Rubrique > maladies
Titre > Prévalence du VIH chez les femmes en situation de prostitution
M. Raphaël Gérard alerte Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les derniers chiffres de Santé publique France qui font état d'une augmentation du nombre de nouvelles contaminations. Alors que le nombre de cas diagnostiqués d'infection par le VIH avait diminué de 5 % entre 2013 et 2016, passant de 6 325 à 6 003, 6 424 nouveaux diagnostics ont été établis en 2017. Dans ce contexte, il s'interroge sur les conséquences des politiques de pénalisation de la prostitution en matière de santé publique et de lutte contre l'épidémie de VIH en France. De fait, les personnes en situation de prostitution appartiennent souvent à des groupes où on observe une incidence au VIH élevée. D'après les données recensées par l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), 93 % des femmes en situation de prostitution sont des femmes étrangères dont 38,5 % sont originaires d'Afrique subsaharienne. Or Santé Publique France observe que les migrants représentent 38 % des découvertes de nouveaux cas de VIH entre 2017 et 2018 dont 90 % sont nés dans un pays d'Afrique subsaharienne. De même, l'étude de santé menée par l'association Transgender Europe dans 7 pays (Géorgie, Pologne, Serbie, Espagne, Suède) fait état d'une surreprésentation des personnes transgenres parmi les personnes en situation de prostitution, une observation partagée par le Mouvement du Nid en France qui affirme que « les personnes [trans] prennent une place de plus en plus large dans le milieu de la prostitution ». Or Santé publique France recense 185 découvertes de séropositivité entre 2012 et septembre 2018 chez des personnes transgenres, dont 66 % en Île-de-France. La majorité (71 %) de ces personnes était née en Amérique (Brésil et Pérou). Il ne s'agit pas là d'affirmer que parmi les nouveaux cas diagnostiqués, une majorité d'entre eux seraient liés à la prostitution. Pour autant, compte tenu de la superposition d'une partie des publics concernés, il y a lieu de s'interroger sur la progression ou non de l'incidence chez les personnes en situation de prostitution/travailleuses du sexe parmi les nouvelles contaminations dont le nombre repart à la hausse depuis 2017. Certes, le rapport de la Haute autorité de la santé (HAS) publié en 2016 sur l'état des personnes en situation de prostitution et des travailleurs du sexe rappelle que les données disponibles en 2016 laissent à penser que le risque d'infection par le VIH au sein de cette population est très modéré : le taux de prévalence du VIH était inférieur à 0,8 % dans la plupart des études, c'est-à-dire identique à la prévalence en population générale en France. L'HAS expliquait ce phénomène par un taux d'usage systématique du préservatif de 95 % pour la pénétration. Toutefois, depuis la promulgation de la loi 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées qui abroge le délit de racolage au profit d'une pénalisation des clients, l'étude d'Hélène Le Bail et Calogero Giametta publiée en avril 2018 indique que les personnes en situation de prostitution/travailleuses du sexe interrogées éprouvent des difficultés à négocier le port du préservatif, compte tenu de la raréfaction des clients et du changement de profil des clients concernés, moins prompts à payer et plus disposés à négocier les termes de l'achat de l'acte sexuel étant donné qu'ils prennent le risque d'être dénoncés. De ce fait, le rapport fait état d'une augmentation des infections sexuellement transmissibles, notamment la syphillis. Par ailleurs, les chiffres des associations communautaires notent une augmentation sensible des dépistages positifs via les TROD : 5 % de nouveaux tests positifs pour Acceptess-T à Paris en 2017. Les chiffres de l'hôpital Bichat à Paris indique 20 fois plus de contamination par le VIH de 2015 à 2017 pour les femmes trans suivies qui vendent des services sexuels au Bois de Boulogne. La Haute autorité de santé note dans son rapport, publié en 2016, que les données concernant la prévalence du VIH, les infections sexuellement transmissibles (IST) et les caractéristiques psycho-médicosociales des personnes en situation de prostitution/travailleuses du sexe demeurent encore trop parcellaires. Toutefois, dans son rapport sur les discriminations publié en 2017, l'association AIDES souligne, à l'aide d'une revue de la littérature intégrant des références internationales, que « les données disponibles n'indiquent pas que l'activité prostitutionnelle est en soi un facteur de risque d'infection au VIH/sida, sauf lorsqu'elle est associée à des facteurs de vulnérabilité psychologique, sociale et économique », ce qui semble être le cas avec la précarisation des prostituées résultant de la pénalisation des clients : d'après l'étude d'Hélène le Bail et Calogero Giametta, près de 78,2 % des personnes interrogées ont vécu une diminution de leurs revenus et 62,9 % ressentent une détérioration de leurs conditions de vie. Dans ce contexte, il apparaît fondamental d'évaluer les effets sanitaires de la loi du 13 avril 2016 afin de voir s'il y a un lien de causalité entre l'interdiction d'achat d'actes sexuels et l'augmentation de l'incidence observée chez les personnes en situation de prostitution/travailleuses du sexe. L'article 22 de la loi prévoit la mise en place d'une mission d'évaluation de l'ensemble des mesures de la loi du 13 avril 2016 confiée à une inspection conjointe sous la responsabilité de l'Inspection générale de l'administration, l'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection générale de la justice et la remise d'un rapport au parlement deux ans après sa promulgation. Aucun rapport n'a été rendu public à ce jour. Aussi, il lui demande quand le rapport sera remis au Parlement.