15ème législature

Question N° 19380
de M. Pierre-Henri Dumont (Les Républicains - Pas-de-Calais )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > impôts et taxes

Titre > Instruments de la fiscalité agricole

Question publiée au JO le : 07/05/2019 page : 4207
Réponse publiée au JO le : 18/06/2019 page : 5568

Texte de la question

M. Pierre-Henri Dumont attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'évolution de la fiscalité agricole, et notamment sur la suppression du dispositif de déduction pour investissement (DPI). La déduction pour investissement (DPI), constitue, avec la déduction pour aléas (DPA), l'un des deux outils comptables créés il y a plusieurs années et mis à la disposition des exploitants agricoles. La DPI permet ainsi aux exploitants agricoles d'effectuer une réduction du montant des cotisations sociales et de l'impôt par soustraction d'une partie de leurs bénéfices (dans la limite du bénéfice imposable ou d'un plafond de 27 000 euros), en vue de financer dans les 5 ans qui suivent des stocks ou des parts de sociétés coopératives. Moins restrictif et plus souple que la déduction pour aléas (DPA), qui permet aux agriculteurs de se constituer une épargne en déduisant une fraction de leur bénéfice selon certaines conditions, la déduction pour investissement (DPI) est, à ce titre, largement plébiscitée par les agriculteurs. Ce dispositif est en effet bien plus avantageux pour l'exploitant agricole car il lui permet d'acquérir ou de créer des immobilisations amortissables nécessaires à l'activité de son exploitation. Cet outil profite à plus de 40 000 bénéficiaires, et représente une dépense fiscale de 87 millions d'euros. En somme, le dispositif de déduction pour investissement permet à des exploitants agricoles d'investir sans que cela ne vienne porter préjudice à l'équilibre financier de l'exploitation - un outil qui profite par ruissellement à la filière du bâtiment et du machinisme agricole, en France et en Europe. Pourtant, l'actuel Gouvernement est venu proposer dans son projet de loi de finances pour 2019, à l'article 18, la suppression de la déduction pour investissement (DPI) et de la déduction pour aléas (DPA), remplacés par une unique déduction pour épargne de précaution (DEP). Si il est vrai que certains agriculteurs ont pu abuser de ce dispositif, en faisant notamment l'acquisition de biens d'occasion qu'ils revendaient par la suite, amortissant l'achat d'outils neufs plus chers, n'aurait-il pas été plus sage de fixer un montant de financement, n'excédant pas la moitié de l'achat afin d'inciter au renouvellement du matériel et à la dynamisation des ventes de matériels agricoles ? Il l'interroge donc quant à l'orientation qu'entend prendre le Gouvernement en la matière, afin que ses choix en matière de fiscalité agricole, ne pénalise pas davantage un secteur déjà fragile.

Texte de la réponse

Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a conduit en 2018, en lien avec le ministère de l'économie et des finances, une réforme de la fiscalité agricole. À l'issue de plusieurs mois de concertation avec les parlementaires et les parties prenantes, cette réforme s'est traduite par un ensemble de mesures qui ont été adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2019. La mesure « phare » de cette réforme est la création d'un nouveau dispositif de déduction pour épargne de précaution (DEP). Il remplace la déduction pour aléas (DPA), dont les conditions d'utilisation trop contraignantes n'ont jamais permis le développement, et la déduction pour investissement (DPI) qui suite à des évolutions législatives intervenues en 2012 a été limitée à la production et acquisition de stocks à rotation lente et à l'acquisition de parts de sociétés de parts agricoles. En effet, depuis cette date, elle ne permettait plus de financer l'acquisition ou la création d'immobilisations amortissables. La nouvelle déduction a pour objectif d'inciter les exploitants à constituer une épargne destinée à leur permettre de surmonter les éventuelles crises et difficultés auxquelles ils pourraient être confrontés dans leurs exploitations au cours des années suivantes. Elle permet aux exploitants agricoles de déduire annuellement de leur résultat imposable une somme devant donner lieu à la constitution d'une épargne sur un compte bancaire d'un montant au moins égal à 50 % de la déduction pratiquée. En contrepartie, l'exploitant peut mobiliser cette épargne et reprendre la somme déduite, à tout moment et sans condition pendant une période de dix ans. Le dispositif vise donc à instaurer un outil simple, souple et efficace tout en responsabilisant pleinement les exploitants agricoles dans la gestion de leurs risques. Afin de tenir compte de la diversité des situations, il est prévu que l'exploitant puisse satisfaire à la condition d'épargne en cas d'acquisition ou de production de stocks de fourrages destinés à être consommés par les animaux de l'exploitation ou de stocks de produits ou animaux dont le cycle de rotation est supérieur à un an ou lorsqu'il met des sommes à la disposition d'une société coopérative agricole dans le cadre d'un contrat mettant en œuvre un mécanisme de lissage des prix. Enfin pour palier la suppression de la DPI, qui pouvait être utilisée pour l'acquisition de stocks à rotation lente, un dispositif de blocage des stocks à rotation lente en faveur des exploitants est rétabli. Concrètement, les stocks de produits ou d'animaux peuvent, sur option de l'exploitant, être comptabilisés, jusqu'à leur vente, à la valeur qui a été déterminée à la clôture de l'exercice précédant celui au titre duquel l'option pour le dispositif de blocage est exercée. Les stocks concernés sont notamment les pépinières, les vins et spiritueux et les bovins. Le régime de blocage peut être combiné avec la DEP. L'objectif recherché est de ne pas pénaliser les exploitants en dérogeant à la règle de la révision, à la clôture de chaque exercice, de l'évaluation des produits qui demeurent en stocks pendant plusieurs années. Cette règle conduit en effet à prendre en compte l'accroissement de leur valeur en cours d'exercice et donc contribue à l'augmentation du bénéfice imposable. L'ensemble de ces dispositions est de nature à répondre aux préoccupations soulevées.