15ème législature

Question N° 18740
de Mme Frédérique Tuffnell (La République en Marche - Charente-Maritime )
Question écrite
Ministère interrogé > Transports
Ministère attributaire > Transports

Rubrique > transports par eau

Titre > Vulnérabilités sur la chaîne d'approvisionnement des navires porte-conteneurs

Question publiée au JO le : 09/04/2019 page : 3208
Réponse publiée au JO le : 06/07/2021 page : 5418
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

Mme Frédérique Tuffnell appelle l'attention de Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, sur la chaîne de la logistique d'approvisionnement des navires porte-conteneurs. Le 12 mars 2019, le Grande America, navire italien hybride entre un roulier et un porte-conteneurs, a coulé au large des côtes atlantiques avec des matières dangereuses et 2 200 tonnes de fioul lourd dans ses soutes, après un incendie à bord. Une nappe d'hydrocarbures se dirigeait vers les côtes françaises. Cet accident illustre malheureusement très concrètement les risques des porte-conteneurs que Vigipol, syndicat mixte de protection du littoral breton, a pointé en novembre 2018 dans une analyse détaillée. Contrairement aux autres types de transport tels que les tankers et les vraquiers qui au fil du temps ont fait l'objet d'un encadrement sécuritaire évolutif cohérent, cinquante ans après son apparition le transport maritime conteneurisé n'est pas maîtrisé. Le rapport Vigipol démontre la vulnérabilité de ce type de transport, il y a des maillons faibles sur la chaîne de la logistique d'approvisionnement des navires, à commencer par les fausses déclarations sur la nature des marchandises transportées qui constituent parfois un réel danger pour le navire et son équipage, sans que le capitaine ou l'armateur soit au courant. Il y a aussi la pression commerciale sur les délais, il faut aller le plus rapidement possible d'un point A à un point B, ce qui peut amener à bâcler certaines tâches essentielles, comme l'empotage (l'opération de chargement et de répartition des marchandises à l'intérieur) du conteneur. Enfin, il y a le gigantisme de ces navires depuis une quinzaine d'années. En 2003, la moyenne des porte-conteneurs était de 200 mètres de long avec 1 400 conteneurs, pour atteindre ensuite jusqu'à 12 000 conteneurs. Maintenant, les Chinois construisent des porte-conteneurs de 400 m de long avec 22 000 boîtes. Des solutions sont proposées par Vigipol pour réduire les risques, comme par exemple l'identification plus facile des conteneurs transportant des matières dangereuses, le renforcement de contrôles et d'inspection des conteneurs transportant de ces conteneurs. Par conséquent, elle lui demande les réflexions que le Gouvernement entend engager pour renforcer la sécurité sur la chaîne de la logistique d'approvisionnement des navires porte-conteneurs.

Texte de la réponse

Les conteneurs perdus en mer représentent à la fois un risque pour l'environnement marin, en fonction des marchandises qu'ils contiennent, et un danger pour la navigation et la pêche. Lorsque des pertes de conteneurs sont signalées, des mesures conservatoires sont prises par les préfets maritimes, sous la forme de mise en demeure adressées aux transporteurs, à des fins de localisation puis d'enlèvement des conteneurs. En outre, une information de sécurité est diffusée sous forme d'avis urgents aux navigateurs. Bien que nécessaires, ces mesures d'urgence ne sont toutefois pas suffisantes et il convient effectivement d'agir au niveau international pour permettre d'améliorer la sécurité du transport des conteneurs. La France, comme la plupart des États côtiers, a en effet observé une augmentation des pertes de conteneurs provenant de navires en transit dans les eaux relevant de sa juridiction lors des tempêtes successives de l'hiver 2013-2014, avec un nombre record de 598 conteneurs tombés à la mer dont seulement 21 avaient pu être récupérés. C'est dans ce contexte que la France a déposé en 2014 avec l'Espagne une proposition à l'Organisation maritime internationale (OMI), afin de promouvoir plusieurs mesures techniques permettant de réduire le risque et les conséquences des pertes de conteneurs : obligation de notification des pertes selon une procédure normalisée, renforcement des mesures relatives à la saisie des conteneurs à bord des navires, installation de capteurs, adoption de cap et vitesse appropriés selon l'état de la mer… Cette soumission a été formulée, alors que l'OMI était engagée dans un processus d'amendement à la convention internationale relative à la sauvegarde de la vie humaine en mer, lequel a permis d'introduire une nouvelle disposition déterminante pour réduire les chutes de conteneurs : le pesage obligatoire des conteneurs. La base de données internationale des conteneurs a également été mise en place par le Bureau international des conteneurs et du transport intermodal, ce qui permet le suivi du parc au niveau mondial. Les travaux actuellement menés par l'OMI en matière de lutte contre les déchets plastiques, initiative résultant également d'une proposition conjointe de la France et de l'Espagne en août 2017, intègrent aussi des dispositions particulières sur le sujet des pertes de conteneurs et les moyens d'y remédier. À ce titre, la France a proposé à la Commission européenne de porter une proposition de nouveau résultat au programme de travail de l'OMI sur la détection, le signalement, le suivi et la récupération des conteneurs tombés à la mer. Cette proposition s'est heurtée à une opposition de plusieurs États membres, mais a finalement été portée par le Vanuatu. La proposition devait être débattue au comité de la sécurité maritime de mai 2020 qui a été repoussé en raison de la crise du Covid-19. Elle sera à l'ordre du jour du prochain comité. Afin de préparer les mesures concrètes qui pourraient être mises en œuvre si le résultat est porté au programme de travail, une étude a été commandée au CEREMA visant à recenser les solutions technologiques disponibles. La France porte également au prochain comité une proposition visant à rendre obligatoire les dispositifs de remorquage d'urgence à bord de tous les navires de grande dimension. Ce type de dispositif visant à prévenir les échouements en cas de problème de propulsion est déjà obligatoire pour les navires-citernes. La tendance au gigantisme des navires rend ce type de dispositif également pertinent pour permettre une assistance efficace aux grands porte-conteneurs, vraquiers ou paquebots. Une évaluation du risque fondée sur l'étude de l'évolution de la taille des navires dans le détroit du Pas-de-Calais a également été produite à l'appui de cette proposition. Enfin, des travaux ont été engagés par les groupements d'assureurs et les sociétés de classification visant à améliorer les règles de prévention et de lutte contre les incendies à bord des porte-conteneurs dont les conséquences sont souvent dramatiques. La France y participe activement.