15ème législature

Question N° 19263
de Mme Marie-France Lorho (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > sécurité routière

Titre > À quand la fin des 80 km/h ?

Question publiée au JO le : 30/04/2019 page : 3984
Réponse publiée au JO le : 15/09/2020 page : 6302
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

Mme Marie-France Lorho appelle l'attention de M. le Premier ministre sur la mesure relative à la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes nationales et départementales bidirectionnelles. Le grand débat désormais achevé, les conclusions et restitutions sont diverses et font elles-mêmes l'objet d'un débat quant à leur authenticité et leur fiabilité. Pour autant la revendication des Français concernant l'abolition des 80 km/h préexistait au grand débat comme au mouvement des « gilets jaunes » et demeure aujourd'hui encore l'une de leurs préoccupations. Face à leurs réticences, M. le Premier ministre avait lui-même annoncé être prêt à revenir sur cette mesure. Pourtant rien n'a été fait. Au contraire, dans l'optique de défendre la mesure, M. le Premier ministre a fait état de 116 vies épargnées grâce aux 80 km/h. Sans tenir compte du fait que ce chiffre est loin des 300 à 400 vies promises, il apparaît, de surcroît, qu'il est à ce jour impossible de trouver les chiffres de la sécurité routière sur les tronçons limités à 80. En effet la sécurité routière n'isole pas les données de ces tronçons dans ses bilans d'accidentalité. M. le Premier ministre se base sur le chiffre des « tués » sur le réseau routier « hors agglomération » et « hors autoroutes » sans considérer que ce réseau comporte différentes limitations de vitesse bien différentes. On s'interroge donc sur l'exactitude de ses chiffres et surtout sur leur source. De même lorsqu'il évoque 2018 comme étant une année historique avec seulement 3 259 tués, c'est sans compter les territoires d'outre-mer qui ont compté, en 2018, 227 tués, ce qui nous amène à un chiffre de 3 486 tués en 2018, chiffre supérieur aux 3 268 tués en 2013. Le caractère « historique » de cette mesure est donc plus que relatif si ce n'est mensonger. Alors, la colère générale a dégradé 60 % des radars sur le territoire national. Des enregistrements de vitesse démontrent à cette occasion une hausse de la vitesse. Pourtant, malgré cette hausse de la vitesse, les données d'accidentalité et de mortalité des mois de novembre et décembre 2018 sont meilleurs en moyenne que celles des mois de novembre et décembre des cinq dernières années. Il n'y a pas de lien systématique entre vitesse et mortalité routière. Sans limitation de vitesse, les conducteurs se rapprochent de la vitesse naturelle de circulation dictée par les circonstances et non par la seule limite réglementaire. Les conducteurs ne se concentrent plus sur la présence de radars sur les accotements mais uniquement sur la route lorsqu'ils savent qu'il n'y a pas de radars. La politique de sécurité routière ultra-répressive exaspère les Français depuis longtemps est n'est pas toujours justifiée. Le racket permanent dont sont victimes les automobilistes français, est, au même titre que la pression fiscale, le symbole d'une fracture entre un Gouvernement sourd et aveugle et des administrés asphyxiés. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour remédier à cet état de fait ? Elle lui demande quand le Gouvernement reviendra sur la politique des 80 km/h dont il est établi que les Français y sont défavorables.

Texte de la réponse

Conformément aux orientations du comité interministériel de la sécurité routière (CISR) du 9 janvier 2018, le Gouvernement a décidé en 2018 de fixer à 80 km/h la vitesse maximale autorisée sur les routes à double sens sans séparateur central. Cette décision a été prise sur la base des recommandations des experts du conseil national de la sécurité routière (CNSR), elles-mêmes fondées sur plus de 500 études dans le monde occidental, qui ont estimé le bénéfice entre 300 et 400 vies épargnées par an. Une clause de rendez-vous au 1er juillet 2020 a été instaurée afin d'étudier avec précision et objectivité l'impact sur l'accidentalité de cette mesure. Les résultats positifs qui ont suivi la mise en œuvre, le 1er juillet 2018, du décret n° 2018-487 du 15 juin 2018 relatif aux vitesses maximales autorisées démontrent la pertinence de cette mesure nationale. Lors du CNSR qui s'est tenu le 9 juillet 2019, le ministre de l'intérieur a rappelé qu'un an après sa mise en œuvre, la mesure d'abaissement de la vitesse maximale autorisée (VMA) à 80 km/h sur la partie la plus accidentogène du réseau routier a permis d'épargner, selon les chiffres encore provisoires de l'observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), 206 vies humaines par rapport à la moyenne des cinq dernières années (2013 – 2017) alors même que le trafic routier inscrit une hausse d'environ + 7 % entre 2013 et 2018 et que le mouvement sans précédent de vandalisme des radars apparu à la mi-novembre 2018 a fortement pesé sur les vitesses pratiquées. D'autres éléments sont à retenir de l'évaluation de la mesure à 12 mois par le centre d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) : - sur le réseau passé à 80 km/h, la vitesse pratiquée des véhicules légers a chuté dès le dimanche 1er juillet 2018 de - 3,9 km/h (en comparant juin et septembre 2018). Les vitesses pratiquées sont restées globalement stables jusqu'en novembre, avant de connaître une remontée de + 1 km/h. Les vitesses pratiquées sur le réseau après le 1er juillet 2018 restent à la baisse, une baisse qui s'établit à - 3 km/h par rapport à juin 2018. Sur les premiers mois de la mesure, avant le vandalisme des radars, les résultats ont globalement correspondu aux prévisions ; - une des principales inquiétudes des Français lors de la mise en place de la mesure résidait dans la perte de temps générée par cette baisse de vitesse sur des trajets quotidiens. Toutefois, il apparaît que l'allongement du temps de parcours, depuis le 1er juillet 2018, est de l'ordre en moyenne d'une seconde au kilomètre. Il a même été constaté un gain de temps de la même entité sur 34 % des itinéraires observés. En outre, aucun « effet de peloton », c'est-à-dire de files de véhicules, n'a été observé à l'aide des radars mesurant les intervalles entre les véhicules, contrairement aux craintes ou au ressenti exprimés ; - dans le cadre de son évaluation, le CEREMA a également conduit une enquête IPSOS relative au ressenti des usagers en interrogeant un panel représentatif des Français âgés de 18 ans et plus (84 % des interrogés conduisent sur les routes concernées par la mesure), avant et après le passage de la mesure. 40 % se disent favorables à la mesure (versus 30 % avant son application), 25 % y sont encore aujourd'hui opposés (versus 40 % avant son application) et 76 % déclarent respecter le plus souvent ou systématiquement la nouvelle limitation de vitesse. Il convient de souligner que l'article 36 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités a ouvert aux présidents de conseils départementaux, ainsi qu'aux maires et présidents d'établissement public de coopération intercommunale, la possibilité de fixer sur certaines portions de leur domaine routier la vitesse maximale autorisée à 90 km/h.