Rubrique > personnes handicapées
Titre > Réforme de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH)
M. Denis Masséglia appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui prévoit une réforme de l'OETH applicable au 1er janvier 2020. Jusque-là, les donneurs d'ouvrage pouvaient s'acquitter de leur obligation d'emploi à hauteur de 50 % maximum en confiant notamment des prestations de services et de la sous-traitance au secteur du travail protégé et adapté (établissement et service d'aide par le travail ESAT-entreprise adaptée EA). La loi du 5 septembre 2018 abroge cette possibilité pour favoriser l'emploi direct en entreprise. Pour satisfaire à son obligation d'emploi, l'employeur n'aura que deux options : soit il respecte le taux d'emploi des travailleurs handicapés, soit il verse une contribution à l'AGEFIPH. Toutefois, dispose le texte, l'effort consenti par l'employeur pour le maintien dans l'emploi ainsi que ses dépenses liées aux contrats qu'il passerait avec les ESAT et les EA seront pris en compte dans le calcul du montant de sa contribution annuelle (lorsqu'il ne respecte pas son OETH). Les modalités de ces déductions seront fixées ultérieurement par décret. Il semble que la réforme de l'OETH appelle les remarques suivantes : premièrement, elle ne reconnaît pas le rôle des structures spécialisées (en l'occurrence les ESAT et les EA) dans la mise en œuvre d'un droit au travail et à la citoyenneté sociale. Deuxièmement, elle suppose qu'en supprimant la possibilité d'une exonération partielle de l'OETH lorsque l'employeur confie des prestations aux ESAT et aux EA, l'entreprise recrutera « tout naturellement », avec des contrats directs, les travailleurs handicapés ; les ESAT et les EA seraient donc les responsables directs de la non inclusion en milieu dit ordinaire. La réforme de l'OETH montre une méconnaissance des difficultés des personnes accueillies dans les ESAT pour qui, dans une très grande majorité, le milieu ordinaire de travail ne saurait être accessible quels que soient les aménagements effectués. Il s'agit en effet de personnes handicapées mentales ou psychiques. Troisièmement, elle méconnaît les dispositifs européens qui font, dans les pays comparables à la France, une place importante au travail protégé dans les politiques d'emploi (en Allemagne, aux Pays-Bas, ...). Il faut ajouter que, lorsque les structures spécialisées n'existent pas, la très grande majorité des personnes handicapées mentales et psychiques n'ont pas d'activité professionnelle (voir étude OCDE). Or 93 % des travailleurs d'ESAT sont des handicapés mentaux et psychiques. Quatrièmement, la réforme en cours mettra en difficulté un certain nombre d'ESAT pour lesquels l'ancien dispositif apportait une compensation de leurs difficultés (prévue dans la loi de 2005) par rapport à la concurrence d'entreprises ordinaires dans plusieurs secteurs ; elle mettra en danger l'emploi des personnes handicapées. Il est donc urgent de renoncer à une approche réductrice et stérile de l'inclusion qui ne peut que priver les personnes handicapées des droits fondamentaux (formation, emploi, ...). Des associations professionnelles proposent que la rédaction en cours du décret, censé prendre en compte les efforts des employeurs en direction des personnes handicapées et, notamment, leur coopération économique avec les ESAT et les EA, réintègre les 50 % d'exonération maximale lorsque les entreprises passent des accords importants avec le milieu protégé et adapté. Mais les discussions actuelles ne vont pas dans le bon sens car elles ne réintègrent que très partiellement les dispositions antérieures sans lesquelles les ESAT vont se trouver en grande difficulté. Elles rappellent enfin que le droit au travail n'existera réellement que si les personnes handicapées disposent d'un ensemble de modalités d'emploi diversifiées, fluides et complémentaires. C'est le rôle des ESAT et EA d'y contribuer. Il souhaite donc connaître ses intentions sur ces questions.