Prise en compte des évolutions démographiques dans les critères de la loi SRU
Question de :
Mme Jennifer De Temmerman
Nord (15e circonscription) - La République en Marche
Mme Jennifer De Temmerman appelle l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur les conditions d'application de l'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, s'agissant de communes soumises à de fréquentes évolutions démographiques. La loi « SRU », prévoit dans son article 55 l'obligation pour certaines communes de disposer d'un taux minimum de logements sociaux, selon des critères définis par le code de la construction et de l'habitation (CCH). Toutefois, cet article n'apporte aucune précision sur le sort des communes de plus de 3 500 habitants qui, au gré de la fluctuation de la population au sein de l'agglomération à laquelle elles appartiennent, se voient assujetties, ou non, en fonction des recensements annuels, à la loi SRU. Il a été rapporté à Mme la députée que, consécutivement à la sortie de communes du périmètre fixé à l'article 55, certains préfets y autoriseraient la vente de logements locatifs sociaux, sans prendre en compte l'éventualité que les communes concernées soient à nouveau soumises à la loi à très court terme. C'est le cas notamment de la commune d'Avesnes-les-Aubert, dans le Nord, qui d'un côté est appelée par la préfecture à maintenir ses efforts en termes de programmation de logements locatifs sociaux (en vue d'un re-basculement du nombre d'habitants de la commune voisine de Caudry à 15 000), et de l'autre assiste impuissamment à la vente d'un de ses logements sociaux car elle ne rentre plus dans le périmètre de la loi SRU depuis 2018. L'imprécision de l'article 55 sur les effets des fluctuations de population ajoutée à la contradiction des directives préfectorales cristallisent la frustration et la colère des maires qui, avec des moyens souvent limités, s'efforcent de concilier les obligations légales avec les attentes des habitants. Pour ces raisons, elle souhaiterait connaître les moyens mis en place par Mme la ministre pour remédier au cas des communes qui, en matière de logements locatifs sociaux, sont dépendantes des évolutions démographiques fréquentes d'une commune avoisinante.
Réponse publiée le 21 mai 2019
Ainsi qu'il l'a rappelé tout au long de la discussion parlementaire préalable à la promulgation de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan), le Gouvernement considère que le dispositif relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) est équilibré, s'agissant de son périmètre d'application et du niveau des obligations assignées aux communes en matière de logement social (20 ou 25 % des résidences principales), obligations qui sont indispensables pour pouvoir mieux répondre aux besoins des ménages modestes qui s'expriment sur les territoires, et accroître la mixité sociale dans notre pays. Comme tout dispositif de ce type, le mécanisme SRU s'applique sur un périmètre de territoires homogènes et élargis, définis par des seuils de population. Il serait en effet inopportun d'exiger un effort de production d'une offre de logement social à hauteur du quart des résidences principales, dans des communes de très petite taille, notamment rurales, où les bailleurs ne sauraient, ni ne pourraient intervenir à des coûts de gestion raisonnables, et où plus fondamentalement, les besoins ne seraient pas forcément avérés. C'est en ce sens que le dispositif ne s'applique que dans les communes de plus de 3 500 habitants (1 500 habitants dans l'unité urbaine de Paris) comprises dans les agglomérations et/ou les intercommunalités de plus de 50 000 habitants comprenant une commune de plus de 15 000 habitants au moins. Le seuil d'application communal francilien a par ailleurs été relevé dans la loi Elan, de 1 500 habitants à 3 500 habitants hors de l'unité urbaine de Paris. Il en résulte que des communes peuvent se trouver soumises au dispositif SRU au gré des fluctuations des populations municipales et/ou intercommunales, et des évolutions des périmètres communaux et/ou intercommunaux, ceci depuis l'origine de la loi SRU. Cela pourrait être en particulier le cas de la commune d'Avesnes-les-Aubert dans le département du Nord, laquelle commune est comprise dans la communauté d'agglomération du Caudrésis-Catésis, dont la ville-centre, Caudry, oscille autour de 15 000 habitants. Le constat sur le territoire de cet établissement public de coopération intercommunale (EPCI) est de deux à trois demandes de logement social non satisfaites pour une attribution, ce qui traduit un certain degré de tension, et justifie un effort de production de logements sociaux. Les lois portant nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015 (NOTRe), relative à l'égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017, et plus récemment Elan, ont permis de mieux prendre en compte la situation des communes et des territoires ainsi « en limite » d'application SRU. Tout d'abord, pour les communes rurales en territoires détendus s'agissant de la demande de logements sociaux, ou éloignées par les transports en commun des bassins d'activités et d'emplois, et ainsi peu attractives pour les bailleurs et les ménages modestes pas toujours motorisés, le mécanisme SRU permet une exemption par décret pris tous les trois ans. Ainsi le Gouvernement a-t-il exempté des obligations SRU pour 2018 et 2019 (par décret n° 2017-1810 du 28 décembre 2017), 274 communes, soit près de quatre fois plus que dans le dispositif antérieur, dont précisément la commune d'Avesnes-les-Aubert. Un prochain décret d'exemption SRU pour la période 2020-2022 sera pris à la fin de l'année 2019, sur proposition des intercommunalités, et à situation inchangée, il est probable que la commune d'Avesnes-les-Aubert puisse être à nouveau intégrée au périmètre de l'exemption, si la communauté d'agglomération du Caudrésis-Catésis le demande. Ensuite, pour les communes ne rentrant pas dans les critères d'éligibilité à l'exemption et sur lesquelles une certaine tension sur la demande s'exprime et où il est possible de développer une offre de logement social, dès lors qu'une de ces communes est nouvellement entrante et soumise à obligation de rattrapage, le dispositif a été adapté par la loi ELAN (article 132). Les communes nouvellement entrantes disposent désormais, quelle que soit la raison de leur entrée dans le mécanisme, à la fois d'un délai de trois ans sur le prélèvement à percevoir et, par dérogation à l'échéance de 2025 fixée par la loi de 2013 précitée, de cinq périodes triennales pleines pour se mettre en conformité avec le taux légal de logement social. Ces dispositions conjuguées doivent permettre de ne pas provoquer une entrée brutale des communes potentiellement concernées par le dispositif SRU, au gré des évolutions démographiques communales ou intercommunales, et de lisser dans le temps les conséquences, notamment financières, des obligations imposées. Le Gouvernement n'entend donc pas revenir sur les conditions d'application d'un dispositif SRU qu'il considère comme équilibré, protecteur des communes, et conforme aux attentes de nos concitoyens.
Auteur : Mme Jennifer De Temmerman
Type de question : Question écrite
Rubrique : Communes
Ministère interrogé : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Ministère répondant : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Dates :
Question publiée le 12 février 2019
Réponse publiée le 21 mai 2019