Question écrite n° 18153 :
Transparence des chaînes d'approvisionnement des maisons joaillières françaises

15e Législature

Question de : Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise

Mme Danièle Obono alerte M. le ministre de l'économie et des finances sur la question de la transparence des chaînes d'approvisionnement en métaux et minéraux précieux des maisons joaillières françaises. Le minage d'or et de diamants constitue une ressource importante de revenus pour de nombreux pays, sociétés et secteurs économiques dans le monde, mais les conditions de ce travail peuvent être particulièrement brutales. Des enfants ont été et blessés et tués en travaillant de petites exploitations et puits, des populations autochtones ont été déplacées de force de leurs terres, des groupes armés ont profité de guerres pour s'enrichir par l'exploitation de l'or et des diamants. Les mines polluent les cours d'eau et les sols de produits toxiques qui portent atteinte à la santé et au mode de vie de communautés entières. Les maisons joaillières et horlogères françaises dépendent pour leur approvisionnement en or et diamants de chaînes d'approvisionnement complexes : les matières premières extraites parmi des dizaines de pays dans le monde sont ensuite achetées, échangées, importées et traitées dans d'autres pays. Au moment où un bijou ou une montre arrive dans les vitrines des boutiques de luxe en France, il est très difficile de savoir l'origine et les conditions d'exploitation des matériaux qui les composent. Ce constat est celui d'un rapport de l'organisation Human Rights Watch du 8 février 2018 qui pointe le manque de transparence des entreprises du secteur dans le monde, avec pour la France l'exemple de Cartier, entreprise du groupe Richemont et plus grande maison joaillière au monde en chiffre d'affaires. Malgré la complexité de la chaîne d'approvisionnement, les maisons de luxe françaises ont la responsabilité de s'assurer que leur commerce ne contribue pas à des abus sur les droits humains et à la destruction de la nature. Or la loi française actuelle n'encourage absolument pas la transparence des maisons joaillières sur leurs fournisseurs. Elle précise simplement dans le code général des impôts (art. 533-534) l'obligation qui leur est faite d'inscrire sur un registre les achats, ventes, réceptions et livraisons des matières d'or, d'argent ou de platine ouvrées ou non ouvrées et d'inscrire au registre l'identité et l'adresse des personnes ayant vendu des ouvrages en métaux précieux. La transparence sur la chaîne de fournisseurs n'est donc, dans le meilleur des cas, qu'un argument marketing ou une déclaration d'intentions qui n'engage à rien. Toujours suivant le rapport de HRW, la plupart des entreprises se reposent seulement, pour s'assurer d'éthique de leur commerce, sur l'assurance de leurs fournisseurs directs mais ne sont pas en mesure de vérifier la véracité de ces engagements ou de dire d'où viennent réellement l'or et les diamants de leurs créations. Elle souhaite donc savoir de quelle manière le Gouvernement compte s'assurer que les entreprises françaises qui achètent de l'or et des diamants pour leurs créations sont effectivement respectueuses des droits humains et de l'environnement.

Réponse publiée le 12 novembre 2019

Le commerce international de métaux et pierres précieuses est encadré par des dispositions prises au niveau multilatéral (ONU) et européen, car la seule loi nationale serait impuissante à prévenir les trafics illicites et faire respecter les droits humains dans les pays d'extraction. S'agissant du trafic de diamants servant au financement des conflits armés, un système de certification du commerce international de diamants bruts a été mis en place par l'ONU afin de garantir la traçabilité des pierres. Dans ce cadre, l'importation dans l'Union européenne et l'exportation depuis l'Union européenne de diamants bruts est soumis au dispositif prévu par le règlement (CE) n° 2368/2002 du 20 décembre 2002 mettant en œuvre le système de certification du Processus de Kimberley pour le commerce de diamants bruts. L'importation de diamants bruts dans l'Union européenne est prohibée à moins qu'ils ne soient accompagnés d'un certificat validé par l'autorité compétente d'un Etat participant, qu'ils ne soient logés dans des conteneurs inviolables, et que les sceaux appliqués lors de l'exportation soient intacts. L'exportation de diamants bruts hors de l'Union européenne est interdite, à moins que les diamants bruts ne soient accompagnés d'un certificat communautaire délivré et validé par une autorité communautaire dans les conditions prévues par le règlement (CE) n° 2368/2002 précité, et qu'ils ne soient logés dans des conteneurs inviolables, conformément aux dispositions du règlement (CE) n° 2368/2002 précité. Ils ne peuvent être exportés que vers un autre Etat participant au Processus de Kimberley. Plus largement, le Responsible Jewellery Council (RJC) est une organisation à but non lucratif qui a été créée pour promouvoir des pratiques responsables, éthiques et environnementales, respectant les droits de l'Homme, d'un bout à l'autre de la chaîne d'approvisionnement de la bijouterie en or et/ou diamant, de l'extraction à la vente au détail. Le RJC a établi un code des pratiques qui précise les pratiques environnementales, sociales et éthiques responsables et conformes aux droits de l'Homme d'un bout à l'autre de la chaîne d'approvisionnement de la bijouterie en or et/ou diamant. Concernant l'or, l'étain, le tantale et le tungstène, qui sont des métaux utilisés en joaillerie, un mécanisme de responsabilisation et de transparence de la chaîne d'approvisionnement de ces métaux et de leurs minerais a été instauré par le règlement (UE) 2017/821 le 17 mai 2017, qui impose aux importateurs de mettre en œuvre des processus internes et une documentation certifiés par un organisme indépendant. Il entrera en vigueur le 1er janvier 2021. L'État est chargé de mettre en œuvre un dispositif de contrôle et de sanctions, qui lui permettra de contrôler le respect des dispositions du règlement concernant tous les importateurs au-dessus des seuils. Ce règlement européen repose sur les principes directeurs de l'organisation de coopération et de développement économique (OCDE) – norme intergouvernementale définissant des principes de responsabilité sociale pour les entreprises : les principes visent à ce que les entreprises, ainsi que leurs fournisseurs prennent conscience des impacts de leurs activités sur le monde extérieur, et mettent en place une stratégie pour faire face aux risques identifiés afin de les prévenir ou les atténuer. L'objectif général de ces mesures réglementaires vise à permettre la création de chaînes d'approvisionnement en minerais sûres, transparentes et vérifiables, et de garantir, faciliter et promouvoir l'importation responsable dans l'Union de minerais et de métaux, afin de mettre un terme aux atteintes à l'environnement et aux droits de l'homme dans l'exploitation minière, ainsi que le financement de conflits armés et du terrorisme, en permettant de contribuer au développement économique des communautés locales. Les entreprises situées en aval de la chaîne d'approvisionnement sont par ailleurs invitées par la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) à appliquer le règlement de manière volontaire. La Commission européenne mettra à disposition une plateforme à destination des entreprises qui souhaitent communiquer sur la mise en œuvre du règlement pour leur schéma d'approvisionnement. Le fonctionnement et l'efficacité du règlement seront évalués en 2023, et ensuite tous les 3 ans, notamment via « une évaluation indépendante visant à déterminer la proportion des opérateurs situés en aval ayant mis en place des mécanismes de devoir de diligence ». Cet examen permettra d'apprécier la pertinence et « la nécessité de prendre des mesures obligatoires supplémentaires… ».

Données clés

Auteur : Mme Danièle Obono

Type de question : Question écrite

Rubrique : Matières premières

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Économie et finances

Dates :
Question publiée le 26 mars 2019
Réponse publiée le 12 novembre 2019

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