15ème législature

Question N° 17521
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Titre > Les dérives dans la recherche de créances frappées de forclusion

Question publiée au JO le : 05/03/2019 page : 2038
Réponse publiée au JO le : 09/07/2019 page : 6460
Date de signalement: 25/06/2019

Texte de la question

M. André Chassaigne interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les dérives dans la recherche de créances frappées de forclusion. L'article L. 311-52 du code de la consommation prévoit notamment que « les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ou le premier incident de paiement non régularisé... ». Cependant, lorsque les créances sont frappées de forclusion, il arrive fréquemment qu'elles soient vendues, pour une somme inférieure, à des organismes spécialisés dans le recouvrement, qui font eux même appel à des huissiers de justice qui se lancent dans des démarches insistantes et répétées auprès des débiteurs. Des courriers menaçants de saisie sont alors adressés. Ces actions, souvent à l'adresse de personnes en situation de grandes difficultés et de vulnérabilité, sont à la limite du harcèlement. Un exemple parmi tant d'autres est celui d'une personne retraitée vivant seule qui, suite à une séparation, avait été contrainte de monter un dossier de surendettement afin de rétablir une situation financière des plus complexes. Outre une annulation et une diminution de certaines créances, un échéancier avait alors été établi afin de permettre à cette personne un apurement de ses dettes en adéquation avec ses ressources. Cette décision n'avait été dénoncée par aucun des créanciers, légalement avertis de la procédure. Cependant, un des créanciers, auprès duquel trois crédits avaient été contractés, n'a mis en place des prélèvements mensuels que sur deux crédits. Six ans après le premier incident de crédit, lié à la non mise en place des prélèvements par l'organisme de crédit, ce dernier a lancé une procédure de recouvrement de créance. Cette procédure n'a pu aboutir en raison de la forclusion de la dette. L'organisme de crédit a alors vendu cette dette. Ainsi, une nouvelle étude d'huissier a repris la procédure, harcèle le débiteur par appels téléphoniques répétés et adresse des courriers recommandés avec menace de saisie sur retraite et biens. Outre le fait que ces attitudes déshonorent l'ensemble de la profession des huissiers de justice, elles placent les personnes sollicitées dans des situations d'inconfort manifeste, voire pire. Il lui demande de faire respecter la délivrance de titre exécutoire avant toute menace de saisie effectuée par les officiers ministériels que sont les huissiers de justice.

Texte de la réponse

La forclusion est la perte du droit d'agir en justice en raison de son non-exercice dans les délais prévus par la loi ; elle n'a pas d'effet extinctif sur la créance elle-même, qui peut donc être valablement cédée. Toutefois, la problématique du recouvrement amiable des créances pour le compte d'autrui fait l'objet d'une attention particulière du Gouvernement. Le recouvrement amiable de créances pour le compte d'autrui par les sociétés de recouvrement est une activité dont les conditions d'exercice ont ainsi été règlementées par les dispositions R. 124-1 et suivants du code de procédure civile d'exécution afin d'assurer la protection du débiteur. Les pratiques et méthodes irrégulières dont peut être victime le débiteur sont susceptibles d'être sanctionnées civilement et pénalement. Sur le plan civil et à l'égard du débiteur, le fondement de la responsabilité de la personne chargée du recouvrement est de nature délictuelle ou quasi-délictuelle, ce qui permet aux débiteurs victimes de telles pratiques d'obtenir la réparation intégrale du préjudice éventuellement subi. [Par ailleurs, la DGCCRF enquête de manière récurrente sur les pratiques en la matière. Sa dernière enquête, menée à la fin 2016, montre en effet que les méthodes employées par certains professionnels indélicats sont parfois agressives. Les contrôles ont donné lieu à 15 avertissements, 15 injonctions administratives et 10 procès-verbaux transmis au procureur de la République.] Lorsque le recouvrement amiable des créances est poursuivi par un huissier, en application de l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, celui-ci peut engager sa responsabilité sur le fondement du droit commun de la responsabilité pour faute. Les instances disciplinaires de la profession peuvent aussi être saisies, en l'occurrence le procureur de la République ou la chambre de discipline du conseil régional, sans préjudice des éventuelles poursuites pénales susceptibles d'être engagées.