Rubrique > politique extérieure
Titre > Dissuasion nucléaire dans le traité franco-allemand
M. Bastien Lachaud interroge Mme la ministre des armées sur la place de la dissuasion nucléaire française dans le traité entre la République française et la République Fédérale d'Allemagne sur la coopération et l'intégration franco-allemandes. Le texte du traité signé le 22 janvier 2019 à Aix-La-Chapelle peut en effet susciter des interrogations légitimes quant à l'impact que la « coopération » renforcée en matière de sécurité et défense, définie à l'article 4, pourrait avoir sur la dissuasion nucléaire française. En vertu de l'article 4-1, la France et l'Allemagne se lient par une clause de défense mutuelle, qui vient redoubler les dispositions similaires prévues par les traités multilatéraux dans lesquels les deux pays sont déjà engagés (article 5 du traité de l'Atlantique Nord du 4 avril 1949 ; article 42-7, du traité sur l'Union européenne du 7 février 1992, modifié par le traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne). La formulation employée, le texte spécifie que la France et l'Allemagne « se prêtent aide et assistance par tous les moyens dont ils disposent, y compris la force armée, en cas d'agression armée contre leurs territoires » comporte cependant une certaine ambigüité quant au statut de la dissuasion nucléaire, que la presse n'a pas manqué de relever. Si les « intérêts vitaux » des deux nations, formule qui renvoie d'usage à la dissuasion nucléaire, ne sont pas évoqués, des sources françaises auraient déclaré de façon officieuse à la presse que l'expression « tous les moyens dont ils disposent » inclut « évidemment » la dissuasion nucléaire. Un tel flou ne peut que faire question. Il fait par ailleurs d'autant plus question que les dispositions de l'Allemagne quant à la dissuasion nucléaire semblent avoir évolué au cours des dernières années, passant du tabou à l'intérêt. A l'heure où les atermoiements des États-Unis peuvent paraître remettre en cause le cadre otanien et la garantie que le « parapluie nucléaire » de Washington représentait historiquement pour Berlin, de nombreuses voix se sont faites entendre outre-Rhin pour plaider en faveur de l'intégration de la dissuasion nucléaire à la stratégie de défense allemande - près de deux cents articles sont parus à ce sujet dans la presse allemande au cours des deux dernières années. Cependant, dès lors que l'opinion allemande se montre réticente à une augmentation des dépenses militaires, et que l'Allemagne a ratifié le traité de non-prolifération signé en 1968, l'acquisition de la dissuasion nucléaire par l'Allemagne ne pourrait se faire, de façon réaliste, que dans un cadre franco-allemand et européen. Et de fait, des signaux ont été envoyés dans ce sens. En 2017, un député appartenant à la majorité gouvernementale au parlement fédéral allemand a ainsi demandé une étude juridique sur la possibilité pour l'Allemagne de financer des armes nucléaires étrangères, qui s'est soldée par une réponse positive. Les intentions exactes du gouvernement allemand sur cette question, et la portée qu'il entend donner à la clause de défense mutuelle incluse dans le traité signé le 22 janvier 2019, n'ont à ce jour fait l'objet d'aucune explicitation. Les implications d'une introduction de la dissuasion nucléaire dans le cadre de la coopération militaire franco-allemande seraient naturellement considérables, les choix technologiques, le contrôle des armes, la chaine de commandement, se trouvant potentiellement mises en question. De tels enjeux ne peuvent demeurer l'objet de non-dits ou de suppositions. C'est pourquoi il souhaite apprendre de Mme la ministre la portée exacte de la clause de défense mutuelle contenue dans le traité franco-allemand signé le 22 janvier 2019, et l'effet de cette clause sur la dissuasion nucléaire française.