15ème législature

Question N° 18731
de M. Xavier Breton (Les Républicains - Ain )
Question écrite
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Numérique

Rubrique > services publics

Titre > Déshumanisation des services publics

Question publiée au JO le : 09/04/2019 page : 3127
Réponse publiée au JO le : 07/05/2019 page : 4338
Date de changement d'attribution: 23/04/2019

Texte de la question

M. Xavier Breton attire l'attention de M. le Premier ministre sur la déshumanisation des services publics. A l'occasion de la cinquième édition de son rapport annuel, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a souligné que sur 140 000 réclamations reçues, 94 % portaient sur la relation des usagers avec les services publics. « La réduction du périmètre des services publics, leur privatisation progressive, leur dématérialisation, la complexité des dispositifs, l'éloignement du contact humain ainsi que la restriction des moyens budgétaires qui leur sont alloués contribuent à créer un sentiment diffus et dangereux de rupture entre les usagers, notamment précaires, et les services publics ». La dématérialisation peut être une bonne chose, en fluidifiant les relations entre l'administration et les citoyens tout en représentant une source d'économies potentielles, mais d'une part, une telle transition se prépare en amont avec des moyens adaptés et, d'autre part, elle ne supprimera jamais la nécessité, pour certaines situations particulières, d'un accueil physique. Les outils de déclaration en ligne et les renseignements accessibles par serveurs vocaux (souvent surtaxés) peuvent être adaptés à la prise en compte de situation simple. En cas de situations complexes, les usagers ont l'impression d'être abandonnés par l'administration. Il est à craindre que la simplification soit le palliatif à une réduction, fusion ou suppression des guichets d'accueil du public guidée par une logique budgétaire. A cela s'ajoute la persistance de zones blanches et grises. On estime à plus 7,5 millions le nombre de personnes privées en France d'une couverture internet de qualité, particulièrement dans les zones rurales. Le Défenseur des droits pointait par ailleurs du doigt le fait que 20 % de ceux qui y ont accès maîtrisent mal l'outil informatique. Cela contribue à un abandon des démarches administratives de la part d'une partie de la population qui se trouve exclue de fait de l'accès à ses droits. Aussi, il lui demande ce qui peut être envisagé pour accompagner certains publics éloignés du numérique et s'il est prévu de revenir sur la fermeture de certains guichets d'accueil.

Texte de la réponse

Le déploiement des services publics numériques de qualité pour les démarches courantes des Français est une priorité du Gouvernement. Permettre l'accès aux démarches administratives de manière dématérialisée nécessite de lutter résolument contre l'illettrisme numérique qui touche près de 13 millions de français (d'après le Baromètre 2018 du Numérique, réalisé par le CREDOC pour l'État et l'ARCEP). Le récent rapport du défenseur des Droits rappelle que 500 000 Français n'ont pas accès à une connexion internet fixe et que plus de 30 % des Français ne sont pas familiers des usagers numériques. Y remédier nécessite, d'une part, de lutter contre la fracture numérique, avec les moyens humains, techniques et financiers appropriés de manière à produire des démarches de qualité et, d'autre part, d'améliorer la couverture numérique des territoires. La stratégie nationale d'orientation de l'action publique annexée au projet de loi pour un État au service d'une société de confiance affirme que « l'administration doit assurer, notamment aux personnes vulnérables ou n'utilisant pas l'outil numérique, des possibilités de communication et de médiation adaptées à leurs besoins et à leur situation ». C'est dans ce cadre que s'inscrit la « Stratégie nationale pour un numérique inclusif », présentée fin mai 2018 par le secrétaire d'État chargé du numérique. Elle est exposée dans un rapport largement concerté (rapport-inclusion.societenumerique.gouv.fr). Plusieurs actions ont d'ores et déjà été mises en œuvre pour lutter contre la fracture numérique : - parallèlement à la rédaction du rapport, les travaux ont permis de créer une plateforme en ligne, pour aider au déploiement dans les territoires de la stratégie par l'agrégation de ressources, d'outils et de bonnes pratiques (inclusion.societenumerique.gouv.fr), ainsi que par la définition de trois niveaux d'accompagnement : les urgences numériques (pour ne pas perdre un droit ou une allocation, ou ne pas encourir une pénalité), l'inclusion numérique (pour gagner en autonomie) et la montée en compétences numériques ; - la mission société numérique, au sein de l'Agence du numérique, travaille aussi à la structuration des acteurs de la médiation, à travers la création d'une coopérative. Une cinquantaine d'acteurs y sont aujourd'hui regroupés ; - un kit d'intervention rapide est également disponible afin d'accompagner les personnes les plus éloignées du numérique et améliorer la maitrise de ces outils (https://kit-inclusion.societenumerique.gouv.fr/) ; - en outre, la mission expérimente un dispositif de chèque culture numérique #APTIC (Agir pour l'Inclusion Numérique) dont l'objectif est de financer la prise en charge des usagers pour la réalisation de ces démarches en ligne dans des lieux labellisés afin de permettre leur mise en autonomie. Une première expérimentation de 300 chéquiers distribués à 300 personnes sur 3 territoires (la Drôme, la Gironde, La Réunion) a été réalisée au printemps 2017 pour l'accompagnement à la réalisation de la déclaration de revenu en ligne. 75 % des personnes accompagnées se sont déclarés autonomes à la suite de la réalisation d'un parcours de formation dans 6 espaces publics numériques partenaires de l'expérimentation. Le 19 juillet 2018, le Président de la République a annoncé le déploiement national de #APTIC sous la forme d'un « pass numérique ». Le budget global pour ces pass atteindra « 100 à 150 millions d'euros » avec l'objectif de « former et accompagner 1,5 millions de personnes par an ». Le programme prendra la forme d'un crédit de 10 et 20 heures de formation, en fonction des profils, d'une valeur de 50 à 100 euros. Pôle Emploi, la Caisse d'allocations familiales (CAF), l'Assurance maladie, les villes, les agglomérations et les départements pourront distribuer ce crédit formation ; - enfin, le secrétariat d'État au Numérique et la Banque des Territoires se sont associés pour faire émerger une dizaine de « Hubs France Connectée », des lieux de médiation numérique qui conseilleront et formeront les populations les plus éloignées du web. Un appel à projet d'un coût de 5 millions d'euros pour 2019-2020 a été lancé. L'État s'investira au total à hauteur de 15 millions d'euros, en cofinancement des collectivités territoriales, des opérateurs locaux et des entreprises. Ce sont ces hubs qui délivreront le Pass numérique. Au-delà de la « Stratégie nationale pour un numérique inclusif », d'autres mesures ont été prises pour répondre au défi de l'inclusion numérique. Outre l'assistance téléphonique généraliste de service-public.fr, le Gouvernement accélère l'ouverture des maisons de service au public. En janvier 2019, 1271 maisons de services au public ont d'ores et déjà été ouvertes. Elles ont vocation à devenir des interfaces privilégiées entre les usagers et l'administration en délivrant, en un lieu unique, une offre d'accompagnement personnalisé dans les démarches de la vie quotidienne (aide et prestations sociales, emploi, insertion, retraite, énergie, prévention santé, accès aux droits, mobilité, vie associative, etc.) Lors des dernières Rencontres nationales des maisons de services au public, le commissaire général à l'égalité des territoires (CGET) a réaffirmé sa volonté de voir ce dispositif s'étendre. L'enjeu pour accompagner ces publics est en second lieu d'outiller les administrations chargées de la dématérialisation des démarches et de les acculturer à la démarche d'inclusion. Parmi les dispositifs disponibles : - la direction interministérielle du système d'information et de communication de l'État (DINSIC) accompagne également quotidiennement les ministères dans la dématérialisation de leurs démarches en priorisant celles qui sont le plus utilisées par les citoyens. Une attention particulière est portée sur l'expérience utilisateur et le parcours des usagers ; - le programme « Cerfa numérique » comprend plus de 30 critères de qualité dont 9 visent spécifiquement à lutter contre l'exclusion numérique et à faciliter le travail des médiateurs ; - le site démarches-simplifiées.fr fournit un « kit » de dématérialisation rapide à destination des administrations. Afin de lutter durablement contre l'illectronisme, la DINSIC s'est aussi engagée dans une véritable politique d'amélioration de « l'expérience utilisateur » visant à faire progresser la qualité intrinsèque des démarches administratives. Pour cela, elle a : - mis en place une « communauté UX » au sein de l'État, afin d'insuffler les compétences et la culture UX au sein des administrations et d'améliorer le parcours des utilisateurs de services publics en ligne ; - développé « Monavis.numérique.gouv.fr », qui permet aux utilisateurs d'exprimer leur avis sur une démarche dématérialisée, et sert ainsi de tableau de bord de la dématérialisation des procédures administratives ; - lancé un programme de « Designers d'intérêt général ». Financé par le Programme d'Investissements d'Avenir à hauteur de 1,5M€ pour 2019, ce programme sélectionne les meilleurs projets d'amélioration UX des services publics en ligne et recrute une promotion de designers qui devra résoudre les défis lancés par l'administration en un temps donné ; - créé des cadres de références à destination des administrations pour les aider assurer la qualité de leur démarche dématérialisée. On compte par exemple les « 10 principes d'une démarche en ligne exemplaire » ou encore le Référentiel d'accessibilité pour les administrations. En dernier lieu, le Gouvernement a fait de l'amélioration de la couverture numérique (accès à internet sur les réseaux fixes comme couverture mobile) une priorité de son action au service de la cohésion et de la compétitivité des territoires. Le 12 janvier 2018, l'État et quatre opérateurs de téléphonie mobile ont ainsi signé un accord ayant pour objectif de généraliser la couverture mobile de qualité pour l'ensemble des Français. L'accord prévoit : - la fin des zones blanches : en 3 ans, autant de zones seront traitées qu'avec l'ensemble des programmes gouvernementaux depuis 15 ans, chaque opérateur s'étant engagé à fournir 5 000 installations supplémentaires ; - la généralisation de la 4G, avec d'ici 2020, plus de 10 000 communes passant de la 2G ou la 3 G à la 4G ; - l'accélération de la couverture mobile des axes de transport, notamment sur les lignes TER ; - l'amélioration de la qualité de service : pour être considérée comme couverte, une zone devra bénéficier d'un service de bonne qualité ; - la généralisation de la couverture téléphonique à l'intérieur des bâtiments, notamment en utilisant la voix sur Wifi. S'agissant des infrastructures numériques fixes, le Gouvernement a renforcé le Plan France très haut débit en sécurisant les engagements de déploiement des opérateurs privés Orange et SFR sur près de 13 millions de locaux (zones urbaines et péri-urbaines) et en consolidant 3,3 milliards d'euros de soutien aux projets portés par les collectivités territoriales, afin de permettre le déploiement du très haut débit (> 30 Mb/s) pour tous les habitants d'ici fin 2022 tout en garantissant un accès à un bon haut débit (> 8 Mb/s) dès 2020.