15ème législature

Question N° 17325
de M. Patrick Hetzel (Les Républicains - Bas-Rhin )
Question écrite
Ministère interrogé > Action et comptes publics
Ministère attributaire > Action et comptes publics

Rubrique > impôts et taxes

Titre > Fiscalité du démembrement de propriété

Question publiée au JO le : 26/02/2019 page : 1786
Réponse publiée au JO le : 25/06/2019 page : 5822

Texte de la question

M. Patrick Hetzel interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics sur la situation fiscale des donations en démembrement de propriété. À l'heure où l'on parle beaucoup de la réforme des droits de succession, une disposition de la loi de finances 2019 inquiète de nombreux professionnels de la gestion de patrimoine. En effet, la loi de finances pour 2019 modifie les règles en matière d'abus de droit, en créant « un mini abus de droit ». C'est-à-dire un dispositif qui permet à l'administration fiscale d'écarter certains actes en les rendant inopposables. Il concerne les actes ayant un caractère fictif ou ceux inspirés par le seul motif d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales de l'intéressé. Dans cette dernière situation, seules les opérations à but exclusivement fiscal étaient sanctionnables. En élargissant l'abus de droit aux opérations principalement fiscales (en plus d'exclusivement fiscales), la loi change de paradigme mais ne précise pas ce qu'il faut entendre par « principalement fiscal ». De ce fait, de nombreux professionnels de la gestion de patrimoine ont tiré le signal d'alarme craignant que ce texte vise les donations en démembrement de propriété. Ce type d'opération, qui permet de réduire l'impôt sur les successions en ne taxant pas l'usufruit, risquait en effet d'être considéré comme à but «principalement fiscal» et donc d'être concerné par la nouvelle définition de l'abus de droit. Le ministère a effectué un communiqué de presse rassurant en précisant que « la loi fiscale elle-même encourage les transmissions anticipées de patrimoine entre générations parce qu'elles permettent de bien préparer les successions, notamment d'entreprises, et qu'elles sont un moyen de faciliter la solidarité intergénérationnelle ». Ceci étant, même si la clarification du ministère a été jugée rassurante, certains s'interrogent toutefois sur la valeur juridique d'un simple communiqué de presse et estiment qu'une précision au Journal officiel serait la bienvenue. Il souhaite donc que le communiqué de presse lui soit confirmé par une réponse à la présente question, laquelle sera publiée au Journal officiel, de telle sorte que juridiquement cela devienne opposable à l'administration fiscale.

Texte de la réponse

Le nouvel article L. 64 A du livre des procédures fiscales (LPF) permet à l'administration d'écarter comme ne lui étant pas opposables, les actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. Afin de répondre aux craintes exprimées sur ce nouveau dispositif, il ne s'agit pas de restreindre le recours aux démembrements de propriété dans les opérations de transmissions anticipées de patrimoine, lesquelles sont, depuis de nombreuses années, encouragées par d'autres dispositions fiscales. A cet égard, il peut être constaté notamment que les articles 669 et 1133 du code général des impôts (CGI), qui, respectivement, fixe le barème des valeurs de l'usufruit et de la nue-propriété, d'un bien et exonère de droits la réunion de l'usufruit à la nue-propriété, n'ont pas été modifiés. Ainsi, la nouvelle définition de l'abus de droit telle que prévue à l'article L 64 A du LPF n'est pas, en tant que telle, de nature à entraîner la remise en cause des transmissions anticipées de patrimoine et notamment celles pour lesquelles le donateur se réserve l'usufruit du bien transmis, sous réserve bien entendu que les transmissions concernées ne soient pas fictives. L'administration appliquera, à compter de 2021, de manière mesurée cette nouvelle faculté conférée par le législateur, sans déstabiliser les stratégies patrimoniales des contribuables. Enfin, les précisions sur les modalités d'application de ce nouveau dispositif vont être prochainement apportées en concertation avec les professionnels du droit concernés.