15ème législature

Question N° 16787
de M. François-Michel Lambert (Libertés et Territoires - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > entreprises

Titre > Destruction de produits neufs

Question publiée au JO le : 12/02/2019 page : 1258
Réponse publiée au JO le : 16/04/2019 page : 3711
Date de changement d'attribution: 12/03/2019

Texte de la question

M. François-Michel Lambert alerte M. le ministre de l'économie et des finances sur les politiques de destruction des produits neufs par les entreprises, dont l'exemple médiatique d'Amazon est révélateur. À l'occasion de la diffusion du magazine d'information « Capital », dimanche 13 janvier 2019, les Français ont appris la manière dont Amazon gérait le traitement de ses marchandises, en particulier lorsque celles-ci ne s'étaient pas vendues. Près de 300 000 objets neufs ont été jetés en trois mois dans son entrepôt de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire). Au niveau national, cela représenterait 3,2 millions d'objets manufacturés neufs jetés en 2018, selon les estimations d'élus CGT. Par conséquent, il est donné d'assister à la destruction considérable et foncièrement injustifiée de produits neufs, dont le fonctionnement ne fait nullement défaut. Cette politique de destruction de produits neufs s'appuie sur des règles comptables qui permettent de défalquer une part de la valeur de ces produits neufs des comptes de résultats de l'entreprise. À ce titre, le besoin en fonds de roulement (BFR) se calcule par la somme du stock et des créances en déduction de la dette. La destruction du stock entraîne par conséquent une baisse du BFR et donc une amélioration de la trésorerie, et ce indépendamment de l'incongruité de la destruction de produits neufs. Ainsi, ce n'est pas Amazon le seul responsable, c'est bien l'ensemble des entreprises qui orientent leur politique en la matière, davantage vers l'intérêt des actionnaires et du rendement financier, que vers un intérêt collectif. Pourtant certaines entreprises ont fait le choix de donner leurs produits à des associations, comme l'Agence du don en nature. Dans le cadre de la loi PACTE, l'ambition du Gouvernement est d'introduire, notamment dans le droit, la notion d'intérêt social de l'entreprise. Dans le rapport prélude à cette loi (présenté par Mme Nicole Notat et M. Jean-Dominique Sénard) l'idée de comptabilité plus large a été présentée. Ainsi, certaines méthodes de comptabilité extra-financière valorisent plutôt le coût des actions mises en œuvre pour éviter les déchets. Ces coûts sont donc considérés, dans la méthode de comptabilité extra-financière, comme des coûts de maintien d'un bon capital naturel et comptabilisés comme tels. Par ailleurs, la méthode de comptabilité des flux matières (MFCA en anglais material flow cost accounting) permet de mettre en évidence le coût complet des déchets et des pertes matières. Cette méthode est reprise dans la norme ISO 14 051. Il lui demande par conséquent, comment il entend contrer ce type de pratiques de destruction fondé sur des règles comptables qui ne sont plus en cohérence avec les attentes de la société d'aujourd'hui, ni la volonté affichée du Gouvernement.

Texte de la réponse

Le Gouvernement a présenté en avril 2018 la feuille de route pour une économie 100 % circulaire (FREC). Le modèle économique classique, linéaire, consistant à « fabriquer, consommer, jeter », entraîne en effet un épuisement irrémédiable des ressources de la planète. Il convient donc de le faire évoluer, ce qui est l'enjeu de cette feuille de route. Un axe important de la FREC vise à collecter et recycler les produits mis sur le marché et également à lutter contre le gaspillage. Pour les produits en fin de vie, des mesures ont ainsi été prévues, comme par exemple la sensibilisation des acteurs du réemploi et de la réparation pour faciliter le recours par un particulier à leurs services plutôt que de jeter un bien. Plus spécifiquement sur la question posée qui concerne les fabricants, metteurs sur le marché et distributeurs, la mesure 15 de la FREC qui vise le secteur textile indique « faire valoir […] pour la filière textile les grands principes de la lutte contre le gaspillage alimentaire afin de s'assurer que les invendus ne soient ni jetés, ni éliminés ». Cette mesure devrait être reprise et précisée dans le sens d'une interdiction de destruction ou de mise au rebut de produits neufs ou invendus dans le projet de loi relatif à l'économie circulaire en cours d'élaboration. En outre, le Gouvernement devrait étendre cette mesure au-delà du secteur textile. En accompagnement de ces mesures, les règles et process de comptabilité devront être adaptés afin qu'il soit effectivement moins avantageux sur le plan comptable (et fiscal) de détruire ou mettre au rebut plutôt que de réemployer ou donner des produits invendus.Un des leviers réside dans la réglementation sur la responsabilité élargie des producteurs (REP), dont le renforcement permettra d'inciter réellement à des pratiques plus vertueuses au sein des entreprise en luttant contre toute forme de gaspillage et en limitant les déchets. Le MTES est tout particulièrement mobilisé sur ce sujet. Il travaille à l'établissement et à la diffusion de ces nouvelles règles et pratiques en accompagnement des acteurs et des entreprises pour une meilleure prise en compte des questions de production et de consommation plus responsables et sans gaspillage dans leur stratégie responsabilité sociale des entreprises (RSE).