Suicide des forces de l'ordre
Question de :
Mme Laetitia Saint-Paul
Maine-et-Loire (4e circonscription) - La République en Marche
Mme Laetitia Saint-Paul attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le nombre de suicides parmi les forces de l'ordre. Le 16 avril 2019, un policier du centre de rétention administrative de Metz s'est donné la mort avec son arme de service. À cette date, et depuis le début de l'année 2019, plus de 20 membres des forces de l'ordre ont mis fin à leurs jours, à leur domicile ou sur leur lieu de travail. En 2018, ils ont été plus de 70. Les rapports publiés et les travaux menés, tant par des acteurs publics que privés, démontrent que le taux de suicide est plus élevé parmi les forces de l'ordre que parmi l'ensemble de la population. Les associations expliquent ce nombre par la détérioration des conditions de travail depuis plusieurs années. La pression indue à la fonction, l'incompatibilité des horaires de travail avec une vie personnelle stable et le manque de séparation entre celle-ci et la vie professionnelle sont de nombreux facteurs soulevés. En 2015, le Gouvernement précédent avait lancé un « plan anti-suicide ». Celui-ci prévoyait notamment le recrutement de psychologues supplémentaires et la refonte des cycles de travail. Après avoir porté ses fruits en 2016, le nombre de suicides est finalement reparti à la hausse depuis 2017. Elle l'interroge donc sur les politiques mises en place afin de permettre une meilleure prévention et un accompagnement personnalisé, notamment par la mise en place d'un nouveau plan d'action bénéficiant à chacun des membres des forces de l'ordre.
Réponse publiée le 21 janvier 2020
Lors de son déplacement à l'hôpital des gardiens de la paix à Paris le 12 avril 2019, le ministre de l'intérieur, qui a fait de la lutte contre le suicide une priorité dès sa prise de fonctions, a solennellement appelé chacun à la mobilisation et à la vigilance. Les actions menées depuis des années ont, tout d'abord, permis, par la mise en place d'instances de dialogue et d'écoute, de développer une culture destinée à mieux détecter et prévenir les suicides et leurs tentatives. Ainsi, la police nationale est dotée d'un service de soutien psychologique opérationnel (SSPO), à visée psychothérapeutique et préventive, avec 89 psychologues cliniciens répartis sur l'ensemble du territoire, qui travaillent en collaboration avec les autres acteurs de l'accompagnement. Depuis début juillet 2019, le SSPO, qui disposait déjà d'une astreinte téléphonique nationale, a vu son système évoluer avec un numéro vert (0805 201 717). Il permet, en journée, d'être orienté vers le psychologue de secteur en fonction du département d'affectation de l'agent et de basculer automatiquement sur le psychologue d'astreinte en dehors des horaires de bureau. Depuis début septembre, un second numéro (également en 0 800) donne accès à un dispositif d'écoute psychologique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. La gendarmerie nationale dispose également d'un dispositif d'accompagnement psychologique de 39 psychologues cliniciens, en complément du service de santé des armées qui assure la médecine de prévention au profit des personnels militaires. Un schéma directeur des psychologues cliniciens est en cours de diffusion et prévoit notamment des recrutements sur 5 ans, renforçant ainsi l'accessibilité des spécialistes à tous les personnels. Par ailleurs, la gendarmerie et la police nationales ont mis en place et développent des modules de formation à destination de l'encadrement et des personnels pour une prise en compte plus efficiente des facteurs de risques psycho-sociaux (RPS) et une meilleure identification du rôle et des missions des acteurs du réseau santé au travail. Ces formations visent notamment à intégrer la dimension relationnelle dans l'exercice de l'encadrement et à permettre aux encadrants d'apporter une réponse adaptée selon le degré d'urgence identifié. Certaines d'entre elles, centrées sur des thématiques telles que la souffrance, le suicide et la résilience, sont déjà dispensées dans les écoles et centres de formation de gendarmerie. De même, des séminaires ont été organisés dans chaque zone de défense et de sécurité depuis le printemps et les participants ont reçus un dossier comprenant notamment un mémento pratique pour les encadrants et un guide concernant la gestion de crise et la communication après un suicide. Par une instruction du 27 mai 2019, le directeur général de la police nationale a ainsi rappelé à l'encadrement l'importance qui s'attache à favoriser les activités de cohésion, les liens, l'esprit d'équipe, qui sont autant de facteurs de protection contre l'isolement ou la détresse. Ces dispositifs de prévention reposent sur un réseau d'acteurs centraux et locaux. Ainsi, une « cellule alerte prévention suicide » a été installée dès la fin avril 2019 au sein de la police. Elle porte la mise en œuvre du programme de mobilisation contre le suicide, dans l'ensemble des services et exerce un rôle d'alerte et de veille sur le suicide et développe des partenariats avec les acteurs externes de la prévention et de la prise en charge, par exemple hospitaliers. Son travail s'appuie, notamment, sur des ressources externes (Observatoire national du suicide, etc.). Elle a aussi pour mission de suivre et d'évaluer les avancées obtenues. La gendarmerie dispose également d'une commission nationale de prévention implantée au niveau central et de 51 commissions locales implantées dans chaque région ou formation assimilée, qui permettent l'identification des situations professionnelles fragilisantes et la réduction de leur impact sur la santé des personnels. Enfin, il convient de rappeler la politique menée par le Gouvernement pour améliorer les conditions de travail des forces de sécurité intérieure. Ces efforts sont menés tant sur le plan matériel et humain (recrutements, politique immobilière, renouvellement du parc automobile, etc.) que sur le plan organisationnel avec les mesures engagées pour réduire les tâches indues et alléger les charges administratives ou procédurales afin de permettre aux forces de sécurité intérieure, qui attendent aussi beaucoup sur ce plan, de se concentrer sur les missions qui sont au cœur de leur vocation et de leur fierté. Le Livre blanc sur la sécurité intérieure et la future loi de programmation permettront d'apporter de nouvelles réponses aux fortes et légitimes attentes des policiers. Ainsi, il convient de noter que la police nationale lance une expérimentation de nouveaux cycles de travail susceptibles d'améliorer le bien-être des agents en offrant notamment aux effectifs de voie publique un plus grand nombre de week-end de repos, avec pour objectif d'améliorer la conciliation vie privée-vie professionnelle tout en maintenant le potentiel opérationnel des services et en respectant les dispositions relatives à la préservation de la santé des agents. Cette expérimentation a été approuvée à l'unanimité en comité technique ministériel le 5 septembre 2019.
Auteur : Mme Laetitia Saint-Paul
Type de question : Question écrite
Rubrique : Fonctionnaires et agents publics
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 14 mai 2019
Réponse publiée le 21 janvier 2020