15ème législature

Question N° 17118
de Mme Marietta Karamanli (Socialistes et apparentés - Sarthe )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > police

Titre > Avantage spécifique d'ancienneté (ASA) - Police

Question publiée au JO le : 19/02/2019 page : 1515
Réponse publiée au JO le : 16/06/2020 page : 4217

Texte de la question

Mme Marietta Karamanli attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conditions d'application de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) créé par la loi 91-775 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, au bénéfice des fonctionnaires exerçant dans les quartiers difficiles. Cet avantage correspond à une bonification d'ancienneté d'un mois pour chacune des trois premières années d'affectation continue dans le service éligible puis de deux mois par année supplémentaire d'affectation continue. Un arrêté interministériel du 17 janvier 2001 est venu fixer la liste des secteurs éligibles à l'avantage spécifique d'ancienneté. Il a déterminé que seules les circonscriptions de police relevant des secrétariats généraux pour l'administration de la police (SGAP) de Paris et de Versailles en bénéficient. Le Conseil d'État saisi sur la régularité de l'arrêté a estimé (CE 16 mars 2011) que la détermination limitée au SGAP de Paris et de Versailles constituait une erreur de droit car ne prenant pas en compte la réalité du terrain telle qu'affirmée par la loi. Depuis, cet avantage a été ouvert uniquement aux fonctionnaires affectés dans 161 circonscriptions de sécurité publique (CSP) (métropole et outre-mer) précisées par un arrêté du 3 décembre 2015 à partir de quatre critères : taux de délinquance-effectifs ; taux de violences crapuleuses-effectifs ; taux d'outrages et rébellions-effectifs ; taux de violences urbaines-effectifs. Le nouvel arrêté n'est pas rétroactif. Il en résulte des différences de traitement parfois incohérentes avec la réalité de terrain ; les services d'Île-de-France et de province dont les effectifs ne relèvent pas d'une circonscription, même à compétence territoriale sont écartés ; de nombreux fonctionnaires exerçant dans des secteurs touchés par des problèmes sociaux et de sécurité ne bénéficient pas de cet avantage ; enfin le critère des effectifs est remis en cause car parfois déconnecté de la délinquance constatée. Elle souhaite connaître d'une part, la façon dont après l'annulation du premier arrêté la carrière des agents va être reconstituée en ne les privant pas des droits acquis, d'autre part, comment la loi de 1991 pourrait être améliorée pour permettre une extension de l'avantage en tenant compte non seulement d'une affectation mais aussi d'un exercice dans les zones difficiles, enfin comment les textes d'application pourraient concerner l'ensemble des agents dès lors que leurs missions sont effectivement exercées dans un territoires sensible. À un moment où les forces de police sont sollicitées et où le lien avec les citoyens est à conforter, la validation de cet avantage de façon objective serait de nature à traduire la reconnaissance souhaitable.

Texte de la réponse

L'avantage spécifique d'ancienneté (ASA), institué par l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, est un dispositif interministériel qui se traduit par l'attribution d'une bonification d'ancienneté à certains agents de l'Etat affectés dans « un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles ». Conformément au décret du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles, ces quartiers doivent correspondre, pour les fonctionnaires de police, « à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ». Un premier zonage, défini par arrêté du 17 janvier 2001, réservait cet avantage aux seuls fonctionnaires de police en fonction dans le ressort territorial des anciens secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris et de Versailles. Cette rédaction excluait les fonctionnaires affectés en dehors de l'Ile-de-France, ce que le Conseil d'Etat a jugé illégal en l'absence d'examen de la situation concrète des zones d'affectation des agents (Conseil d'Etat, 16 mars 2011, n° 327428, Leducq). Sur la base de cette jurisprudence, plus de 25 000 agents affectés en dehors de l'Ile-de-France ont engagé des recours contentieux qui ont abouti, principalement à compter du premier semestre 2015, à la condamnation de l'Etat à réexaminer leur situation. En parallèle, un second arrêt du Conseil d'Etat a obligé l'Etat à abroger les dispositions litigieuses (Conseil d'Etat, 20 novembre 2012, n° 37912, 377146, 379735, 380784). Par suite, le ministère de l'intérieur a pris des mesures visant, d'une part, à mettre en conformité le dispositif de l'ASA et, d'autre part, à régulariser la situation de l'ensemble des agents qui en avaient été illégalement privés par le passé. Un arrêté du 3 décembre 2015 a ainsi fixé une liste de 161 circonscriptions de police identifiées sur la base d'éléments statistiques consolidés relatifs à la délinquance locale. Il ouvre l'avantage aux 36 000 fonctionnaires - dont 17 000 en dehors de l'Ile-de-France - affectés dans les services désignés, qui assurent des missions de sécurité publique en relation directe avec les quartiers visés. Aucune extension aux fonctionnaires amenés à exercer une partie de leurs missions dans ces mêmes quartiers, sans y être affectés, pour légitime qu'elle soit, n'est toutefois légalement envisageable dans le cadre actuel de l'ASA (Conseil d'Etat, 6 juillet 2018, n° 415948). En second lieu, une directive du 9 mars 2016 établit une seconde liste de circonscriptions de sécurité publique (CSP) pouvant être considérées comme particulièrement difficiles entre 1995 et 2015, au vu des statistiques de la délinquance de l'ensemble de la période. Cette directive garantit aux agents qui y ont été affectés qu'ils bénéficieront d'une reconstitution de carrière, même en l'absence de demande de leur part. Ils seront reclassés à l'échelon auquel le bénéfice de l'ASA leur donne droit. Cette opération permet d'identifier les périodes au cours desquelles l'agent n'a pas bénéficié d'un avancement d'échelon auquel il aurait pu accéder plus tôt, les traitements non versés constituant alors des créances que l'agent possède sur l'Etat. Le paiement de ces créances est régi par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, qui prévoit la prescription des créances de l'Etat « qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ». Il est de jurisprudence constante que les créances de rémunération des agents publics résultent du service fait, conformément à l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, même en cas de faute de l'administration. Les agents privés de tout ou partie de leur rémunération disposent donc d'un délai de quatre ans, à compter du 1er janvier de l'année suivant la réalisation du service, pour demander le paiement d'une créance de rémunération. D'ores et déjà, le Conseil d'Etat a rappelé que la prescription s'appliquait au contentieux de l'ASA et les juridictions administratives font pleine application de ces dispositions et de la jurisprudence et rejettent les recours tendant à l'annulation des décisions opposant la prescription quadriennale. En revanche, le Gouvernement considère que la publication de la directive du 9 mars 2016 a interrompu la prescription quadriennale pour l'ensemble des créances non prescrites à cette date, permettant ainsi de préserver les droits des agents illégalement privés de l'ASA par le passé, dans les conditions fixées par la loi. Le ministère de l'intérieur est ainsi engagé dans une opération de régularisation massive mobilisant d'importants moyens humains, techniques et financiers. Ce travail a permis de réexaminer à ce jour plus de 10 000 dossiers et le paiement de plus de 14 M€ au titre des rappels en 2017 et 2018. Près de 40 M€ d'euros supplémentaires sont d'ores et déjà prévus pour les années 2019 à 2022. Un logiciel dédié sera développé dans les mois à venir pour faciliter les opérations complexes de reconstitution de carrière. Le Gouvernement souhaite ainsi réaffirmer sa volonté de régulariser d'ici 2023 la situation de l'ensemble des fonctionnaires de police qui ont effectivement assuré leurs missions dans les circonscriptions les plus difficiles du territoire avant 2015. S'agissant des zones retenues, il peut être rappelé que, pour identifier les secteurs éligibles, correspondant conformément au décret du 21 mars 1995 précité « à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de celles-ci », le ministère de l'intérieur a établi une méthodologie statistique basée sur quatre indicateurs liés à l'activité des services et à la délinquance pour les années 2012, 2013 et 2014. L'ensemble des CSP dont les indicateurs se sont révélés supérieurs à la moyenne nationale ont ainsi été retenues dans un nouvel arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des circonscriptions de police éligibles. Ainsi que l'a reconnu le Conseil d'État, le choix des CSP retenues s'est fondé sur des critères objectifs, rationnels et cohérents, que l'inscription non justifiée de CSP supplémentaires compromettrait.