Emploi des armes dites de force intermédiaire
Question de :
M. Jean-Félix Acquaviva
Haute-Corse (2e circonscription) - Libertés et Territoires
M. Jean-Félix Acquaviva alerte M. le ministre de l'intérieur sur l'usage des lanceurs de balles de défense (LBD) ainsi que des grenades à charge explosive du type GLI-F4 dans le cadre de la sécurisation des manifestations. En effet, plusieurs personnes ont été grièvement blessées lors des dernières manifestations en marge du mouvement des « Gilets jaunes » par des armes dites de force intermédiaire. L'usage de ces armes dans les opérations de maintien de l'ordre est strictement encadré par la loi et autorisé uniquement en cas d'« absolue nécessité et de manière strictement proportionnée ». Le défenseur des droits, dans un rapport remis le 10 janvier 2018 à l'Assemblée nationale, recommande l'interdiction des lanceurs de balles de défense de la dotation des forces chargées de l'ordre public et la réalisation, sous son égide, d'une étude pluridisciplinaire sur l'usage des armes de force intermédiaire. Concernant plus particulièrement les lanceurs de balles de défense, il souligne que ce type d'armes manque de précision. Le risque dit-il est de blesser grièvement une personne et donc d'engager la responsabilité du tireur. Dans le même sens, le Conseil de l'Europe a appelé le mardi 26 février 2019 à suspendre l'usage du LBD dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre en France afin de mieux respecter les droits de l'Homme. Aussi, la Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatovic, a déclaré ces derniers jours que dans l'attente d'une révision de la doctrine d'emploi des armes de force intermédiaire, les autorités françaises devraient suspendre l'usage du LBD dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre. Les dernières manifestations témoignent de l'inadéquation des moyens dont disposent les forces de l'ordre par rapport à l'objectif de protection des manifestants. Aussi, ces blessés interrogent le législateur sur la proportionnalité des moyens employés par les forces de l'ordre pour assurer le libre exercice du droit de manifester, droit garanti par la Constitution. C'est dans ce contexte qu'il lui demande de bien vouloir lui préciser sa position sur ce sujet et de l'informer sur les possibilités d'une révision de la doctrine d'emploi des armes de force intermédiaire pour une mise en place d'alternatives moins dangereuses afin d'assurer le maintien de l'ordre, tout en assurant aux citoyens la possibilité de faire usage de leur droit de manifester en toute sécurité.
Réponse publiée le 21 mai 2019
Depuis plusieurs mois, dans le cadre des actions des « gilets jaunes », les policiers et les gendarmes assurent, avec professionnalisme, sang-froid et abnégation, le respect de la loi républicaine, notamment pour garantir le droit de manifester, assurer la sécurité des biens et des personnes et la protection des lieux emblématiques de la République. Ils interviennent dans des situations complexes, fréquemment dangereuses et violentes. Depuis le début du mouvement, plus de 1 500 blessés sont ainsi à déplorer dans les rangs de la police et de la gendarmerie nationales. Dans ce contexte, il est indispensable de permettre aux policiers et gendarmes de disposer de moyens suffisants pour défendre leur intégrité physique et assurer la sauvegarde de l'ordre public. Les armes de force intermédiaire permettent de faire face à des situations dégradées, par exemple pour faire face à des groupes armés ou violents. Dans bien des situations, elles évitent le recours aux armes à feu létales et abaissent le niveau de risque, tant pour l'intégrité physique des personnes ciblées que pour celle des tiers ou des forces de l'ordre. Le code de la sécurité intérieure liste de manière exhaustive ces armements et définit leurs conditions d'utilisation. Les lanceurs de balles de défense (LBD) en font partie, comme les grenades lacrymogènes instantanées ou les grenades à main de désencerclement. Il convient de préciser que la France n'est pas le seul pays de l'Union européenne dont les forces de sécurité sont dotées de lanceurs de balles de défense. L'emploi des armes de force intermédiaire, dont celui des lanceurs de balles de défense, obéit à des règles de droit strictes et à des conditions d'utilisation rigoureuses. Il relève du cadre juridique général de l'usage de la force et n'est donc possible que lorsque les conditions requises par la loi l'autorisent (légitime défense, attroupement, etc.). Il est soumis, en particulier, aux principes d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité. Dans le cadre du maintien de l'ordre par exemple, le LBD peut être employé dans le cadre d'un attroupement (article 431-3 du code pénal), en cas de violences ou voies de fait commises à l'encontre des représentants de la force publique ou si les forces de l'ordre ne peuvent défendre autrement le terrain qu'elles occupent (article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure). Par ailleurs, les fonctionnaires et militaires autorisés à employer les LBD doivent préalablement suivre une formation spécifique et disposer d'une habilitation individuelle. Assorti de ces garanties, l'emploi de ces armes permet une réponse graduée et proportionnée. Le juge des référés du Conseil d'Etat a d'ailleurs récemment rejeté plusieurs requêtes tendant à interdire le LBD lors d'opération de maintien de l'ordre. L'emploi de ces armes fait l'objet de contrôles et d'un suivi rigoureux. Dans les cas où l'usage légitime de ces armes est mis en doute, des enquêtes judiciaires ou disciplinaires sont systématiquement effectuées. En effet, le ministre de l'intérieur a souligné l'importance qu'il attache à un strict respect des règles d'emploi des armes de force intermédiaire. Pour répondre à certaines polémiques, mais surtout pour protéger plus efficacement les policiers et les gendarmes contre les accusations infondées dont ils peuvent être l'objet, le ministre de l'intérieur a également donné pour instruction que, chaque fois que possible, l'emploi des LBD en maintien de l'ordre soit filmé. En conséquence, le LBD et la grenade de désencerclement seront conservés au sein des forces de sécurité intérieure autant que de besoin pour maintenir l'ordre républicain dans notre pays.
Auteur : M. Jean-Félix Acquaviva
Type de question : Question écrite
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 5 mars 2019
Réponse publiée le 21 mai 2019