent à penser qu'une solution de transmutation ne peut en elle-même se substituer en totalité au stockage. En effet, à ce jour, il n'existe pas de solution de traitement applicable à l'ensemble des déchets de haute activité à vie longue qui permettrait de s'exonérer du stockage. La commission particulière du débat public conclut d'ailleurs sur les alternatives à Cigéo dans le cadre de l'exercice de clarification des controverses qu'elle a mené que « la recherche récente, malgré des progrès incontestables, a confirmé la difficulté d'une stratégie de transmutation lourde, et ce même avec un objectif plus modeste de réduction de l'emprise du stockage et non de substitution. Diverses solutions de transmutation, reposant sur de nouveaux types de réacteurs, continuent d'être explorées, mais sans perspective d'application industrielle à court ou moyen terme ». En ce qui concerne l'entreposage, des références de coûts peuvent être tirées du rapport de la Cour des comptes relatif à l'aval du cycle du combustible nucléaire. La Cour précise notamment que les projections de coûts d'entreposage et de stockage, hors stockage des déchets en couche géologique profonde, ont représenté 255 millions d'euros entre 2014 et 2017, et pourraient s'élever à près de 1,4 million d'euros (dont plus de 90 % pour l'entreposage) entre 2018 et 2030. À ces coûts s'ajouteraient les coûts de reconditionnement des déchets si un entreposage de longue durée était envisagé. À titre comparatif, la Cour des comptes précise que le montant total des opérations de reconditionnement et d'entreposage des déchets radioactifs dits « anciens » (dont certains datent de plus de 50 ans) s'élève, pour le CEA, EDF et Orano, à 7,8 millions d'euros au 31 décembre 2017. En termes de sécurisation de ces coûts de gestion, l'article 20 de la loi du 28 juin 2006, codifié aux articles L. 594-1 et suivants du code de l'environnement, prescrit aux exploitants d'installations nucléaires de base la constitution de provisions pour financer la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs. Dans le cadre de ce dispositif, les exploitants nucléaires doivent évaluer de manière prudente les charges de démantèlement de leurs installations et de gestion des combustibles usés et déchets radioactifs qu'elles produisent (appelées charges de long terme) et constituer les provisions afférentes dans leurs comptes. Conformément à ces différentes dispositions, le montant des charges brutes qui revient aux trois producteurs de déchets (EDF, Orano et CEA) s'élève à ce jour à près de 73 milliards d'euros pour la gestion des combustibles usés et la gestion à long terme de l'ensemble des déchets radioactifs, et à environ 47 milliards d'euros au titre des démantèlements. Ces charges prennent en compte l'objectif de coût de 25 milliards d'euros du projet Cigéo, aux conditions économiques du 31 décembre 2011, fixé par l'arrêté du 15 janvier 2016 relatif au coût afférent à la mise en œuvre des solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue (données publiques présentées dans la dernière édition du PNGMDR).
Auteur : Mme Émilie Cariou
Type de question : Question écrite
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire
Dates :
Question publiée le 29 janvier 2019
Réponse publiée le 25 février 2020