15ème législature

Question N° 19156
de M. Éric Ciotti (Les Républicains - Alpes-Maritimes )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > crimes, délits et contraventions

Titre > Article 730-2 du code de procédure pénale

Question publiée au JO le : 30/04/2019 page : 4011
Réponse publiée au JO le : 21/05/2019 page : 4805

Texte de la question

M. Éric Ciotti interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'article 730-2 du code de procédure pénale modifié par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. Cette loi a supprimé l'obligation de recueillir l'avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté dans le cadre des procédures d'octroi d'une libération conditionnelle concernant les peines mentionnées à l'article 730-2 du code de procédure pénale. Cette suppression pourrait se traduire par une moindre prise en considération de la dangerosité des individus condamnés à des peines lourdes. Il lui demande comment elle entend résoudre cette difficulté.

Texte de la réponse

La commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (CPMS) a été instaurée par la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 pour rendre un avis préalable au prononcé d'un placement sous surveillance électronique mobile. La loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 a rendu l'avis de la commission facultatif dans cette hypothèse ainsi que dans celle d'une surveillance judiciaire. Par ailleurs, les lois n° 2008-174 du 25 février 2008 et n° 2011-939 du 10 août 2011 ont élargi le champ d'intervention de la CPMS en prévoyant sa saisine obligatoire, pour avis, par les juridictions de l'application des peines préalablement à la surveillance de sûreté, à la rétention de sûreté ainsi qu'à l'occasion de l'examen des libérations conditionnelles concernant certains condamnés. Dans cette dernière hypothèse, il s'agissait des personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité, à une peine d'emprisonnement ou de réclusion criminelle égale ou supérieure à 15 ans pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru, et à une peine d'emprisonnement ou de réclusion criminelle égale ou supérieure à 10 ans pour une infraction mentionnée à l'article 706-53-13 du code de procédure pénale (CPP). Afin de rendre son avis, la CPMS devait demander le placement du condamné au centre national d'évaluation (CNE) pour réalisation d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale. La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a modifié l'article 730-2 du CPP pour permettre au tribunal de l'application des peines d'octroyer une libération conditionnelle aux condamnés susmentionnés directement après évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues et assortie d'une expertise médicale, supprimant ainsi l'obligation de recueillir l'avis de la CPMS à cette occasion. L'étude d'impact du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice mentionnait que cette suppression participait de la simplification de la procédure d'octroi d'une libération conditionnelle, précisant qu'un « tel avis est en effet inutile puisqu'est déjà exigé une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues et assortie d'une expertise médicale ». Effectivement, l'avis rendu par la CPMS ne liait pas le tribunal de l'application des peines sur la décision à intervenir, et il était possible pour la juridiction de passer outre l'absence de cet avis lorsqu'il n'avait pas été rendu dans un délai de six mois à compter de sa saisine, ce qui allongeait les délais d'instruction. Par ailleurs, si la CPMS est notamment composée d'un représentant d'une association d'aide aux victimes en application de l'article R. 61-8 du CPP, il convient d'observer que la suppression de l'avis de cette commission n'est pas de nature à amoindrir la prise en compte par la juridiction d'application des peines de l'intérêt des victimes à l'occasion de l'examen de la libération conditionnelle d'une personne condamnée à une longue peine. En effet, si les juridictions de l'application des peines doivent de manière générale, préalablement à toute décision entrainant la cessation temporaire ou définitive de l'incarcération d'une personne condamnée à une peine privative de liberté, prendre en considération les intérêts de la victime ou de la partie civile au regard des conséquences pour celle-ci de cette décision et peuvent à ce titre lui permettre de présenter ses observations par écrit (article 712-16-1 du CPP), les articles 730 alinéa 4 et D. 49-74 alinéa 3 du CPP permettent spécialement, pour les demandes de libération conditionnelle concernant des personnes condamnées à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à 5 ans ou à une peine de réclusion, à l'avocat de la partie civile d'assister au débat contradictoire et de présenter ses observations. Cette suppression de l'avis de la CPMS à l'occasion des demandes de libération conditionnelle a donc pour effet de recentrer l'activité de ces commissions sur le prononcé des mesures de sûreté, sans altérer nullement la prise en compte de la dangerosité des personnes condamnées à des peines lourdes.