15ème législature

Question N° 1913
de M. Philippe Huppé (La République en Marche - Hérault )
Question écrite
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > santé

Titre > Prévention en matière d'alcool

Question publiée au JO le : 10/10/2017 page : 4810
Réponse publiée au JO le : 30/01/2018 page : 816

Texte de la question

M. Philippe Huppé attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les conclusions d'un rapport intitulé « Avis d'experts relatif à l'évolution du discours public en matière de consommation d'alcool en France » mandaté par l'Institut national du cancer (INCa) et Santé publique France en 2016 et repris par La Ligue contre le cancer dans son magazine Vivre que les parlementaires ont reçu. Si la stratégie de prévention est un élément indispensable d'une lutte réussie contre une maladie extrêmement meurtrière comme l'est le cancer, il semble que cet « Avis », dans son message contre les risques liés à l'alcool, rate sa cible en pointant du doigt, une fois encore, le vin, dans toutes ses formes de consommation, y compris modérée, considérant que « Toute consommation d'alcool comporte des risques pour votre santé ». Les préconisations qui sont détaillées dans ce rapport vont en effet à l'encontre des avis de la majeure partie de la communauté scientifique à ce sujet : les problèmes de santé liés à l'alcool sont dus à l'abus et non à une consommation modérée. Les auteurs semblent justifier leur opinion en inventant des oppositions qui n'existent pas entre les enjeux de santé publique et la filière viticole. Sur ce sujet, un équilibre a été trouvé pour préserver cet élément fondamental du patrimoine français, et s'il était rompu, le vin, « ce formidable atout pour le rayonnement de la France » selon les mots du Président de la République, s'en trouverait irréversiblement bouleversé. Les auteurs de cet avis recommandent ainsi « d'appliquer à l'ensemble des boissons alcoolisées le taux d'imposition minimum le plus élevé, c'est-à-dire celui des spiritueux ». Pour les vins de l'Hérault par exemple, cela reviendrait à tripler le prix moyen d'une bouteille, engendrant inévitablement un désastre économique pour les vignerons. Par ailleurs, ce groupe d'experts considère que l'avertissement réglementaire obligatoire « l'abus d'alcool est dangereux pour la santé » ne serait plus de circonstance en précisant que « ce n'est pas l'« abus d'alcool » qui est à risque mais une consommation même faible ». Ainsi, ils préconisent qu'un nouvel avertissement réglementaire soit imposé, tel que « Toute consommation d'alcool comporte des risques pour votre santé ». C'est ce même message que ces experts voudraient voir également apposé sur les étiquettes des bouteilles de vin. Ces étiquettes devraient, toujours selon eux, voir également mentionnés un logo de prévention à destination des femmes enceintes plus visible que celui auquel la filière a déjà consenti, mais aussi le nombre de verres standards auxquels correspond une bouteille de vin ou encore le nombre de calories par verre standard. Enfin, depuis quelques années, un équilibre a semble-t-il été trouvé dans la loi Évin entre les enjeux de santé contemporains et les efforts consentis par la filière viticole sur la question publicitaire, pourtant l'avis « recommande que l'encadrement de la publicité pour les boissons alcoolisées sur Internet soit renforcé » par une nouvelle modification de cette loi, que le Président de la République a considéré, dans sa version initiale, comme « un excès qui ne permettait plus à qui que ce soit de valoriser les terroirs ». Même avec bénévolence, M. le député reste surpris de la teneur de cet « Avis » qui lui semble orienté. Ainsi, il voudrait connaître son opinion sur ce rapport, issu du précédent gouvernement, et si elle a l'intention d'en suivre les préconisations.

Texte de la réponse

La consommation d'alcool en France est estimée à 11,6 litres d'alcool pur par habitant, soit environ 2,5 verres de 10 g d'alcool par jour et par habitant. Si cette consommation est en baisse depuis plusieurs années, elle demeure néanmoins l'une des plus élevées en Europe et dans le monde. Près d'un adulte sur deux consomme de l'alcool au moins une fois par semaine et 10 % chaque jour, en particulier les plus de 50 ans. Les plus jeunes consomment moins régulièrement mais de façon plus excessive et ponctuelle, avec des épisodes d'ivresse (« binge drinking »). La consommation nocive d'alcool peut conduire à la dépendance et altérer la santé et la qualité de vie, pour soi comme pour les autres. Ainsi, l'alcool est aujourd'hui en France la deuxième cause de mortalité prématurée évitable, après le tabac. Il est responsable de 49 000 décès par an en France, dont 15 000 décès par cancers. Enfin, l'alcool est également à l'origine de 29% des décès par accident de la route (3477 tués sur les routes, donc plus de 1000 morts dus à l'alcool). Face à ces constats, le ministère des solidarités et de la santé et la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) ont saisi conjointement, en juin 2016, Santé Publique France et l'Institut national du cancer (INCa) afin que ces deux agences réfléchissent aux modalités de communication les plus pertinentes pour agir sur les connaissances et les perceptions collectives. Il est en effet de la responsabilité des autorités sanitaires de mettre à la disposition du grand public les informations qui lui permettront de faire des choix éclairés pour sa santé. Il s'agit de promouvoir un discours neutre fondé sur des données probantes, et s'inscrivant dans le cadre d'une démarche d'information et de réduction des risques. L'avis d'experts relatif à l'évolution du discours public en matière de consommation d'alcool en France, publié en mai 2017, a formulé un certain nombre de recommandations fondées sur des données scientifiques analysées et référencées dans le document. Il rappelle notamment que même une consommation faible d'alcool augmente le risque de cancer, indépendamment du type de boisson alcoolique consommée. En outre, l'avis d'experts recommande d'améliorer la visibilité du pictogramme « femmes enceintes » présents sur les unités de conditionnement des boissons alcooliques. Cette préconisation est conforme avec la décision du comité interministériel du handicap de décembre 2016 et constituera l'une des mesures du volet « prévention » de notre stratégie nationale de santé. En effet, l'exposition à l'alcool pendant la grossesse constitue la première cause non génétique de handicap mental chez l'enfant, et il est de notre responsabilité de veiller à ce qu'une information claire soit délivrée aux femmes enceintes ainsi qu'aux femmes en âge de procréer. Concernant l'encadrement des pratiques publicitaires, une réflexion doit être menée en concertation avec la MILDECA pour identifier les leviers les plus efficaces pour protéger les jeunes face à la diffusion massive de publicités en faveur des boissons alcooliques sur internet.