Question écrite n° 18791 :
Conformité du décret n° 2019-177 au Protocole OMS

15e Législature

Question de : M. François-Michel Lambert
Bouches-du-Rhône (10e circonscription) - Libertés et Territoires

M. François-Michel Lambert attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur la conformité du décret n° 2019-177 au protocole OMS sur le tabac. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a élaboré un protocole « pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac » adopté à Séoul le 12 novembre 2012. Son article 8 impose notamment aux parties de mettre en place un dispositif de traçabilité des produits du tabac pour mettre fin au commerce parallèle de tabac. Ce protocole a été signé par l'UE le 20 décembre 2013 et ratifié le 24 juin 2016. Il est entré en vigueur au plan international le 25 septembre 2018 après qu'il eut été ratifié par plus de 40 pays. Il l'est aujourd'hui par plus de 50 pays, dont la France. Les dispositions communautaires et leurs mesures d'application prises en France ne semblent néanmoins pas compatibles avec les termes du protocole de l'OMS. Les dispositions de ce protocole, entrées en vigueur le 25 septembre 2018, et qui s'imposent au droit européen comme au droit français, prévoient, pour des raisons évidentes, une indépendance stricte du système à l'égard des professionnels du tabac. Or il se trouve que dans les textes européens, seule l'émission de l' « identifiant unique » (UID) est de la compétence des États, alors qu' un très grand nombre d'éléments du système sont laissés à la discrétion des producteurs et des importateurs de tabac : marquage du code sur les paquets de tabac, authentification de ce marquage, choix des sociétés chargées du stockage des données relatives au tabac. Plus grave, des cinq sécurités requises, une seule doit être choisie chez un fournisseur « indépendant ». En d'autres termes, c'est à ceux-là mêmes qui sont, pour l'essentiel, à l'origine du commerce illicite (les producteurs de tabac) que l'on confie la responsabilité du contrôle destiné à y mettre fin. Par un décret en date du 8 mars 2019, le pouvoir réglementaire a justement entendu confier à l'imprimerie nationale un monopole sur l'impression des identifiants uniques aux fins de meilleure traçabilité. Néanmoins, ce décret ne se borne qu'à fixer le régime de l'impression des identifiants sans fixer les modalités de distribution et d'apposition de ceux-là sur les paquets de tabac au risque de faire intervenir indirectement les industries de tabac. Il lui demande par conséquent si la France compte rétablir un système de traçabilité en conformité avec l'exigence du protocole OMS et par voie de conséquence de la conformité du décret sus-mentionné avec le protocole.

Réponse publiée le 4 juin 2019

La directive 2014/40/UE du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac a prévu la mise en place d'un système de traçabilité et de sécurité indépendants de l'industrie du tabac et supervisé par l'État. Plus précisément, les règlements d'exécution (UE) 2018/574 et (UE) 2018/576 et le règlement délégué (UE) 2018/873 instaurent l'obligation d'apposer sur chaque unité de conditionnement des produits du tabac mis sur le marché français :  - un identifiant unique permettant à l'État d'effectuer des contrôles en temps réel sur l'ensemble de la chaîne logistique, dans la mesure où le dispositif prévoit un enregistrement et un encodage pour tous les opérateurs économiques, du fabricant (chaque usine et même plus précisément chaque chaîne de production) jusqu'au détaillant. Ces informations sont enregistrées au niveau central, via des hébergeurs de données, qui répondent tous aux mêmes exigences d'indépendance vis-à-vis de l'industrie du tabac. Enfin, le générateur d'identifiants uniques, choisi par l'État, doit lui-même être totalement indépendant des fabricants ;  - une vignette de sécurité composé de cinq types d'éléments authentifiants, dont au moins un élément apparent, un élément semi-apparent et un élément non apparent. Ces éléments sont déterminés par chaque État membre, et en aucun cas par l'industrie du tabac. Seul le choix des fournisseurs techniques de ces éléments appartient aux fabricants et importateurs, et au moins un de ces éléments doit être fourni par un tiers indépendant de l'industrie du tabac. Ces dispositions sont pleinement compatibles avec le protocole de l'organisation mondiale de la Santé (OMS) qui ne prévoit, à la différence de la directive 2014/40, qu'un dispositif de traçabilité : son article 8, qui consacre le principe d'indépendance, n'interdit pas aux fabricants et importateurs d'intervenir dans la mise en œuvre des obligations imposées aux parties, dès lors que le système de traçabilité et d'authentification a été défini par les autorités compétentes, qu'il fait l'objet d'un contrôle par celles-ci et que les identifiants sont délivrés par un tiers indépendant et désigné par l'État. C'est dans ce cadre que le décret n° 2019-177 du 8 mars 2019 relatif aux identifiants pour la traçabilité des produits du tabac pris en application de l'article 2 de la loi n° 93-1419 du 31 décembre 1993 relative à l'Imprimerie nationale a désigné l'Imprimerie nationale comme seule entité autorisée à générer les codes identifiants uniques qui seront apposés sur les unités de conditionnement pour le dispositif de traçabilité. Les modalités techniques de livraison et d'apposition de ces codes sont précisément décrites dans la réglementation communautaire, qui prévoit en outre un délai de validité des codes et un dispositif anti-manipulation permettant de garantir que chaque unité de conditionnement supporte un code unique, référencé et lisible. L'imprimerie nationale sera donc chargée : - de délivrer les identifiants pour l'ensemble des opérateurs économiques, du fabricant (chaque usine et même plus précisément chaque chaîne de production) jusqu'au détaillant ;  - d'enregistrer l'ensemble de ces identifiants et l'ensemble des mouvements des produits du tabac, via des hébergeurs de données. Ainsi, à chaque étape de la chaîne logistique, chaque acteur fait remonter une information en temps réel sur la situation du produit. Toutes ces données deviennent immédiatement accessibles aux autorités de contrôle, et notamment aux services douaniers. Les contrats de stockage des données que doivent contracter les fabricants et importateurs sont soumis aux dispositions du règlement délégué (UE) 2018/573. Celui-ci impose l'indépendance juridique et financière de l'hébergeur de données et prévoit les conditions dans lesquelles les auditeurs externes approuvés par la Commission peuvent procéder à des contrôles, y compris inopinés. Ces contrats ont été notifiés à la Commission européenne qui peut approuver ou rejeter le fournisseur et/ou le contrat. Le dispositif de traçabilité mis en œuvre par la France est donc totalement compatible avec les dispositions de la directive 2014/40 et du protocole de l'OMS. Ces deux textes, qui présentent en effet quelques différences, sont en effet totalement compatibles entre eux, et la France appliquera l'un comme l'autre. S'agissant du dispositif de sécurité, la combinaison d'éléments authentifiants retenue par la France le 17 septembre 2018, au terme d'une évaluation multi-critères conduite avec l'aide d'experts indépendants et cohérente avec les choix des autres États membres, garantit un très haut niveau de sécurité : encre optique variable, papier inerte aux UV, encre UV, micro-impression et traceur moléculaire. Il est à souligner que ce dispositif anti-contrefaçon n'est pas prévu par le Protocole de l'OMS, mais uniquement par l'article 16 de la directive et le règlement qui en découle. Il vient donc compléter et renforcer les capacités de lutte contre la fraude au sein de l'Union européenne.

Données clés

Auteur : M. François-Michel Lambert

Type de question : Question écrite

Rubrique : Commerce et artisanat

Ministère interrogé : Action et comptes publics

Ministère répondant : Action et comptes publics

Dates :
Question publiée le 16 avril 2019
Réponse publiée le 4 juin 2019

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