15ème législature

Question N° 18785
de M. Paul-André Colombani (Libertés et Territoires - Corse-du-Sud )
Question écrite
Ministère interrogé > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > bois et forêts

Titre > Necessité d'un cadre juridique pour les biens non délimités

Question publiée au JO le : 16/04/2019 page : 3381
Réponse publiée au JO le : 04/06/2019 page : 5184
Date de changement d'attribution: 23/04/2019

Texte de la question

M. Paul-André Colombani interroge Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur le cadre juridique posé par la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 pour le régime des biens non délimités. Cette loi est venue annuler la règle de l'unanimité pour les indivisions, et prévoit à la place la majorité simple pour les décisions de gestion courante et la majorité des deux tiers pour les décisions de dispositions. Toutefois, cette loi reste silencieuse pour les modalités de gestion des biens non délimités. Les biens non délimités ne font pas l'objet d'une définition juridique. Cette absence de cadre juridique pour les biens non délimités est assez problématique dans leur gestion et notamment pour la gestion des forêts. En effet, pour donner son agrément aux plans simples de gestion, obligatoire au-delà des 25 hectares, le centre régional de la propriété forestière exige, pour les actes de gestion ou de disposition, l'unanimité de tous les propriétaires au sein de la même parcelle. De ce fait, la nécessité de l'unanimité peut empêcher l'exploitation de forêts par des groupes forestiers. La jurisprudence est venue poser un cadre juridique pour les biens non délimités. En effet, dans deux de ses arrêts la cour d'appel de Toulouse considère qu'une parcelle en bien non délimité est constitutive d'une indivision forcée et que cette qualification n'est pas incompatible avec la notion de bien non délimité. Elle considère également que l'installation d'une clôture par un des copropriétaires n'est pas une occupation abusive ou illicite d'une partie du bien. Cependant, la jurisprudence ne permet pas de déduire que l'accord unanime des autres propriétaires est nécessaire pour la gestion de leurs biens sous le régime des biens non délimités. À l'inverse, en rapprochant le régime des biens non délimités du régime de l'indivision, la cour permet l'application de nouvelles règles pour le régime des biens non délimités. Il l'interroge sur l'opportunité de définir un cadre juridique pour le régime des biens non délimités afin de pallier les difficultés que cela peut poser notamment en matière d'exploitation forestière.

Texte de la réponse

Un « bien non délimité » est un ensemble de propriétés, de contenance déterminée, dont les limites séparatives n'ont pu, faute de détermination contradictoire, être portées au plan cadastral lors de la rénovation du cadastre ou après cette rénovation. Il s'ensuit que figure au plan cadastral une parcelle unique représentant le contour de l'ensemble des propriétés contiguës. Cette absence de détermination des limites de propriété au plan cadastral recouvre, au regard du droit civil, des situations juridiques diverses qui appellent de la part des juridictions judiciaires, des réponses adaptées à chaque cas d'espèce. Pour mettre fin à cette situation d'indétermination des limites de propriété, le droit civil offre principalement deux voies procédurales distinctes. Lorsque l'absence de délimitation du bien résulte d'un conflit entre les propriétaires sur l'emplacement et la matérialisation des limites de propriété, sans que le litige ne porte sur la consistance des droits de propriété en cause, le litige pourra être tranché dans le cadre d'une action en bornage portée devant le tribunal d'instance. Lorsque la situation de « bien non délimité » résulte d'un conflit entre propriétaires sur la consistance même des droits de propriété en cause, le tribunal de grande instance sera seul compétent pour trancher le litige portant sur la propriété immobilière, que ce soit par exemple, dans le cadre d'une action en partage ou d'une action en revendication. En revanche, les propriétaires peuvent se retrouver dans l'impossibilité d'obtenir judiciairement la fixation de la ligne divisoire entre les parcelles composant le « bien non délimité », lorsque le tribunal de grande instance, appréciant souverainement la situation, constate que la parcelle en cause constitue un accessoire indispensable aux immeubles voisins, caractérisant, au regard du droit civil, une indivision forcée perpétuelle (v. en ce sens CA Angers, 3 juillet 2012, n° 10/03030 ; CA Rennes, 6 novembre 2016, n° 15/03974). L'accord unanime des indivisaires est alors requis pour mettre fin à cette indivision. Ainsi, les outils juridiques offerts par le droit civil permettent de lever les difficultés de fixation des limites à l'intérieur d'un « bien non délimité ».