15ème législature

Question N° 18529
de Mme Marie-France Lorho (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > associations et fondations

Titre > Le diktat des associations « antiracistes »

Question publiée au JO le : 09/04/2019 page : 3146
Réponse publiée au JO le : 15/10/2019 page : 8821

Texte de la question

Mme Marie-France Lorho appelle l'attention de M. le ministre de la culture sur les récents évènements qui se sont déroulés à la Sorbonne dans le cadre d'une représentation de la pièce de théâtre Les Suppliantes, tragédie grecque d'Eschyle mise en scène par Philippe Brunet. À l'occasion de ce spectacle, une cinquantaine de militants de la ligue de défense noire africaine, de la Brigade anti-négrophobie et du Conseil représentatif des associations noires ont bloqué l'entrée de l'université pour protester contre un spectacle qu'ils jugeaient « racialiste », en raison de l'utilisation de masques et de maquillages sombres. Outre le manque de connaissances artistiques, culturelles, et historiques qu'elle illustre, cette action constitue également une grave atteinte à la liberté d'expression et de création et n'est nullement justifiée par une quelconque légitimité que détiendraient ces associations. En effet, le raisonnement de ces groupuscules est de faire le lien entre une culture plurimillénaire et l'esclavage en passant pas de dangereux amalgames. On entend parler de blackface, pratique qui consiste à se maquiller afin de se moquer des personnes noires. Il n'est aucunement question de moqueries dans la pièce d'Eschyle. De plus, le principe même du théâtre est le jeu d'acteur, magnifié par la présence de costumes et de maquillages. Ici l'objectif, selon les mots du metteur en scène, est de représenter une différence d'ethnie géographique et non de race. Cette pièce met en scène des Grecs d'Argos supposés blancs et les Danaïdes, venues d'Égypte, à la peau noire. Le racisme est une idéologie fondée sur la croyance qu'il existe une hiérarchie entre les groupes humains et qui inspire une attitude d'hostilité systématique à l'égard d'une catégorie de personnes. Il n'y a donc absolument aucun rapport avec cette pièce de théâtre et sa mise en scène. Il est insupportable que l'héritage culturel national parmi lequel figure la conservation de pratiques théâtrales antiques soit pris en otage par des milices intolérantes et dont l'idéologie est liberticide. L'art est, et doit demeurer un espace où les esprits peuvent s'exprimer en toute liberté, un espace ou le metteur en scène doit être libre de choisir ses acteurs et ses costumes sans qu'une censure n'ayant aucune légitimité ne puisse venir s'appliquer. La violence doit être condamnée sous toutes ses formes, qu'elle soit physique ou verbale, et ne doit faire l'objet d'aucune tolérance de la part du Gouvernement. La ligue de défense noire africaine s'est déjà faite connaître pour son usage de la force, de l'intimidation, des injures, des menaces et de la diffamation. Si le Gouvernement a condamné l'annulation de la pièce Les Suppliantes, il convient que cela soit suivi d'actions concrètes. Force doit rester à la loi et non aux associations « antiracistes ». Elle lui demande si le Gouvernement envisage de prendre des mesures afin de dissoudre la ligue de défense noire africaine dont l'usage de la force et des injures constitue le mode opératoire récurrent.

Texte de la réponse

Le 27 mars dernier, dans un communiqué commun, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et le ministre de la culture ont exprimé leur stupéfaction que la pièce d'Eschyle « Les Suppliantes », mise en scène par Philippe Brunet, directeur de la compagnie de théâtre antique Démocodos, n'ait pu être jouée en Sorbonne le 25 mars. Un petit groupe d'individus hostiles, affirmant lutter contre le supposé « racialisme » de la mise en scène, a en effet physiquement empêché les comédiens d'entrer pour se préparer, tandis que le public lui-même était tenu dehors. Les ministres ont condamné fermement cette atteinte sans précédent à la liberté d'expression et de création dans l'espace universitaire, contraire à toutes les valeurs académiques et aux principes républicains. Ils ont également souligné que les accusations portées à l'encontre de cette pièce étaient incompréhensibles, « Les Suppliantes » étant une œuvre portant en son cœur la notion de dépassement des conflits. En ayant empêché cette pièce d'être jouée au nom d'une idéologie militante, ces perturbateurs ont fait le jeu de la discrimination et de l'exclusion qu'ils prétendaient combattre. Une nouvelle représentation des « Suppliantes » s'est déroulée le 23 mai dernier devant 700 personnes, dans le cadre privilégié du grand amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne. Le ministre de la culture et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ont déclaré à cette occasion qu'ils apportaient leur soutien au metteur en scène et aux acteurs et ont réaffirmé que la liberté de création est un principe fondamental qui ne peut être remis en cause à des fins politiques.