15ème législature

Question N° 18420
de M. Christophe Blanchet (La République en Marche - Calvados )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > police

Titre > Traitement des cas d'ébriété lors des arrestations

Question publiée au JO le : 02/04/2019 page : 2912
Réponse publiée au JO le : 04/06/2019 page : 5180

Texte de la question

M. Christophe Blanchet interroge M. le ministre de l'intérieur sur le traitement des interpellés en état d'ébriété. La consommation d'alcool est une pratique qui doit se faire en connaissance de cause et avec modération. Or, aujourd'hui, lors d'interpellations, ce sont les agents des forces de l'ordre qui doivent s'accommoder de situations où des individus ne maîtrisent pas leur état d'ébriété certain, et cela en toute impunité. Cette situation n'est pas anecdotique mais bien au contraire habituelle. C'est notamment ce que M. le député a pu constater lors d'une tournée de nuit qu'il a effectuée avec les membres de la BAC à Caen en novembre 2018. La majeure partie des personnes amenées au poste étaient en état d'ébriété et cela monopolise des effectifs et des procédures parfois très coûteuses. Les forces de l'ordre n'ont pas vocation à traiter indéfiniment des cas d'individus en situation d'ébriété, chronophages, qui s'en sortent en toute impunité à la fin. Il faut faire payer ces individus et agir pour les responsabiliser. Il lui demande donc s'il compte enrayer cette situation problématique dans un futur proche. Pourquoi ne pas mettre en place une amende immédiate, dont le montant reste à définir, pour les toucher directement au portefeuille et ainsi les rendre plus responsable de leurs actes ? Si les rentrées financières ne seront pas de grande envergure, elles auront tout de même pour effet de développer à moyen terme un réel effet préventif. Il souhaiterait donc connaître ses intentions sur cette question.

Texte de la réponse

La question du traitement de l'infraction d'ivresse publique et manifeste (IPM) suppose au préalable le rappel des conditions de son cadre légal. L'IPM est prévue et réprimée par les articles L. 3341-1 et R. 3353-1 du code de la santé publique et constitue une contravention de la deuxième classe. Dans sa décision n° 2012-253 QPC du 8 juin 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l'article L. 3341-1 précité et a considéré que le placement en chambre de sûreté constituait un acte de police administrative. Ce cadre juridique respecte également les exigences de l'article 5 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'IPM étant une contravention, il appartient à la police et à la gendarmerie nationales, conformément à l'article 14 du code de procédure pénale, dans le cadre de leurs missions de police judiciaire d'en constater la matérialité et d'établir la procédure contraventionnelle qui s'y rapporte. La loi ne prévoit pas de définition de l'ivresse mais repose sur une évaluation in concreto par les forces de l'ordre du comportement de l'individu. Elle se caractérise par des signes extérieurs qui doivent être décrits en procédure (titubation, élocution pâteuse, explications embrouillées, perte d'équilibre, etc.). La personne appréhendée est soit, après verbalisation, remise à une tierce personne qui s'en porte garante (solution privilégiée dans le cas de mineurs), soit placée, après un examen médical, en chambre de sûreté le temps de son complet dégrisement. Dès lors que le placement en chambre de dégrisement s'avère nécessaire, la personne fait préalablement l'objet d'un examen médical, permettant le cas échéant de « déceler éventuellement certaines affections qui se manifestent par des signes analogues à ceux de l'ivresse » (circulaires du ministère de la santé du 16 juillet 1973 et du 9 octobre 1975 relatives à l'admission des sujets en état d'ivresse dans les services hospitaliers). Cet examen est un acte constitutif d'une mesure administrative pour lequel, s'agissant d'une mission de préservation de l'ordre public, les frais médicaux sont à la charge de l'administration (décision n° 233551 du Conseil d'Etat du 25 octobre 2002). Nonobstant la charge opérationnelle que représente le traitement des procédures d'IPM pour les forces de l'ordre, d'un point de vue administratif, une obligation de protection et d'assistance s'impose à tout policier ou gendarme. En effet, l'article R. 434-17 du code de la sécurité intérieure dispose que «  toute personne appréhendée est placée sous la protection des policiers et des gendarmes et préservée de toute forme de violence et de tout traitement inhumain ou dégradant [...]. Le policier ou le gendarme ayant la garde d'une personne appréhendée est attentif à son état physique et psychologique et prend toutes les mesures possibles pour préserver la vie, la santé et la dignité de cette personne ». Pour autant, la prise en charge de personnes présentant les signes de l'ivresse peut relever également de la compétence d'autres services de secours, notamment des sapeurs-pompiers. Il est à noter qu'en cas d'urgence vitale ou à la demande des services de police ou de gendarmerie, les missions imparties aux sapeurs-pompiers définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont assurées à titre gratuit. Dans les autres cas, le service départemental d'incendie et de secours pourrait être fondé à demander à la personne en état d'ébriété le remboursement du transport entre la voie publique et l'hôpital. La prise en charge des personnes trouvées en état d'ivresse sur la voie publique peut obérer parfois fortement la capacité opérationnelle des services de police et de gendarmerie. Aussi, dans le cadre des efforts engagés depuis plusieurs années pour réduire les « missions périphériques », des travaux ont été engagés afin de simplifier les procédures en la matière. Ces efforts ont été menés notamment dans le cadre de la police de sécurité du quotidien lancée en février 2018. Il a ainsi été décidé que des conventions devaient être conclues au sein de chaque département et circonscription de police avec le réseau de médecine de ville pour permettre la réalisation des examens médicaux dans les locaux de police afin d'éviter aux forces de l'ordre des transports vers les hôpitaux coûteux en temps et en effectifs. 44 conventions locales ou départementales ont déjà été signées par les directions départementales de la sécurité publique avec les ordres et associations de médecins pour organiser le déplacement d'un praticien médical dans les locaux de police. S'agissant de la question d'une aggravation de la peine d'amende encourue ou de la forfaitisation de la peine d'amende, elle mérite d'être posée mais relève de la compétence du ministère de la justice. Elle devrait en tout état de cause s'articuler avec la politique publique de lutte contre l'alcoolisme afin d'assurer à la fois la meilleure prise en charge possible des particuliers tout veillant à préserver la capacité opérationnelle des forces de l'ordre.